Pour ou contre : faut-il augmenter les impôts pour financer la transition écologique ? (Aurélie Trouvé face à Agnès Verdier-Molinié)

Un mur d'investissement se dresse devant les Etats qui, à l'image de la France, promettent de sauter le pas de la transition écologique, alors même que leurs finances publiques sont obérées par les crises à répétition. Faut-il augmenter les impôts pour financer la transition écologique ? C'est le débat de la semaine entre Aurélie Trouvé, députée LFI et économiste, et Agnès Verdier-Molinié, directrice de la fondation iFRAP.
Aurélie Trouvé face à Agnès Verdier-Molinié.
Aurélie Trouvé face à Agnès Verdier-Molinié. (Crédits : Reuters)

Comment financer la transition écologique ? Au regard des montants pharaoniques estimés par les économistes, la question tourne au casse-tête pour les Etats. Pour Patrick Artus, le chef économiste de Natixis, la facture s'élèvera en effet à 4% du PIB sur 30 ans, tandis qu'un rapport de la Fondapol évoque même 6% du PIB sur 10 ans.

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La Fondapol ne manque pas d'avancer des pistes de financement pour les gouvernements : s'endetter, réduire les dépenses... ou augmenter les taxes. Pour l'exécutif français, qui a poussé en six ans la dette française à près de 3000 milliards d'euros, soit 111,6% du PIB fin 2022, tout en écartant tout retour à l'austérité, une hausse d'impôts paraît inévitable. « Le gouvernement n'aura guère d'autre alternative que d'augmenter les prélèvements obligatoires », prédisait ainsi François Hollande dans un entretien à Challenges.

Las, Emmanuel Macron a fait la promesse inverse pendant sa campagne. Le sujet dépasse maintenant les frontières de l'Hexagone et pourrait rebondir au niveau européen dans les prochains mois. L'Espagne, qui s'apprête à prendre la présidence de l'UE en juillet, compte mettre sur la table un projet de taxation des plus fortunés au niveau mondial pour financer la transition écologique.

Alors, faut-il augmenter les impôts pour financer la transition écologique ?

POUR

Le marché est incapable d'enclencher la bifurcation écologique par la seule grâce de la concurrence pure et parfaite ; les investissements à réaliser sont énormes et rentables à (très) long terme uniquement. Ce sont des dizaines de milliards d'euros annuels qui sont nécessaires aux pouvoirs publics pour assurer une bifurcation écologique et sociale : entre 20 et 30 milliards par an pour le seul volet énergétique, selon différentes études. L'ampleur de la crise écologique appelle dès lors des politiques publiques d'une ambition sans précédent, pour lesquelles l'Etat et les collectivités locales devront se doter de moyens ambitieux.

Une partie des ressources indispensables pourra bien sûr provenir de l'emprunt : il n'y a rien d'aberrant à y recourir pour financer des infrastructures coûteuses dans le domaine des transports ou de l'énergie. Nombre d'experts comme de responsables politiques proposent à cet égard d'exclure les dettes contractées au titre de la transition écologique des indicateurs de l'endettement public.

Mais l'outil fiscal est incontournable pour apporter les recettes publiques nécessaires à la bifurcation écologique. Il peut aussi revêtir deux autres fonctions classiques de l'impôt : redistribuer les richesses et modifier les comportements des individus ou des entreprises. De ce point de vue, la fiscalité écologique ne doit surtout pas devenir une charge supplémentaire pour les ménages les plus modestes. Surtout dans une période où les salaires réels ont baissé de plus de 2% sur l'année écoulée. Elle doit même permettre un meilleur partage des richesses, puisque celui-ci est indispensable à la bifurcation écologique.

En effet, c'est parce qu'il y a des ultrariches que sévissent des modes de consommation insoutenables pour la planète. Oxfam l'a parfaitement documenté : le patrimoine financier des 63 milliardaires français les plus riches émet autant que celui de 49,4 % des ménages de notre pays. Les premiers responsables de la crise écologique sont les plus riches et les multinationales, par leur exploitation massive du vivant et des biens communs. Il est donc juste de mobiliser les plus riches, individus comme multinationales. A l'inverse, une hausse des plus bas salaires est indispensable, par exemple pour permettre l'achat de produits bios et locaux et une transition écologique de l'agriculture.

Ainsi, la taxe supplémentaire sur les carburants, voulue par Emmanuel Macron en 2018, n'est pas une bonne fiscalité écologique. Elle avait mis le feu aux poudres et lancé le mouvement des gilets jaunes, qui y voyaient une injustice sociale et fiscale. Et pour cause, elle revenait à grever avant tout les revenus des plus précaires, contraints de prendre leur voiture, sans que ne soient mis en place des transports en commun accessibles ni relocalisés les commerces et les services publics. La sanction (pour les plus pauvres) a été pensée avant les alternatives. Dans le même temps, les sites industriels les plus polluants se voyaient exemptés de toute fiscalité supplémentaire, et les plus riches, dont le mode de vie est le plus prédateur des ressources naturelles, obtenaient de substantiels cadeaux fiscaux. Voilà bien l'exemple d'une fiscalité écologique antisociale.

Alors, quelle fiscalité acceptable, juste et efficace mettre en place ? Plus qu'une augmentation généralisée des impôts, c'est une révolution fiscale qu'il faut enclencher. Qui allègerait, par exemple, la TVA sur les produits de première nécessité, qui pèse davantage dans le budget des ménages modestes, et l'accentuerait nettement sur les produits de luxe et les pratiques de loisir particulièrement polluantes. Il est urgent, aussi, de remettre en cause les cadeaux fiscaux massifs concédés aux plus riches comme aux grandes entreprises. De telles mesures généreraient, sans prélèvement supplémentaire pour l'immense majorité des ménages, plusieurs dizaines de milliards par an pour l'Etat. De quoi engager des investissements massifs dans les énergies renouvelables et dans la transition agroécologique, par exemple.

contre

La France est l'un des pays les moins émetteurs de gaz à effet de serre au monde avec moins de 1% des émissions mondiales alors que notre PIB représente 4% du PIB mondial. 4,5 tonnes de CO2 par habitant quand la moyenne dans l'Union européenne est à 6 tonnes, l'Allemagne à 7,9 tonnes et les Pays-Bas à 8,4 tonnes. La France, grâce au nucléaire, émet moins de CO2 par habitant que la plupart des pays d'Europe. Mieux encore, pour produire son électricité, la France émet 7 à 10 fois moins de CO2 en gramme par kWh que l'Allemagne.

De surcroît, la France a déjà une fiscalité écologique substantielle. Selon l'OCDE, la fiscalité verte représentait en 2016 en moyenne 1,6% du PIB des pays industrialisés, 1,9% en Allemagne, 2,2% en France, 2,2% en Suède et 2,4% au Royaume-Uni. En 2022, la fiscalité verte pourrait représenter 2,5% du PIB en France. Nos concitoyens sont assujettis à une des fiscalités écologiques parmi les plus élevées du monde.

Qu'on en juge : en 2021, les Français ont payé 64 milliards € de taxes environnementales. Un record qui a baissé un peu depuis, avec les boucliers énergétiques qui ont momentanément réduit puis supprimé la TICFE, la taxe sur l'électricité pour financer justement les énergies renouvelables. Celle-ci est passée de près de 8 milliards € en 2021 à 0 en 2023 dans les prévisions du gouvernement. Mais ne nous leurrons pas, l'allégement n'est que transitoire dès que les boucliers sauteront. En cas de suppression des allègements fiscaux sur les énergies en 2024, la facture pourrait exploser, à près de 68,3 milliards d'euros. Il faudrait d'ailleurs ajouter à ces taxes environnementales le produit de la TVA assise sur ces mêmes consommations énergétiques.

De plus, nous nous sommes donné des objectifs très exigeants dans la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) à horizon 2030. Voyons plutôt : neutralité carbone à l'horizon 2050, réduire la consommation énergétique primaire des énergies fossiles de 40% dès 2030. Il était aussi prévu que la part du nucléaire dans la production d'électricité baisse à 50% à l'horizon 2035. Un objectif heureusement annulé en janvier 2023 par le Sénat au moment du vote sur la loi pour accélérer la construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Mais il aura fallu attendre qu'une crise énergétique, la peur des coupures d'électricité et que la moitié de nos réacteurs nucléaires soit à l'arrêt pendant l'hiver 2022-2023 pour nous réveiller !

Qui va payer cette montagne d'investissements pour atteindre la neutralité carbone en 2050 ? Tous ces objectifs demanderont en France des investissements de l'ordre de 2,1% à 2,9% du PIB à par an d'ici 2030. Soit entre 58 et 80 milliards chaque année selon Rexecode. Le poids des investissements se répartirait de la manière suivante : 43 milliards d'euros pour les entreprises et 37 milliards d'euros pour les ménages.

Nous avons des objectifs hors sol et infinançables qui sont économiquement et socialement dangereux car trop rapides. Il est vraisemblable que, devant le mur de financement qui se précise devant nous et ce n'est pas le risque d'aggravation d'impôts qui nous menace, mais la réalisation qui soit intenable. Pour que la trajectoire soit soutenable, il faudra non pas augmenter les impôts des Français et des entreprises mais repousser les dates trop courtes fixées en termes de transition. 2030 et 2035 c'est demain. Ainsi la France presse pour la fin de véhicules neufs thermiques en 2035... un objectif impossible à tenir industriellement, a fortiori en phase de réindustrialisation. Et qui risque de déclasser définitivement notre industrie automobile. N'a-t-on pas retenu les leçons de la filière nucléaire, qui était condamnée à la fermeture, ce qui a découragé les investissements dans cette filière ?

Comment croire aussi que nous pourrions réindustrialiser la France sans passer par une augmentation transitoire des émissions françaises de CO2 ? Il vaut mieux réindustrialiser et affronter directement chez nous l'impact des émissions de CO2 plutôt que de repousser la question chez nos partenaires commerciaux mais en sacrifiant les emplois qui vont avec.

Commentaires 26
à écrit le 24/04/2023 à 13:59
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Le niveau de prélèvement est déjà en France au sommet. Il faut rechercher les économies. A titre d'exemple, on découvre aujourd'hui que l'on peut éteindre l'éclairage public entre minuit et cinq heures du matin. Pourquoi ne pas imposer cette mesure ...

à écrit le 31/03/2023 à 12:37
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Le problème n'est pas d'augmenter les impôts pour financer la transition écologique . C'est aux entreprises à la financer. Depuis des années, les dirigeants d'entreprise nous prétendent qu'il faut baisser les impôts afin qu'ils aient les moyens de fi...

le 29/05/2023 à 18:37
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Il y a actuellement 75 milliards d'euros d'impôts de production en France contre 25 milliards en Allemagne. Il est donc important de continuer la baisse de cet impôt pour rendre de la compétitivité au tissus industriel Français.

à écrit le 31/03/2023 à 12:36
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Le problème n'est pas d'augmenter les impôts pour financer la transition écologique . C'est aux entreprises à la financer. Depuis des années, les dirigeants d'entreprise nous prétendent qu'il faut baisser les impôts afin qu'ils aient les moyens de fi...

à écrit le 30/03/2023 à 18:48
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Génération Masochistes... La transition énergétique on la paye déjà à vil prix avec l'inflation galopante. Génération qui au passage ne sait pas négocier un prix. J'invite à réécouter Michel Édouard Leclerc chez BFM hier soir en Replay. Il a tout d...

le 31/03/2023 à 8:37
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c'est aux ecolos eux meme de se prendre en charge et demain les feneants vont aussi reclamer une subvention pour vivre comme des pacha stop cela suffit

à écrit le 30/03/2023 à 14:37
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Il ne faut pas augmenter les impôts des classes moyennes comme d'habitude mais pourchasser la fraude fiscale de ceux qui touche des super bonus (Vous savez ces fameux bonus que M Lemaire ne connait pas !) et arrêter de permettre l'optimisation fi...

le 31/03/2023 à 19:25
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Que vient faire ici "demander a M Macron de ne plus mépriser les Français" ? Ce n'est pas un argument pour ce débat. Respectez les lecteurs de ce journal.

à écrit le 30/03/2023 à 13:15
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Pour Aurélie comme pour toute la gauche, c'est vite trouvé; Il suffit toujours d'augmenter les impôts. Dans leur idéologie, il y a toujours plus de dépenses et toujours plus d'impôts. Notre record mondial n'est pas près d'être battu. A quand une dimi...

à écrit le 30/03/2023 à 11:41
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Faudrait déjà s'entendre sur une nécessité de la transition écologique. Dans le cas contraire, ce seront des milliards dépensés en pure perte, pour rien. Un appauvrissement programmé de l'occident qui ne peut déjà plus se le permettre. Après le nazis...

à écrit le 30/03/2023 à 11:17
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NON IL NE FAUT PAS augmenter les impôts . OUI IL FAUT RÉDUIRE les salaires et retraites somptueuses des hauts fonctionnaires, des députés et des sénateurs. OUI il faut taxer les logisticiens importateurs massifs qui polluent la planète avec leurs éno...

à écrit le 30/03/2023 à 11:13
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Dans un Pays super endetté d'avance (3.000 milliards et 4,7% du PIB) et surtout des prélèvements obligatoires au top niveau des pays comparables dans l'UE (45,2% du PIB) on peut encore faire pire et continue à se tirer une balle dans la pied en matiè...

à écrit le 30/03/2023 à 10:04
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"On va un jour nous faire payer l air qu on respire" Finalement grace a nos dirigeants géniaux nous y sommes pas très loin !! Heureusement que pour les 47% de français imposables, il y a d autres pays ou l air est plus respirable et cela juste á...

à écrit le 30/03/2023 à 9:45
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Pas d'impôt supplémentaire. Entre impôts et taxes diverses et variée à tous niveaux de notre vie, la coupe déborde. D'autant plus que des sommes importantes ne sont dépensées qu'en pure perte à alimenter des organisme inutiles, ainsi que tous ceux qu...

à écrit le 30/03/2023 à 9:43
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Qui écoute encore Merdier Volinie une intégriste économique sectaire qui détiendrait une vérité révélée et immuable.

à écrit le 30/03/2023 à 9:21
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Non nous sommes deja surtaxé PAR contre on peu faire des économies exemple Aujourd'hui combien va couter en euros et en polution le deplacement inutile de Mr MACRON

le 30/03/2023 à 9:39
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diversion sans résultat l! dans cette gabedgie politique doctrinaire sectaire et systémique qui contribue au déclassement DU PAYS et rejetée par 80%

à écrit le 30/03/2023 à 9:20
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Non nous sommes deja surtaxé PAR contre on peu faire des économies exemple Aujourd'hui combien va couter en euros et en polution le deplacement inutile de Mr MACRON

à écrit le 30/03/2023 à 9:11
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Avant de financer il faudrait nous dire ce que l'on va faire. En 1974 lors de la tension sur le pétrole les politiques visionnaires ont annoncé le plan Messmer (19 réacteurs nucléaires et une industrie associée). Actuellement se sont des financements...

à écrit le 30/03/2023 à 9:04
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La transition écologique ce n'est pas de construire, ni intervenir dans l'environnement mais bien au contraire; cela mérite plutôt des interdictions pour changer les habitudes !

à écrit le 30/03/2023 à 8:55
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Pays le plus taxé au monde et on veut rajouté une couche, bien sûr au nom de la justice sociale on va encore taxé la classe moyenne et on s'étonne de sa disparition. La gauche aime tellement les pauvres qu'elle fait tout pour les multiplier.

à écrit le 30/03/2023 à 8:50
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Et pourquoi serait-ce aux états de financer cette transition?, aide-t-on les constructeurs automobile à passer aux différents niveaux de CRITair ? L'industrie chimique est-elle assistée lorsque l'on interdit tel ou tel produit ?. Il suffit de produir...

à écrit le 30/03/2023 à 7:54
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Avant d’augmenter les impôts, déjà commencer par repenser et optimiser l’urbanisme et l’agriculture, réorienter des subventions telles le CICE (dont le premier bénéficiaire est la grande distribution), ou les subventions agricoles productivistes, ver...

à écrit le 30/03/2023 à 7:53
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Évidemment avec la gauche quand il y a des besoins on ne se pose jamais la question de rationnaliser les dépenses de l’état on pense augmentation des impôts c’est toujours HAROS SUR LA MINORITÉ IMPOSABLE DE FOYERS HARO SUR LES PROPRIOS que le résulta...

à écrit le 30/03/2023 à 7:27
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oui, je propose 10 points de TVA pour te financer tout ca dans la tolerance car de gauche! devinez qui sont les hypertolerantes qui vont pousser des cris de singes bienveillants.es car de gauche? he oui, les memes.es que celles.es qui hurlent qu'il ...

à écrit le 30/03/2023 à 7:26
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Bonjour, Ils me semblent important de mieux repartir l'impôt... Moins de moyen de defiscalisation... Imposition équitable sur les revenus du travail , et de l'immobilier...

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