Prix de l'énergie : les mesures du gouvernement sont-elles à la hauteur ?

Le gel des tarifs du gaz et de l'électricité a permis de limiter l'inflation en dessous de 4% selon l'Insee. Selon plusieurs économistes interrogés par La Tribune, les chèques inflation et énergie sont "mal ciblés". Entre "la fin du monde et la fin du mois", le gouvernement a d'abord choisi de répondre à l'urgence.
Grégoire Normand
Les prix des carburants routiers vendus en France ont poursuivi leur progression vers de nouveaux records la semaine dernière, dans le sillage des cours du brut, selon des données du ministère de la Transition écologique publiées lundi.
Le litre de gazole a atteint 1,69 euro en moyenne, selon des chiffres hebdomadaires du ministère arrêtés vendredi. C'est encore 1,41 centime de plus que la semaine précédente.
Les prix des carburants routiers vendus en France ont poursuivi leur progression vers de nouveaux records la semaine dernière, dans le sillage des cours du brut, selon des données du ministère de la Transition écologique publiées lundi. Le litre de gazole a atteint 1,69 euro en moyenne, selon des chiffres hebdomadaires du ministère arrêtés vendredi. C'est encore 1,41 centime de plus que la semaine précédente. (Crédits : Reuters)

Bouclier tarifaire, chèque énergie, chèque inflation, indemnité kilométrique..., la liste des mesures du gouvernement pour lutter contre la hausse du coût de la vie ne cesse de s'allonger. Après avoir atteint un creux à la fin de l'année 2020, l'inflation grimpe en flèche en France poussée par la fièvre des prix de l'énergie. Les derniers chiffres de l'Insee dévoilés mardi 9 février dernier indiquent que l'indice des prix à la consommation en glissement annuel a accéléré de 2,9% en janvier contre 2,8% en décembre 2021. Et l'Insee table désormais sur une hausse de l'inflation comprise entre 3 et 3,5% jusqu'en juin prochain.

Ces résultats encore provisoires ont déjà des répercussions sur le pouvoir d'achat et les coûts de production dans les entreprises même si la France semble plus épargnée que certains de ses voisins européens. "A l'horizon 2023, l'inflation sous-jacente et l'inflation totale pourraient se retrouver à un niveau supérieur à celui pré-crise", a prévenu, Olivier Garnier, directeur des études à la Banque de France, lors d'une récente audition à l'Assemblée nationale.

Les économistes de l'Insee tablent déjà sur un recul du pouvoir d'achat au cours du premier semestre 2022 d'environ 0,5% dans leur note de conjoncture de décembre. Du côté des entreprises, certains secteurs doivent faire face aux difficultés d'approvisionnement depuis plusieurs mois et à l'accélération du prix des matières premières. Alors que le sujet du pouvoir d'achat devient une question brûlante à quelques semaines de la présidentielle, le gouvernement, qui a encore à l'esprit la crise des "gilets jaunes", veut à tout prix éviter une nouvelle fronde sociale. Les mesures avancées sont-elles à la hauteur ? Lors d'un débat au Sénat en janvier, plusieurs élus membres de la commission des affaires économiques ont multiplié les critiques à l'égard des mesures du gouvernement. "On dépense dans l'urgence pour des raisons électorales 16 milliards d'euros sur des mesures purement conjoncturelles sans stratégie d'ensemble. Comment financer de grands projets structurels, tels que le nouveau nucléaire ou la transition énergétique, au regard de si lourdes dépenses conjoncturelles ?" , a déclaré la sénatrice Sophie Primas (LR), présidente de la Commission.

Des mesures pas toujours ciblées sur les bons ménages

Le bouclier tarifaire lancé à l'automne dernier par l'exécutif pour faire face à la hausse des prix du gaz et des prix à la pompe a permis de limiter la hausse de l'inflation d'un point selon l'Insee. "Sans ces mesures, l'inflation pourrait frôler les 4%" a expliqué le chef du département de la conjoncture à l'Insee, Julien Pouget, lors d'un point presse. Les prix à la pompe n'ont cessé de grimper en flèche ces dernières semaines pour atteindre des sommets dans le sillage de la hausse des cours du pétrole, entraînés par les tensions géopolitiques en Ukraine et l'offre toujours limitée des grands pays producteurs. Les prix des carburants routiers vendus en France ont poursuivi leur progression vers de nouveaux records la semaine dernière, selon des données du ministère de la Transition écologique publiées lundi 14 février. Le litre de gazole a atteint 1,69 euro en moyenne, selon des chiffres hebdomadaires du ministère arrêtés vendredi. C'est encore 1,41 centime de plus que la semaine précédente.

Cette hausse spectaculaire des prix à la pompe et des factures d'énergie devrait avoir des répercussions disparates en fonction du revenu des ménages et des zones géographiques. Dans ce contexte tendu, "un groupe d'individus va être défavorisé par rapport à la voiture. Cela concerne 5 à 6 millions d'individus", estime Anne-Sophie Atsilf, cheffe économiste au cabinet BDO interrogée par La Tribune"Il s'agit plutôt de faire plus d'aides sur ces 5 à 6 millions de personnes et pas sur les personnes qui ont un revenu confortable. Cette hausse des prix ne va pas mettre ces foyers dans une situation de précarité. C'est vraiment pour les plus bas déciles que les risques sont plus importants. Le niveau de revenu n'est pas assez pris en compte", poursuit-elle.

Les plus modestes et le bas de la classe moyenne en première ligne

Interrogé par La Tribune, l'économiste de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Mathieu Plane, estime pour sa part que "la réponse gouvernementale est relativement importante. La facture pour l'Etat pourrait s'approcher de 20 milliards d'euros. Le problème est que la France est importatrice du pétrole. Elle subit le choc pétrolier. Cela se voit tout de suite sur la facture d'énergie". Il rappelle également que "le poids de l'énergie diffère selon le niveau de revenu. Il représente 16% du revenu des 20%  les plus modestes et 4,5% chez 20% les plus aisés. Les plus modestes et le bas de la classe moyenne sont les plus touchés. La question du reste à vivre se pose immédiatement." En effet, beaucoup de ménages qui vivent dans les zones rurales, périurbaines ou enclavées n'ont pas forcément toujours le choix pour se déplacer. La voiture demeure bien souvent le mode de transport le plus emprunté.

Un chèque inflation "très mal ciblé"

Au chèque énergie s'est ajouté le chèque inflation adressé à 38 millions de Français. Cette indemnité a été annoncée par l'exécutif en fin d'année 2021 et vise les ménages gagnant moins de 2.000 euros par mois. Là encore, cette mesure interroge les économistes. "Le chèque inflation est très mal ciblé. C'est une réponse  qui prend en compte les revenus individuels et pas les revenus du foyer fiscal. Le lieu d'habitation, ou le fait de posséder des voitures ne sont pas pris en compte" regrette Mathieu Plane. L'annonce de cette mesure avait provoqué de violentes critiques dans les rangs de l'opposition. La candidate de la droite Valérie Pécresse avait notamment accusé le gouvernement de "cramer la caisse".

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Hausse des prix : une réponse à l'urgence

Les économistes indiquent que la réponse du gouvernement à permis de répondre à l'urgence de la hausse des prix mais "l'exécutif n'a pas réfléchi  à une solution pérenne", ajoute Mathieu Plane. "Tous ces chèques lui ont permis d'aller vite". En revanche, ces réponses sont loin de répondre aux enjeux de transition énergétique dans le contexte du réchauffement climatique. "Les prix montent en raison de la reprise mais aussi en raison de la transition énergétique. L'électricité devrait être très demandée après la pandémie et le gaz aussi. On est en plein dans la transition écologique. Il y a une inflation structurelle des prix de l'énergie en raison de la transition écologique", affirme Anne-Sophie Alsif.

Beaucoup d'experts tablent en effet sur une hausse de la consommation électrique dans les prochaines années en raison notamment des impératifs de verdissement des modèles économiques au détriment des énergies fossiles. Aussi, certaines mesures comme le chèque énergie ne permettent pas d'accélérer la rénovation énergétique des logements alors que certains foyers vont voir leur facture de chauffage augmenter. "Ce contexte pose les questions de "fin du monde" et de "fin du mois". Comment rendre socialement acceptable cette transition énergétique ?" s'interroge l'économiste de l'OFCE. En effet, au moment où les prix du carbone doivent accélérer dans le contexte de la transition écologique, la menace d'une nouvelle fronde sociale plane au-dessus du gouvernement.

Un impact limité pour les entreprises

Depuis le printemps 2020, la pandémie a fortement secoué le tissu productif tricolore. Si le dispositif du "quoi qu'il en coûte" a permis de limiter la casse, beaucoup d'entreprises doivent faire face à une hausse des prix de production. Au fur et à mesure de la crise et des confinements, le gouvernement a changé sa stratégie d'aide aux entreprises en ciblant les secteurs plus exposés afin d'éviter notamment les effets d'aubaine. A cela, il faut ajouter les effets du bouclier tarifaire. Le gouvernement a ainsi baissé les taxes sur les tarifs de l'électricité à un euro le mégawattheure pour les ménages et 50 centimes pour les entreprises. Cette taxe était auparavant de 22,50 euros le mégawattheure. "En l'absence de mesures, la hausse aurait été de 330 euros par an pour un client résidentiel et de 540 euros par an pour un client professionnel", a assuré le gouvernement sachant que ces mesures représentent un immense manque à gagner pour les finances publiques et EDF évalué à 15 milliards d'euros.

Là encore, si l'inflation énergétique est contenue par ces mesures temporaires, des entreprises dans certains secteurs ont vu leur coût de production s'envoler. "Les entreprises industrielles et agricoles se trouvent dans un contexte de hausse de prix de leur production de 16% et 18%. Le renchérissement du prix des matières premières et les difficultés d'approvisionnement ont contribué à ces hausses. Dans les services, la hausse des prix de production est plus modérée. Des hausses peuvent être beaucoup plus marquées dans le fret maritime (+85% du prix du fret maritime)", a expliqué Olivier Simon de l'Insee lors d'un point presse.

A court terme, Anne Sophie Alsif estime que "pour l'instant, il n'y a pas d'impact macroéconomique notable. Les entreprises ont bénéficié du 'quoi qu'il en coûte'. Leur marge est repartie à la hausse. Dans le manufacturier, il y a des hausses de prix mais il n' y a pas eu d'impact sur la consommation des ménages". Pour Mathieu Plane, cette flambée des prix "n'a pas beaucoup de répercussions sur la compétitivité''. Nos principaux voisins sont également concernés en zone euro. Il n' y a pas de distorsion."  Pour les banquiers centraux, la prolongation de la flambée des prix de l'énergie vire au casse-tête. Contrairement à la FED ou la banque centrale d'Angleterre, la BCE temporise encore sur une possible levée des taux. Jusqu'à quand ?

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Grégoire Normand
Commentaires 11
à écrit le 16/02/2022 à 10:43
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la gauche a la solution aux problemes d'energie, elle vote des interdictions justes et reenchantees qui sauvent la planete; des bonnes ZFE ou plus personne n'aura de voiture, alors plus besoin d'essence, des lois d'isolation obligatoire des batiments...

à écrit le 16/02/2022 à 9:35
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Cette limitation de la hausse sur le prix de l’énergie n’est qu’un artifice à but électoral et on retrouvera immanquablement les hausses une fois les élections passées !! Par contre il aurait été judicieux de revoir toute la structure fiscale pesant ...

à écrit le 16/02/2022 à 9:00
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Notre banquier en chef doit prendre son pied en ce moment .. jouer avec notre fric sans en assumer la responsabilité .. le reve de tout golden boy ..pour info l inflation est a plus de 7% en Allemagne ..en France on manipule les chiffres comme d habi...

à écrit le 16/02/2022 à 3:44
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Reculer pour mieux sauter, en l'occurence sauter, boum. Les taux a la hausse. L'inflation par dessus. En avril votez Z.

le 16/02/2022 à 6:50
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Bof, l'homme providentiel surgit d'un peu nul part qui courre vers l'élysée au galop, on a déjà donné avec le juju, on a vu. Non faut se faire une raison, aucun n'a le niveau. De toutes façons, c'est le système institutionnel français qui est mauvais...

à écrit le 15/02/2022 à 22:53
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Bla, bla, bla. Le problème vient des taxes dont les français subissent les conséquences en déplaise à m Maire. Ici en Andalousie, le gasoil est vendu entre 1.36 et 1.50, le sans plomb jamais plus de 1.72...mr Maire ferait bien de se rappeler cette ré...

le 16/02/2022 à 7:09
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Ben ouais, en 2008 et de 2011 a 2014 le brent en euros était plus cher que maintenant mais on avait pas eu des prix comme ça a la pompe. Il y a une volonté politique d'énergie chère pour rentabiliser les renouvelables, sauf que du renouvelable, il n'...

à écrit le 15/02/2022 à 18:35
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C'est pas un problème de hauteur, rien ni personne ne peut lutter contre le renchérissement de l'énergie. Le plus évident est de faire avec

à écrit le 15/02/2022 à 18:24
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Je ne fait pas confiance du tout en l'insée comme au Chef de l'état la situation économique est toute autre , nous sommes en campagne et ils travaillent tous dans le même sens, tout embellir , mais il est quand même difficile le faire croire , car ...

à écrit le 15/02/2022 à 17:28
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C'est surtout la mauvaise gestion des 5 ans qui est en cause gestion du fossile il fallait une mutation raisonnable ,beaucoup moins d'ideologie !!!!!!!

à écrit le 15/02/2022 à 17:15
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Il n'ont plus le temps de réparer leurs dégâts alors ils font la campagne de leur maître!

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