Pour ou contre : faut-il repousser l'arrivée des ZFE ? (Olivier Blond face à David Belliard)

L'arrivée des ZFE dans les métropoles fait déjà des remous chez les automobilistes et dans la classe politique, y compris chez les écologistes de plus en plus critiques à l'égard de ce dispositif socialement explosif. Faut-il repousser l'entrée en vigueur des ZFE ? C'est le débat de la semaine entre Olivier Blond, conseiller régional d'Ile-de-France délégué à la santé environnementale, et David Belliard, adjoint à la maire de Paris en charge des mobilités.
Olivier Blond face à David Belliard.
Olivier Blond face à David Belliard. (Crédits : Reuters)

A peine arrivées, déjà brocardées. L'entrée en vigueur des ZFE (zones à faibles émissions interdites aux véhicules les plus polluants) au 1er janvier 2023 dans onze grandes villes françaises s'accompagne d'un concert de klaxons et de protestations, à l'image des manifestations des motards et automobilistes qui ont défilé en début d'année à Rouen, Marseille ou Strasbourg.

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D'ici à 2024, les ZFE sont censées être étendues à toutes les agglomérations de plus de 150.000 habitants mais la colère pointe déjà au niveau national et ne devrait pas faiblir. En réponse, le Sénat vient de lancer une consultation en ligne pour recueillir les doléances des millions de Français concernés. Face à la grogne, certains écologistes favorables sur le principe aux ZFE, comme la secrétaire générale d'EELV Marine Tondelier, suggèrent de temporiser sur le calendrier d'application. C'est l'option prise à Lyon. Le président de la métropole du Grand Lyon a décidé d'autoriser les véhicules diesel deux ans de plus dans sa métropole, jusqu'à 2028 au lieu de 2026.

Attentif au climat social éruptif, le gouvernement scrute attentivement le sujet et vient de mandater l'ancienne ministre de la Transition écologique Barbara Pompili pour mener une mission sur le sujet. Dans l'opposition, des voix se font déjà entendre, dont celle du député communiste Fabien Roussel, pour réclamer un moratoire sur les ZFE dans toute la France. Alors, faut-il repousser l'arrivée des ZFE ?

POUR

Le calendrier a déjà été reporté plusieurs fois, notamment en Ile-de-France. C'est le signe qu'il n'est pas tenable. Les constructeurs sont incapables de produire les véhicules et, surtout, les citoyens n'ont pas les moyens de les acheter ou les collectivités de les subventionner. En Ile-de-France, il faudrait changer environ 1,5 million de véhicules pour passer au prochain stade de la ZFE, qui prévoyait l'interdiction des Crit'Air 2 et 3 ! Le modèle des ZFE est en crise, et même le gouvernement, qui le défend pourtant avec acharnement, le reconnaît puisqu'il vient de lancer un comité de concertation national sur les ZFE dirigé par Edouard Manini et qu'il a confié une mission sur le même sujet à Barbara Pompili.

La grogne est bien compréhensible. Elle est partagée par les personnes modestes durement frappées par la crise mais aussi par celles et ceux qui ont des revenus supérieurs, mais qui n'ont que très peu d'aides. Qui a envie de dépenser 20 000 euros pour remplacer une voiture qui fonctionne bien ? Cette grogne constitue un obstacle insurmontable pour les ZFE. Soit on renonce à verbaliser, personne ne respecte les interdictions, et donc, dans les faits, les ZFE cessent d'exister. Soit on met en place la verbalisation généralisée et automatique. On risque alors de déclencher une révolte de type gilets jaunes ou bonnets rouges, ce dont notre pays n'a vraiment pas besoin. C'est une impasse. Il faut avoir le courage de reconnaître qu'on s'est trompé et transformer le dispositif des ZFE pour qu'il ait une chance d'exister enfin.

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En Ile-de-France, nous avons suggéré à la Métropole du Grand Paris, qui est seule décisionnaire, de reporter de 18 mois la prochaine étape. Elle semble avoir pris ce chemin, ce qui est une bonne chose. Mais il y une erreur qu'il faut dissiper : ce n'est pas parce qu'on décale le calendrier des ZFE qu'on arrête de lutter contre la pollution de l'air. Tout au contraire ! Les ZFE ne sont qu'une action parmi d'autres dans la lutte contre la pollution de l'air. Et probablement pas la plus efficace.

Nous venons de lancer un grand plan d'action à la région Ile-de-France contre la pollution de l'air doté de 900 millions d'euros de budget. Nous créons de nouvelles stations de métro, de nouvelles pistes cyclables, nous encourageons l'achat de vélos ou de nouveaux véhicules propres, pour ne citer que quelques mesures. Tout cela diminue concrètement la pollution tout en améliorant le service rendu aux citoyens, au contraire des ZFE. Et ça marche : la pollution a diminué en Ile-de-France de 30 à 40% en dix ans, selon les dernières études. On peut lutter contre la pollution sans emmerder les Français !

CONTRE

Depuis quelques mois, les zones à faible émission sont pointées du doigt. Elles porteraient les germes d'une prochaine crise sociale majeure, façon gilets jaunes. Ces zones à faible émission prévoient de limiter l'accès à de vastes zones urbaines pour les véhicules les plus polluants, bien souvent propriété des plus modestes. Nous serions donc face à un dilemme : commettre une injustice dans l'accès aux centre-villes urbains d'une partie de la population, ou repousser ad vitam eternam l'installation de ces ZFE, et laisser mourir cette même population de la pollution de l'air.

Car la pollution de l'air tue, et d'abord celles et ceux qui vivent à proximité des voies routières et autoroutières. Et devinez quoi ? Ce sont les plus pauvres qui vivent dans ces zones. Rien qu'en Ile-de-France, près de 7000 personnes par an meurent prématurément de la pollution de l'air. Alors on repousse, on discute, on crée des nouveaux groupes de travail, au Sénat, au gouvernement. Et pendant ce temps, on meurt. Mais ces morts, invisibles, ne se rappellent à nous que lorsqu'on apprend les amendes que paye la France pour inaction face à la pollution de l'air (20 millions d'euros rien qu'entre juillet 2021 et juillet 2022).

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Repousser la mise en place des ZFE, c'est de nouveau oublier ces victimes. Pourtant, il existe une voie qui allie justice sociale, santé et écologie. Au lieu de distribuer à tout le monde, comme cela a été fait en 2022, des aides pour faire le plein d'essence (SUV compris), il nous faut assumer le ciblage. Cibler les aides à l'achat d'une voiture moins polluante vers les plus modestes et vers ceux qui ont besoin d'une voiture pour aller travailler, parce que professionnels (petits artisans, TPE, métiers du soins...) ou parce que sans alternatives. Sur ce plan, la situation est d'ailleurs bien différente à Rouen ou à Pau qu'en région parisienne, qui bénéficie pour partie de réseaux de transports denses. Les aides doivent donc être adaptées aux spécificités locales.

Enfin, on nous dit que les ZFE sont injustes, parce qu'elles permettent à des SUV électriques de bénéficier de vignettes Crit'air 0 face à de petits véhicules âgés en Crit'air 3 ? C'est vrai. Alors ayons le courage de coupler la lutte contre le réchauffement climatique à celle pour une meilleure qualité de l'air et de mettre ainsi une vraie pression sur les industriels pour qu'ils modifient leur production vers des véhicules plus petits et plus légers, même électriques. D'une manière générale, nous n'avons pas besoin de SUV en ville : ne leur attribuons tout simplement plus de vignettes. Enfin, à tout cela, il s'agit d'affirmer la fin du modèle du « tout voiture » et d'investir massivement vers des solutions de transports collectifs et de logistiques décarbonées. Car oui, la lutte contre les pollutions de l'air ne se réduit pas à un débat pour ou contre les ZFE. Elle implique de définir l'horizon d'un nouveau modèle de déplacement propre, accessible et plus égalitaire.

Commentaires 6
à écrit le 21/04/2023 à 17:06
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Seul ,les gars de "renaissance" pourront rouler bientôt.

à écrit le 20/04/2023 à 19:06
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Je ne suis pas pauvre,et pourtant je suis contre ce dicta k Mes trois véhicules fonctionnent parfaitement contrôle technique OK, Laissons les cons dans un délire mortifère et suicidaire et regardons pousser les pâquerettes en attendant leur écroul...

à écrit le 20/04/2023 à 18:08
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Il faut supprimer cette aberration discriminatoire sinon on va encore avoir le gouvernement peut s attendre à qques problèmes...

à écrit le 20/04/2023 à 8:45
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Non seulement les retarder, mais les supprimer. Entre toutes les aberrations politico-écolo, les contraintes économiques, l'exclusion de nombreuses personnes, la mise en oeuvre idéologique et sans sens pratique, l'impossibilité pour beaucoup de rempl...

à écrit le 20/04/2023 à 8:02
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C'est une entrave totale à la liberté de circulé . La discrimination pauvre / riche est un scandale dans ce pays . On impose et après on cherche des solutions à l'idéologie . Ils veulent forcer les gens à acheter des voitures neuve et leur levier...

le 20/04/2023 à 8:30
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les zfe ne sont rien d'autre qu'une nouvelle segregation par le fric pour exclure les pauvres des villes un nouveau racisme de classe une nouvelle forme d'esclavage et encore bien cache au fond du tiroir le reour de l'octroi et de ces formes d'imp...

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