Pouvoir d'achat : les gagnants et les perdants du quinquennat Macron

Le pouvoir d'achat des Français a augmenté en moyenne de 300 euros (+0,9%) chaque année durant le quinquennat Macron, selon une étude de l'OFCE. Derrière cette moyenne, des disparités criantes demeurent entre les catégories de la population française. En effet, même si l'amélioration du marché du travail a permis de soutenir une grande partie des classes moyennes, près de 2 millions de personnes parmi les plus pauvres ont vu leur revenu baisser au cours du quinquennat. A l'opposé, les plus riches ont vu leur revenu grimper en flèche après les différentes réformes favorables à la fiscalité du capital (transformation de l'ISF en impôt sur la fortune immobilière, prélèvement forfaitaire unique). A l'heure des bilans, Emmanuel Macron pourrait bien avoir dû mal à se défaire de son étiquette de "président des riches" qui lui colle à la peau.
Grégoire Normand
Emmanuel Macron a présenté son programme à la présidentielle ce jeudi 17 mars.
Emmanuel Macron a présenté son programme à la présidentielle ce jeudi 17 mars. (Crédits : Reuters)

Le pouvoir d'achat reste une question brûlante pour la plupart des Français. Sondage après sondage, les résultats montrent que ce thème demeure en tête des priorités de l'opinion publique alors que les bombes russes continuent de pleuvoir en Ukraine et que les compteurs de la crise sanitaire s'affolent à nouveau.

A moins d'un mois de la présidentielle, les syndicats ont appelé à battre le pavé ce jeudi partout en France pour demander une revalorisation des salaires et des retraites. Il faut dire que les conséquences du choc inflationniste sur le porte-monnaie des Français sont déjà extrêmement visibles. Même si les prix du pétrole ont commencé à marquer le pas depuis le début de la semaine, la perspective d'un conflit à rallonge laisse présager des niveaux de prix encore élevés pendant encore de longs mois.

Dans ce contexte brouillé, l'observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a dressé un bilan très détaillé de l'évolution du pouvoir d'achat sous le quinquennat Macron. "Le quinquennat a été heurté par plusieurs crises et la hausse des prix de l'énergie. Cette étude n'est pas exhaustive car elle ne prend pas en compte les conséquences de la guerre en Ukraine. Dans les évolutions macroéconomiques, il y a des effets liés à la conjoncture internationale et d'autres liés aux décisions du président. Ce n'est pas forcément évident de faire toujours des distinctions", a déclaré l'économiste de l'OFCE Mathieu Plane lors d'un point presse.

Un gain de pouvoir d'achat de 0,9% par an, soit 300 euros

Les Français ont connu un gain de pouvoir d'achat d'environ 300 euros par an en moyenne entre 2017 et 2021 selon les calculs des économistes, ce qui correspond à une hausse de 0,9% chaque année. A titre de comparaison, la moyenne sur les 30 dernières années est de 0,95% chaque année. Emmanuel Macron qui a dévoilé son programme pour l'élection présidentielle ce jeudi 17 mars présente de meilleurs résultats que Nicolas Sarkozy (0,2% par an) et François Hollande (0,1% par an) malgré les effets potentiellement délétères de la pandémie sur la pauvreté et les inégalités. Le virage amorcé à la suite de la crise des "gilets jaunes" et les mesures du "quoi qu'il en coûte" ont permis de préserver le porte-monnaie des Français.

En revanche, ces gains demeurent bien inférieurs à la forte croissance des années 1995-20022 sous le premier mandat de Jacques Chirac (1,9% par an) alors marqué par la cohabitation avec la gauche du Premier ministre Lionel Jospin. "Il y a eu des périodes de fortes hausses entre 1997 et 2007. Il y a eu le double choc de la crise de 2007 et celui de l'austérité budgétaire. Depuis 2016, il y a une nouvelle dynamique", ajoute Mathieu Plane.

Les auteurs de la note rappellent néanmoins que si les gains de pouvoir d'achat ont été bien plus faibles pendant la précédente mandature, "la trajectoire des déficits publics est très différente durant les deux quinquennats. Au cours du mandat de F. Hollande, le déficit public s'est réduit de 2,7 points de PIB alors qu'entre le deuxième trimestre 2017 et la fin 2021, celui-ci s'est accru de 2,2 points de PIB".

Une hausse du pouvoir d'achat dopée par les revenus du travail

Au regard des précédents mandats, une bonne partie de la hausse du pouvoir d'achat sous le quinquennat Macron s'explique par une augmentation des revenus issus du travail. "Durant le quinquennat d'Emmanuel Macron, les revenus du travail nets de cotisations sociales payées par les ménages ont contribué à accroître le pouvoir d'achat par unité de consommation de 248 euros par an. Si l'on inclut la hausse de la CSG (contribution sociale généralisée), qui n'est pas comptabilisée comme une cotisation mais comme un impôt sur le revenu dans les comptes nationaux, ce gain est de l'ordre de 160 euros par an et par unité de consommation", résument les experts.

Il faut dire que malgré les deux années de pandémie, le chômage au sens du bureau international du travail a reflué à 7,4% en fin d'année 2021 avec des créations d'emplois record liées en partie à l'amélioration de la situation sanitaire, au rebond mécanique de l'économie tricolore après le plongeon historique de 2020, la reprise de l'économie mondiale et les mesures du "quoi qu'il en coûte".

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La classe moyenne et les plus riches, grands gagnants des mesures sociales et fiscales du quinquennat

Derrière cette moyenne du pouvoir d'achat, des disparités criantes apparaissent selon les catégories de revenus. Dans leurs travaux, les économistes ont découpé la population française en 20 tranches. En prenant en compte l'ensemble des mesures socio-fiscales prises durant les cinq ans de mandat d'Emmanuel Macron, les grands gagnants se situent plutôt au milieu et au sommet de la pyramide.

Ainsi, le revenu disponible des 5% les plus aisés a grimpé de 1.720 euros par an contre seulement 65 euros pour les 5% les plus pauvres. "Au total, 3 milliards d'euros sont redistribués chaque année au 5% les plus riches", explique Pierre Madec interrogé par La Tribune. "Les gains concernant la réforme de l'ISF se concentre sur 350.000 ménages environ. La réforme du PFU est plus étalée sur les ménages", rappelle-t-il.

Niveau de vie OFCE

Là encore, les réformes de la fiscalité sur le capital (suppression de l'impôt sur la fortune et transformation en impôt sur la fortune immobilière, prélèvement forfaitaire unique ou "flat tax) ont favorisé les revenus issus du patrimoine concentrés sur le sommet de la distribution. Sur le graphique ci-dessus, on peut voir que la suppression de l'impôt sur la fortune et la mise en oeuvre du PFU ont grandement contribué à la hausse des niveaux de vie des 5% les plus riches.

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Plus de la moitié des personnes les plus pauvres sont perdantes

A l'opposé, les ménages les plus modestes ont été fortement pénalisés par "la réforme de l'assurance chômage, le nouveau mode de calcul des aides personnelles au logement ou encore l'augmentation de la fiscalité indirecte (tabac, énergie)" en dépit de la revalorisation de certains minimas (RSA, AAH) ou de la prime d'activité. "Les ménages les plus modestes sont, en moyenne, les ménages ayant le moins bénéficié des mesures prises en faveur du pouvoir d'achat durant le quinquennat écoulé", résume la note.

En moyenne, les 5% les plus modestes ont enregistré un gain de pouvoir d'achat de 65 euros mais derrière ce chiffre des inégalités persistent. "Plus de la moitié (56%) des 5% les pauvres ont perdu du niveau de vie à cause de certaines mesures socio-fiscales", souligne Pierre Madec. Ce qui signifie que près de deux millions (1,9 million) de personnes auraient perdu 280 euros chaque année. C'est d'ailleurs la seule catégorie sur les 20 où il y a une majorité de perdants.

A l'opposé, les classes moyennes et les plus aisés connaissent une proportion de gagnants supérieurs à 50%. "Les classes moyennes ont globalement profité de l'amélioration du marché du travail et de certaines mesures comme la suppression de la taxe d'habitation ou la défiscalisation des heures supplémentaire", déclare Pierre Madec.

gagnant perdant pouvoir d'achat

Prélèvements obligatoires : un écart toujours important entre les ménages et les entreprises

L'autre résultat spectaculaire de cette étude est l'écart toujours persistant entre la fiscalité des ménages et celle des entreprises. Entre 2010 et 2018, le taux de prélèvements obligatoires sur les ménages a augmenté de 3,1 points quand celui sur les entreprises a baissé de 0,5 point. "C'est seulement depuis 2019 que l'on observe une réduction des prélèvements obligatoires pesant sur les ménages, pour la première fois depuis dix ans, qui se poursuit sur 2021 et 2022. Sur la période 2017-2022, les prélèvements obligatoires sur les ménages se réduiraient de 0,5 point de PIB. En 2022, le taux de PO sur les entreprises atteindrait 15,5 points de PIB, soit 1,1 point de PIB de moins qu'en 2017", indiquent les chercheurs du laboratoire d'économie rattaché à Sciences-Po Paris.

Cet écart, même s'il s'est stabilisé à partir de 2019, persiste ces dernières années entre les ménages et les entreprises comme le montre très bien le graphique ci-dessous. Surtout, si les taux de prélèvements obligatoires en pourcentage du PIB entre les entreprises et les ménages ont été relativement proches entre 1995 et 2010, les politiques économiques de l'offre menées depuis une dizaine d'années (CICE, pacte de responsabilité, transformation du CICE en baisse pérenne de cotisation, diminution de l'IS, baisse des impôts de production) ont marqué une rupture particulièrement impressionnante. "Les baisses de fiscalité des entreprises ont été nombreuses sous les quinquennat Hollande et Macron [...] Même si la variable d'ajustement peut être le niveau de dépense publique et le déficit public, il y a eu une forme de transfert", ajoute Pierre Madec.

Prélèvements obligatoires OFCE

 Avec cette étude, le président Macron qui voulait se défaire de l'étiquette de "président des riches" pendant toute la durée de son mandat pourrait bien avoir des difficultés à défendre sa politique du "en même temps" promue lors de sa campagne présidentielle en 2017.

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Grégoire Normand
Commentaires 11
à écrit le 24/12/2022 à 16:10
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Je fait parti de ces Français, qui sont en train de tous perdre sous l'air Macron. Lui est ces gouvernement successifs, non pris que des décisions de soit disant aide au pouvoir d achats, ou je n'ai jamais pu etre concerné, ils ont laissé les pri...

à écrit le 21/03/2022 à 22:53
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Bref, toutes les déciles sont gagnants. Il faudrait peut être le préciser fort ! Et même chez les plus riches, il y a qui perde (à peu près autant que les plus pauvres). Et c'est pour les classes moyennes qu'il y a le plus de gagnant. Et vous pou...

à écrit le 20/03/2022 à 15:21
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Mon vote d'Avril sera bien evidemment guidé par les largesses de Macron envers les retraités ..en tant que membre représentatif de ce groupe en espérant que TOUS feront la mème démarche !

à écrit le 20/03/2022 à 9:35
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Bonjour, Les gagnants les ultra riches... Les migrants a qui ons donne le gîte et le couvert.... Les perdants, les travailleurs car ils a peux ou pas d'augmentation de salaire. Les retraités pas d'augmentation des pensions.. Tous les Français qu...

à écrit le 19/03/2022 à 15:26
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Pour ca la réponse est simple: Gagnant: Macron et ces copains les plus riches Perdant: Tout les autres

à écrit le 18/03/2022 à 22:31
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En fait, ceux qui se sont faits rouler dans la farine pendant ce quinquennat, ce sont les retraités, et encore plus ceux des classes moyennes, dont les revenus peu revalorisés, ont décroché de l’inflation et les prélèvements se sont alourdis avec l’a...

à écrit le 18/03/2022 à 11:09
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Une idée pour Macron pour redonner du pouvoir d'achat aux classes moyennes. Augmenter de l'inflation réelle les tranches de l'IR dès cette année. Elles n'ont été revalorisées que de 1,4 % alors que l'inflation est à 5 % environ. Une mesure pour les 4...

à écrit le 18/03/2022 à 1:01
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Il ne faut surtout pas oublier que Macron a supprimé la surtaxe de 20 % sur les très hauts salaires remplaçant la tranche d'impôt à 75 % sur les très hauts revenus notamment issus du CAC 40... car comme le dit l'adage les petits ruisseaux font les...

à écrit le 17/03/2022 à 21:08
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Comment osé t on parler d augmentation du pouvoir d achat. I les retraites ont été quand à eu essoré de sous le quinquennal de macron..on va finir par tous être au smic... Travailler toute sa vie pour en arriver là ç est une honte... Honte d écrire d...

le 18/03/2022 à 8:23
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Cher retraité, Vous restez chez vous et vous touchez plus que nombre de gens qui vont travailler pour payer vos pensions. En plus, vos nombreux soins medicaux ne vous coutent quasiment rien car la encore, ce sont les jeunes qui paient pour vous. Et ...

à écrit le 17/03/2022 à 18:26
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La communication c'est l'air qu'aspire le crapaud pour devenir aussi gros que le bœuf.

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