Le Drian et Houellebecq s'accordent pour dire que le monde d'après sera... pire que celui d'avant
Dans un entretien accordé au Monde, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves le Drian, exprime sa « crainte » que « le monde d'après ressemble furieusement au monde d'avant, mais en pire ». Selon le chef de la diplomatie française, « nous assistons à une amplification des fractures qui minent l'ordre international depuis des années ». Cette crise n'est, en réalité, que la « continuation, par d'autres moyens, de la lutte entre puissances ». À propos du multilatéralisme par exemple, dont la « remise en cause [est] déjà ancienne », « des acteurs majeurs se désengagent, comme l'illustre la décision américaine de suspendre sa contribution à l'Organisation mondiale de la santé (OMS) », pointe le ministre. Cette lutte marque également la « systématisation des rapports de force qu'on voyait monter bien avant », comme en témoigne la rivalité sino-américaine, relancée notamment par les accusations de Donald Trump envers la Chine, coupable selon le président américain d'avoir propagé le virus à partir d'un laboratoire de Wuhan, le berceau de l'épidémie. « [Cette lutte] est enfin, note Jean-Yves le Drian, l'extension de la compétition internationale, voire de l'affrontement, à tous les secteurs. »
Une vision pessimiste partagée par l'écrivain Michel Houellebecq et développée dans une lettre lue par le journaliste-animateur Augustin Trapenard sur France Inter. « [...] Je ne crois pas une demi-seconde aux déclarations du genre 'rien ne sera plus jamais comme avant'. Au contraire, tout restera exactement pareil », prédit le romancier qui voit dans le coronavirus une accélération de « certaines mutations en cours », comme la diminution des contacts humains. « Nous ne nous réveillerons pas, après le confinement, dans un nouveau monde ; ce sera le même, en un peu pire », conclut l'auteur des Particules élémentaires.
Pour relancer l'économie, faudra-t-il recourir à l'épargne des ménages ?
Selon une étude publiée par l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), les Français auront accumulé, au terme des huit semaines de confinement, une « épargne forcée » de 55 milliards d'euros, avec toutefois des disparités importantes selon la typologie des ménages. « On parle d'épargne forcée car c'est la contrainte du confinement qui crée cette situation », précise Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyse et prévision de l'OFCE, dans un entretien accordé à Sud Ouest. Selon l'économiste, il faudra « que cette réserve soit utilisée » en sortie de confinement, « si on veut soutenir, par exemple, l'activité des commerces ». En effet, le déconfinement, plutôt que de relancer la consommation, pourrait inciter les ménages à continuer d'épargner, afin de se constituer une « épargne de précaution ». Or, pointe Mathieu Plane, cela « pose un problème macroéconomique, car la consommation des uns, c'est le revenu des autres ». « Si ces revenus sont épargnés pour des raisons forcées, parce que toutes les activités ne sont pas rouvertes, ou par précaution, on aura un souci », estime-t-il. Alors, pour inciter les Français à puiser dans leur épargne, il faudra, selon l'économiste, « créer des incitations ».
Le Medef suisse craint que les gens s'habituent au « retour à une vie simple » et à la « fin de la société de consommation »
Dans l'une de ses lettres hebdomadaires, le Centre patronal, l'équivalent du Medef en Suisse, appelle à « éviter que certaines personnes soient tentées de s'habituer à la situation actuelle, voire de se laisser séduire par ses apparences insidieuses ». Et de citer, en guise d'exemples, la réduction de la circulation sur les routes, « un ciel déserté par le trafic aérien », le « retour à une vie simple et à un commerce local », ou encore la « fin de la société de consommation ». « Cette perception romantique est trompeuse, car le ralentissement de la vie sociale et économique est en réalité très pénible pour d'innombrables habitants qui n'ont aucune envie de subir plus longtemps cette expérience forcée de décroissance », note encore l'organisation patronale. Une perle repérée par l'élu vert neuchâtelois Fabien Fivaz qui, dans une publication sur Twitter, accompagne son post du commentaire suivant : « Attention, ça pique ».
Demain, toutes et tous à 2 mètres de vos collègues ?
La distanciation sociale, préconisée par les experts pour enrayer la circulation du nouveau coronavirus, pourrait s'installer durablement dans notre environnement de travail. C'est ce que suggère le site Get Planet qui évoque une expérimentation actuellement menée par le constructeur automobile américain Ford. Dans une usine à Plymouth, dans le Michigan, une douzaine de salariés testent un bracelet en forme de montre qui se met à biper dès qu'un collègue se trouve à moins de 6 pieds, soit une distance de 1,8 mètre environ. Une façon de respecter les gestes barrières. Le dispositif, indique Bloomberg, « pourrait faire partie d'un éventail plus large de nouveaux protocoles sécuritaires déployés dans le cadre d'un redémarrage de la production ».
Plus proche, en Belgique, le port d'Anvers, l'un des plus grands à l'échelle européenne, s'est associé avec l'éditeur Rombit afin de tester en grandeur nature un nouveau bracelet électronique qui permet, lui aussi, de prévenir le travailleur dès lors qu'il se situe à moins d'1,5 mètre d'une autre personne.
Une tendance amenée à se confirmer dans l'après-crise ? Spécialisée dans l'immobilier d'entreprise, la société Cushman & Wakefield estime en effet que « la règle des six pieds ne va pas disparaître de sitôt ». « [...] nous comprenons combien il est crucial de normaliser cette ligne de conduite dans la vie de tous les jours, explique-t-elle dans un texte publié sur son site, également cité par Get Planet. Nous finirons tous par revenir au travail mais nous ne devons pas oublier cette règle d'or ».