Pourquoi Airbnb se révolte contre l'amendement du Sénat

Airbnb est vent debout contre un amendement du Sénat qui donne la possibilité aux grandes villes de mettre en place une procédure d'enregistrement du loueur. La plateforme y voit un frein à la dynamique de l'économie collaborative en France ... mais le situation est plus complexe.
Mathias Thépot
L'amendement du Sénat pourrait rogner les profits (illégaux) de la firme américaine en France.

Le Sénat aurait porté un coup de massue au modèle d'Airbnb en France en demandant une plus grande transparence aux plateformes de locations de courte durée dans les grandes villes. Il a en effet adopté un amendement du Groupe socialiste et républicains et apparentés qui dit qu'« afin d'assurer la traçabilité et une meilleure transparence des activités de location de locaux meublés pour de courtes durées, les communes (de plus de 200.000 habitants et celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ndlr) auront la faculté de mettre en place une procédure d'enregistrement du loueur ».

Plus concrètement, si la commune le souhaite, « une annonce ne pourra pas être mise en ligne sans avoir été enregistrée par la mairie », indiquent les auteurs de l'amendement. De quoi agacer profondément la firme de la Silicon Valley, déjà attaquée de toute part en Europe, et qui voit là une entrave à la liberté de ses utilisateurs. « Cela n'aura d'autre effet que de défavoriser les particuliers qui souhaitent louer leur logement de manière occasionnelle, au bénéfice de loueurs professionnels, rompus aux procédures administratives », s'est indigné Airbnb auprès de l'AFP. Dont acte.

Continuer à mettre des annonces illégales

Mais l'amendement du Sénat est surtout susceptible de limiter les profits de l'entreprise. Car si Airbnb est autant vent debout contre la mesure, c'est qu'elle « veut continuer à mettre en ligne des annonces illégales sur son site », assure un observateur avisé du marché de la location de courte durée. Ces annonces peuvent prendre la forme de locations de résidence principale pendant plus de 4 mois, de locations de résidence secondaire sans changement d'usage, ou bien de sous-locations non-déclarées aux propriétaires. A titre d'exemple, on dit qu'à Paris, 30.000 annonces en ligne sur ce type de plateformes seraient illégales. Avec davantage de transparence, nombre d'entre elles pourraient donc être mises hors ligne.

Airbnb souhaite donc garder le contrôle sur les attaques dont elle fait l'objet. Pour ce faire, la plateforme a notamment réussi à convaincre la mairie de Paris de l'associer pour cibler « les hôtes susceptibles de dépasser les quatre mois autorisés pour la location de leur résidence principale, ou ceux qui sont susceptibles de louer des logements qui ne sont pas leur résidence principal », et qui sont donc dans l'illégalité. Une manière d'éviter la mainmise des pouvoirs publics sur ses pratiques.

Quelle coopération ?

Mais ce n'est pas pour autant qu'Airbnb coopère pleinement. La capitale française souhaiterait par exemple que la plateforme bloque les annonces mises en ligne plus de 120 jours par an sur son site, ce que la firme n'a pour l'instant pas explicitement accepté. Par ailleurs, si Airbnb se dit pour l'instant prête à informer ses propriétaires clients du droit en vigueur, il reste hors de question pour la plateforme de donner accès à ses fichiers aux autorités, notamment fiscales.

Mais la loi reste la loi. Et les grandes villes françaises, dans un contexte actuel de pénurie de logements, ne peuvent se permettre de voir leurs efforts de construction de nouveaux logements annihilés par le retrait de logements du parc ancien pour en faire des locations touristiques, aussi lucratives qu'elles soient.

Pas toutes les vertus

Ce comportement réticent d'Airbnb est, du reste, la preuve que la firme s'éloigne des valeurs d'amitiés et de partage qu'elle aime mettre en avant dans sa communication. Pourtant, la firme n'hésite pas à avancer à l'AFP que l'amendement du Sénat, « revient sur la promesse des pouvoirs publics de faire de la France une terre d'économie collaborative comme s'y était engagé le gouvernement en février dernier ». Un argument qu'il est toujours bon de ressortir à chaque offensive du législateur.

Mais l'économie collaborative n'a pas toutes les vertus qu'on lui prête souvent. Cette économie de services à la demande à travers des plateformes d'intermédiation numérique cache en réalité un idéal principalement mercantile, bien éloigné des notions d'intérêt général induites par le terme « collaboratif ».

D'ailleurs même Airbnb, qui a donc souvent mis en avant le développement d'une économie entre particuliers, communautaire, est dernièrement revenu à un discours plus honnête, par le biais d'une campagne de publicité mettant en avant les compléments de revenus avec des slogans comme « mon appart' aide à financer mon premier film » ou « ma chambre d'amis paie ma moto vintage ». Pas de collaboratif ici, mais un lien financier simple entre un fournisseur de service et un client...

Mathias Thépot
Commentaires 22
à écrit le 07/05/2016 à 11:42
Signaler
L'obligation de déclaration d'un meublé mis en location saisonnière existe déjà... Ce n'est certes pas une demande d'autorisation et ça ne concerne que les propriétaires https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/R14321

à écrit le 03/05/2016 à 22:51
Signaler
Que les propriétaires se révoltent ! L'Etat n'a pas à porter atteinte au droit de propriété. Si j'ai acheté un appartement, je dois pouvoir le louer à qui je veux. A vouloir tout empêcher, le marché noir va se développer et c'est bien fait !

le 05/05/2016 à 16:37
Signaler
Dans ce cas, j'achète un terrain, j'ai le droit de construire 15 étages devant chez vous? Non à l'anarchie! Quand à l'éternelle menace du marché noir pour légaliser le parasitage de l'économie, j'ai le regret de vous informer que nous ne sommes pas ...

à écrit le 03/05/2016 à 19:39
Signaler
il faut lutter contre la fraude et c'est normal que : - d'une part il faut que airbnb soit taxer sur ses commissions issues de son activité sur les location en france - d'autre part que les propriétaires qui louent soit imposés sur ces revenus de l...

le 04/05/2016 à 0:08
Signaler
Pauvre Monsieur ! Encore une croyance d'un petit français pétri d'économie planifiée. Sortez de votre petit monde de gauche caviar et allez voir ailleurs ce que veut dire "propriété privée"

le 04/05/2016 à 8:22
Signaler
Doxa, Tout le monde sait ce qu'est la propriété privée. Néanmoins le propriétaire que je suis ne souhaite pas que son locataire loue un appartement sans mon autorisation. Aussi, il y a des professionnels du secteur qui payent des taxes de sejo...

le 04/05/2016 à 9:22
Signaler
@Doxa "blab blah petit français pétri d'économie planifiée blah blah gauche caviar" Effectivement, demander aux gens de payer les impôts sur ce qui est une activité commerciale au noir (les personnes qui en tirent moins de 6000€/mois ne sont pas ...

le 04/05/2016 à 14:00
Signaler
Mon pauvre monsieur ! Et la liberté vous en faites quoi. C'est intollerable d'accepter ainsi une atteinte à notre liberté de faire ce que l'on veut avec nos bien. Pour que l'état taxe encore et gaspie joyeusement notre argent pour arroser les copains...

le 05/05/2016 à 16:05
Signaler
"C'est intollerable d'accepter ainsi une atteinte à notre liberté de faire ce que l'on veut avec nos bien." : Dans ce cas là, vous nous laissez construire n'importe quoi et on verra la valeur de vos biens sans la loi. La liberté s'arrête là où comme...

à écrit le 03/05/2016 à 19:10
Signaler
Belle exemple de demi-loi stupide Il est 100x plus simple et plus efficace d obliger Airbnb à communiquer les montants versés au fisc + le nombre de nuits louées par an et par adresse + déclaration de ses revenus (commission) en France => puis faire...

le 03/05/2016 à 22:56
Signaler
+1

le 04/05/2016 à 2:07
Signaler
Tout à fait d'accord

à écrit le 03/05/2016 à 18:25
Signaler
Bel exemple du comportement des américains: libéralisme sans régulation, volonté de prospérer en biaisant les modèles en place imposés aux autres opérateurs historiques, quitte à créer un champ de ruines à court terme (mais bon c'est pas chez eux alo...

le 03/05/2016 à 19:47
Signaler
Le prétendu "modèle économique et social français" est obsolète depuis plus de trente ans. On en voit aujourd'hui les résultats économiques pathétiques , mais les gouvernements successifs de cette jachère qu'est devenue la France s’entête à le ressus...

à écrit le 03/05/2016 à 17:56
Signaler
Pourquoi harasser encore les détenteurs de logement. Ne payent-ils pas leur taxe d'habitation même quand ils sont en déplacement? La réglementation des locations en meublé existe, pourquoi en rajouter? Elle organise de belles exonérations fiscales p...

le 03/05/2016 à 21:52
Signaler
Quand il n'y aura plus de déçu, plus de retraite, plus d'indemnité chômages, plus d'argent pour les routes, les écoles, l'eau potable on verra se que vous en pensez

le 05/05/2016 à 16:07
Signaler
@Bon Chubb. Pour l'instant, ils s'en moquent : Il suffit de reporter les efforts et les dettes sur les générations suivantes... Ils peuvent donc pleurer pour avoir le droit d'abuser d'une position de force sur des biens de première nécessité (les log...

à écrit le 03/05/2016 à 17:09
Signaler
La ville de paris et l'état abusent des contraintes, des règlements et des avantages donnés au locataire; d'où la tendance chez les bailleurs privés à louer via airbnb afin d'éviter les conflits et d'avoir une meilleure rentabilité; de plus la ville ...

à écrit le 03/05/2016 à 16:25
Signaler
Enfin, quelqu'un l'a écrit et je remercie monsieur Mathias Thepot. "L'économie collaborative" (quelle belle expression !, servie à toutes les sauces) signifie tout simplement faire du fric en tentant de payer le moins de taxes possibles. Je cit...

le 03/05/2016 à 17:09
Signaler
Vous avez entièrement raison mais il ne faut pas confondre Airbnb et Blablacar Le covoiturage est réellement inscrit dans l eco collaborative: on partage les frais et on ne cherche pas à tout prix à éviter de payer des taxes

le 03/05/2016 à 19:16
Signaler
@niko A bon blablacar déclare les revenus qu il verse a fisc ? A mon avis il ne déclare rien et paie les conducteurs au black donc illégale !! (Une loi en proposition pour rendre légale le paiement de ce black en dessous de 6,000€ montant supposé co...

à écrit le 03/05/2016 à 16:12
Signaler
Les procédures administratives sont un véritable handicap en France. Cela dit, si un processus simple d'enregistrement existait, ce serait logique, car les gens doivent déclarer leurs revenus et payer des impôts comme tout le monde :-)

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.