LA TRIBUNE - En déplacement à Montpellier le 28 août, vous avez déclaré que "des étapes pourraient être annulées pour gagner du temps". Les patrons de TPE-PME attendent beaucoup de la simplification administrative. Qu'en sera-t-il précisément ?
Alain Griset, ministre des PME - Au titre de ministre des PME ou, avant, comme président de l'Union des entreprises de proximité (U2P), je réalise un déplacement par semaine en région auquel j'associe systématiquement les chefs d'entreprise et les élus locaux. Nous partageons tous le sentiment que la situation est complexe. Il faut transformer, et pas seulement simplifier.
Je ne compte pas annoncer un énième plan de simplification mais transformer la façon dont l'État va se comporter avec les entreprises. Je veux qu'il accompagne et conseille les entrepreneurs. Le jour où les entreprises considéreront l'Etat comme un partenaire, les choses auront changé.
Le plan de relance, qui sera présenté ce jeudi 3 septembre, sera "essentiellement un plan de réindustrialisation et de relocalisation", avez-vous également annoncé à la préfecture de l'Hérault. Outre le chantier de la simplification et la baisse annuelle de 10 milliards d'euros des impôts de production, quels outils seront mis à disposition des PME pour ce faire ?
C'est déjà énorme ! Le chantier de la simplification comportera des objectifs chiffrés pendant que celui de la rénovation débouchera sur des résultats en matière de chiffre d'affaires. En attendant, je veux que nous avancions sur la numérisation des entreprises. Celles qui s'en sont le mieux sorties depuis le début du confinement sont celles qui ont ajouté des services en plus de leurs pratiques habituelles.
Parallèlement, avec la Banque des territoires, entité de la Caisse des Dépôts, nous allons accompagner la revitalisation des centres villes et des centres-bourgs. Comme l'a déjà annoncé Bruno Le Maire en juin l'Etat va accompagner la création de foncières et investir dans des locaux commerciaux pour revitaliser les territoires. Cette opération se fera en partenariat avec les régions et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), dont le rôle est fondamental en termes de développement économique.
Un quart du plan de relance bénéficiera aux PME, a annoncé le Premier ministre Jean Castex devant le Medef le 26 août. Concrètement, comment cela se va-t-il se passer ?
Comme l'a dit le Premier ministre, il y aura au moins 25 milliards d'euros pour les TPE-PME. Jamais, un gouvernement n'aura présenté un plan aussi massif pour ces entreprises avec des investissements concrets.
Mais j'insiste l'objectif de cet argent doit se concrétiser dans la vie des Français et des entreprises, pour qu'il soit réel et mesurable. Nous allons donc créer un baromètre de suivi pour en mesurer les conséquences, avec un sous-préfet qui sera chargé d'être l'opérateur de terrain. Seront évidemment associées les fédérations professionnelles et les chambres consulaires (CCI, CMA...).
Au Medef toujours, Jean Castex a de même "souhaité que les salariés des PME bénéficient de dispositifs d'intéressement ou équivalent". Après la loi PACTE, cela va-t-il se traduire de nouveau dans la loi ?
La loi PACTE poursuit en effet cet objectif avec la suppression du forfait social pour les PME, mais nous devons aller plus loin . 45% des chefs de TPE-PME ont leur société tandis que 55% l'ont en nom propre. Dans ce dernier cas, le résultat de l'entreprise se confond avec le revenu de l'entrepreneur. Il nous reste tout un travail à mener sur comment nous pouvons inciter les travailleurs indépendants sur ce sujet.
Nous allons y travailler avec Bruno Le Maire ainsi qu'avec Olivier Grégoire, qui avant d'être nommée secrétaire d'Etat à l'Economie sociale et solidaire, portait ce sujet à l'Assemblée nationale.
"95% des recours au prêt garanti par l'Etat (PGE) sont des TPE-PME", a dit, lundi 24 dans Les Echos, le ministre de l'Economie, des Finances et de la Relance Bruno Le Maire. Où en êtes-vous des négociations avec les banques sur la possibilité d'"un taux le plus attractif possible" ?
Nous avons rencontré les banques ce 31 août 2020. D'ores et déjà, les entrepreneurs considèrent très majoritairement que l'Etat a été présent grâce à des mesures d'aides comme le PGE, le fonds de solidarité et l'activité partielle. Avec ces possibilités qui leur ont été offertes, nous n'avons pas assisté à des faillites en cascade.
Cependant, une sorte de crainte latente se fait entendre: que va-t-il se passer ? Cette petite musique qui circule, cette peur de l'avenir, se matérialise avec la crainte du mur de la dette, C'est pourquoi, il faut que les PME-TPE aient conscience qu'elles ont la possibilité de payer leur PGE en cinq ans. 120 milliards d'euros de PGE à 0,25%, pour lesquels l'Etat s'est porté caution à hauteur de 90% ont été accordés aux entreprises. Dans les quatre mois qui précèdent la première année, l'entreprise peut soit le rembourser soit l'étaler sur cinq ans. Concernant le taux qui sera appliqué, Bruno Le Maire a annoncé qu'il se situerait entre 1 à 3%. Il aura l'occasion de le préciser prochainement.
Quid des "prêts participatifs de long-terme qui compteront dans les fonds propres" ? Quelles en seront les modalités ?
Nous avons libéré 3 milliards d'euros pour permettre aux PME-TPE d'investir. Cela sera détaillé lors de la présentation du plan de relance par le Premier ministre, ce jeudi 3 septembre.
Entre les grèves des transports, les "gilets jaunes" et la crise sanitaire, beaucoup de petits patrons redoutent des difficultés à reconstituer de la trésorerie voire des reconfinements locaux...
Depuis le 13 mars, j'ai toujours estimé qu'il fallait garantir et la santé des Français et faire en sorte que l'économie ne s'écroule pas. Cela a été fait ! Aujourd'hui, le gouvernement dit qu'il faut mettre le masque. Dont acte.
Avec le président de la République et le Premier ministre, nous faisons tout pour éviter un reconfinement qui aurait des conséquences très lourdes sur les entreprises. Si l'on décidait de reconfinements locaux, ce serait parce que la situation se dégraderait.
Quel que soit son niveau de revenus, chaque Français a d'ailleurs une partie de la solution en main. Si chacun respecte la distanciation, il participera à la disparition du virus. C'est ainsi que l'on pourra reprendre une activité normale.
Avec entre 70 et 100 milliards d'euros épargnés, les Français ont en outre une part de réussite de la France entre leurs mains. Qu'ils consomment, qu'ils se fassent plaisir... Cela contribuera à donner de l'activité. L'Etat fait beaucoup, mais les Français ont aussi leur part de responsabilité.
A propos de l'État, comment comptez-vous agir pour améliorer voire réduire les délais de paiement de la part de ce dernier, des grands groupes et des collectivités ?
Avant toute chose, rappelons que le crédit inter-entreprises est plus important que le crédit bancaire et que les TPE demeurent les plus en danger dans ce rapport de forces. Des comportements s'avèrent inacceptables et doivent être combattus. Pour l'Etat, les choses se sont beaucoup améliorées. Avec la facturation électronique en 2023, qui rendra les paiements quasi-automatiques, les entreprises vont gagner beaucoup de temps.
Dans le même temps, faut-il encore réduire les délais de paiement ? Je ne m'interdis pas de regarder comment augmenter les sanctions pour les mauvais payeurs. Nous ne pourrons pas accepter que des entreprises fassent faillite à cause d'autres qui ne paient pas leurs factures. C'est l'un de mes sujets prioritaires.
Nous sommes à un moment où il faut trancher et ne plus faire de saupoudrage. Pendant le confinement, beaucoup de choses ont bien fonctionné en dehors des règles. Le bon sens a été au rendez-vous des besoins. Il faut le pérenniser, donner la priorité à l'efficacité et ne pas retomber dans nos mauvaises habitudes. Il subsistera toujours des effets d'aubaine, des effets pervers, mais il en restera toujours quelque chose.