L'impôt sur la fortune climatique s'est invité dans la campagne présidentielle. Il a d'abord été imaginé par Greenpeace. Dans son rapport dévoilé en octobre 2020, l'ONG propose en effet d'intégrer une composante carbone à la fiscalité en fonction de l'empreinte carbone des plus riches. La taxe carbone qui a mis le feu aux poudres en novembre 2018 autour des ronds-points en France avec la crise des gilets jaunes est jugée "régressive". L'ONG propose de s'attaquer aux patrimoines financiers des plus aisés. "L'introduction d'une composante carbone (au niveau actuel de 44,6 euros/tCO2eq) appliquée à l'empreinte carbone moyenne des placements financiers de ces ménages permettrait ainsi de rapporter environ 4,3 milliards d'euros à l'État", explique l'organisation. Depuis, cette idée a été reprise par Yannick Jadot (EELV) et Anne Hidalgo (PS) selon différentes modalités. Les pourfendeurs de cet outil fustigent un alourdissement de la fiscalité et un risque d'exil fiscal.
Alors, faut-il mettre en place un tel impôt ?
L'ISF climatique permet la mise en place d'un impôt sur l'ensemble des patrimoines des plus riches. Depuis 2017, la transformation de l'impôt sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière (IFI) n'a pas permis de taxer réellement les plus plus fortunés. Le dernier rapport d'Oxfam montre que la fortune des plus riches n'a jamais augmenté autant en si peu de temps. Or, les plus aisés sont les plus pollueurs sur la planète. Les 10% les plus riches en France émettent environ 50% des émissions de CO2. L'ISF climatique permettrait donc de taxer le modèle polluant de la fortune des milliardaires en ajoutant une composante carbone, en fonction de leur empreinte carbone.
Aujourd'hui, la fiscalité écologique se concentre principalement sur les consommateurs avec la taxe carbone. Par conséquent, la taxe carbone pèse proportionnellement plus sur les plus modestes que sur les plus riches. Cet ISF climatique s'appliquerait aux ménages qui payaient l'ISF auparavant. Pour rappel, avant la suppression de l'ISF, 340.000 ménages étaient concernés par cet impôt. Rappelons que la fortune ne concerne pas uniquement les actions détenues mais aussi l'épargne financière. L'objectif est de mettre en place une méthodologie qui permet de mesurer le poids carbone de chaque placement financier en fonction d'une taxonomie. Le problème est qu'il y a actuellement des ingérences politiques sur la taxonomie européenne. Que le gaz soit classé comme une énergie verte va nous poser un problème pour notre propre classification.
A quoi servirait cet ISF climatique ? ll permettrait de générer deux catégories de recettes. Une première qui servirait au financement de notre modèle social, et une autre au financement de la transition vers une économie bas carbone. Sur la composante carbone, les recettes attendues pourraient être de l'ordre de 4 milliards d'euros par an. Autant les recettes sur le patrimoine financier sont des recettes qui ont vocation à durer, autant l'objectif de la surtaxe polluante est de faire changer de comportement. Ce volet de recettes n'a pas vocation à durer dans le temps. On veut que les entreprises soient moins polluantes. Cela doit se traduire par une stratégie de décarbonation d'entreprise. Comme les recettes issues de la surtaxe polluante n'ont pas vocation à durer dans le temps, elles ne doivent pas servir à financer notre modèle social.
Enfin, précisons que d'après les chiffres de Bercy, le taux moyen de contribuables à l'ISF qui tentaient de partir de France était de 0,2% en moyenne sur les dix années précédant la suppression de l'ISF. Pour 99,8%, l'ISF ne posait donc pas de problème au point de provoquer un départ. Le coût pour l'Etat selon Bercy était de 20 millions d'euros par an. La suppression de l'ISF était d'environ 3,2 milliards d'euros. Cette suppression est une mauvaise opération financière pour l'Etat. L'ISF climatique ne réglera pas tous les problèmes mais cette mesure permet de retaxer justement les grandes fortunes et de reporter une partie du coût de la transition écologique vers ceux qui détiennent les moyens de production.
L'ISF climatique est un slogan brandi par les candidats de gauche qui ne veut pas dire grand chose. Ces candidats souhaitent avant tout rétablir l'ISF. Ce n'est pas la meilleure solution pour développer l'économie française et prendre le tournant de l'écologie. En France, on adore le slogan un "problème, un impôt". C'est un impôt assez symbolique quand on le compare à l'ensemble des fortunes mondiales. L'impôt sur la fortune vert n'aurait aucun impact sur le réchauffement climatique. Même si les différents rapports d'ONG montrent que les portefeuilles d'actions des 1% les plus riches de la planète sont investis dans des compagnies pétrolières mondiales, la présence des portefeuilles français est marginale. Total, Exxon et Aramco ne perdraient pas beaucoup d'investisseurs si les investisseurs français en sortaient. L'argument fallacieux, qui consiste à dire que le portefeuille des plus fortunés émet plus de carbone que ceux des moins fortunés et qu'ils sont donc responsables du réchauffement, ne tient pas. Ce sont les activités économiques qui sont responsables avant tout.
Pointer du doigt les méchants riches est une vieille technique de la gauche traditionnelle. Elle devrait faire preuve de plus de créativité. Il y a autant de propositions que de candidats à gauche. Le diable est dans les détails. La fiscalité sur les portefeuilles d'actions des millionnaires et milliardaires pose beaucoup de questions méthodologiques sur la taxonomie notamment.
La majorité est évidemment pour le développement de l'épargne verte. Il faut inciter les Français à avoir des investissements plus responsables. Nous avons commencé à le faire dans le cadre de la loi Pacte. La fiscalité devient extrêmement compliquée. Dans les produits disponibles aujourd'hui, il y a différentes manières de faire de la finance verte. La mise en place d'une taxonomie dans le cadre de cet ISF vert peut empêcher les gens et les entreprises de faire leur choix en matière d'investissement vert. Je crois beaucoup à la responsabilisation des acteurs. Les banques, les investisseurs publics et les investisseurs institutionnels font de plus en plus le choix de sortir des investissements fossiles. Il n'y a pas besoin d'un impôt pour ça. Le gouvernement a remplacé l'ISF par l'impôt sur la fortune immobilière car la majorité actuelle voulait inciter les épargnants à investir dans les entreprises françaises. Nous ne voulons pas revenir sur cette idée.
Le risque d'exil fiscal est réel. Depuis la fin de l'ISF, il y a un retour des contribuables fortunés en France. Notre majorité plaide pour une stabilité fiscale. La France est déjà l'un des pays qui émet le moins de carbone par personne. Nous avons une politique de réduction des émissions carbone ambitieuse en supprimant certaines liaisons aériennes, en développant énormément les véhicules électriques, en affirmant la place de l'énergie nucléaire tout en développant des énergies alternatives. Cette politique est incitative et non punitive. Elle ne vise pas à diviser la population française.