
Pour l'heure, ce n'est qu'une piste mais elle met le patronat et les syndicats en émoi. En effet, dans le cadre de la réforme des retraites qu'il présentera mardi, le gouvernement est tenté, pour équilibrer les comptes du régime des retraites, de piocher dans la caisse dévolue aux accidents du travail de la Sécurité sociale, la partie dite « ATMP ». Une branche excédentaire -en 2021 par exemple, elle avait enregistré un solde positif d'1,2 milliard d'euros- que connaît bien l'État, lequel, à travers un système de transfert vers la caisse maladie, vient déjà piocher chaque année entre 1 et 2 milliards d'euros sur les 14 milliards que versent les entreprises.
Vers une hausse des cotisations accidents du travail
L'idée aujourd'hui serait d'augmenter très légèrement la cotisation « ATMP », qui couvre les risques d'accidents du travail, les maladies professionnelles, et les accidents du trajet. A la charge de l'employeur, cette cotisation est utilisée pour compenser des préjudices mais aussi financer des actions de prévention.
Augmenter cette cotisation permettrait de faire entrer dans les caisses quelques millions d'euros supplémentaires chaque année. Vers l'assurance maladie, et pourquoi pas - et c'est une nouveauté découverte par les partenaires sociaux à l'occasion des échanges cette semaine avec l'exécutif-, vers la branche retraite.
De quoi financer les contreparties aux mesures les plus dures de la réforme des retraites, comme le recul de l'âge de départ de 62 à 64 ans - à priori le curseur des 65 ans étant écarté. « Certes, la future réforme des retraites va rapporter de l'argent, mais il ne faut pas oublier tout ce que l'Etat va dépenser pour faire passer la pilule ... la retraite minimale à 1.200 euros, mais aussi la pénibilité ... l'argent de l'ATMP pourrait être réorientée pour financer les mesures supplémentaires de la pénibilité », s'inquiète un membre influent du Medef. Et d'ajouter, « c'est d'autant plus inacceptable que nous allons avoir besoin de cet argent pour accompagner les actifs qui resteront plus longtemps dans l'emploi, notamment pour faire plus de prévention... sinon ils ne tiendront jamais. Le gouvernement va déshabiller Pierre pour habiller Paul. »
Le patronat est furieux
Le patronat, Medef en tête, est violemment monté au créneau pour que l'exécutif revoie sa copie. Lors de son entretien cette semaine avec Elisabeth Borne, la Première ministre et Olivier Dussopt, le ministre du Travail, Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, leur a dit tout le mal qu'il pensait d'une hausse de la cotisation accident du travail, même légère.... Pas question non plus d'accepter cette hausse même si elle devait être compensée par une baisse de celle consacrée à la retraite, comme envisagé aussi.. « En fait, on voit bien que plusieurs scénarios de bonneteau sont sur la table pour récupérer de l'argent là où il y en a un peu, » confirme un leader syndical.
Pour l'heure, rien n'est acté, ont répondu les représentants de l'exécutif. Mais cette piste traduit, pour le patronat, comme pour les syndicats, la volonté du gouvernement de rééquilibrer les comptes du régime des retraites. Et les partenaires sociaux se montrent fermes : la branche « ATMP » doit permettre à cette dernière de rester l'opérateur de référence des entreprises et des branches professionnelles.
Une tentation forte du gouvernement de piocher dans les caisses
Plus globalement, les partenaires sociaux s'inquiètent de la tentation du gouvernement de venir grignoter leurs prérogatives, ainsi que les réserves financières qui sont les leurs.
Meilleur exemple : la question de la bascule de la collecte des cotisations des retraites complémentaires Agirc/Arrco, prévue dès 2024, qui suscite une inquiétude d'autant plus forte chez les syndicats et le patronat que ce système de retraite complémentaire est excédentaire, avec des réserves importantes : plus de 60 milliards d'euros. Avec la réforme à venir et le décalage de l'âge de départ décidé par le gouvernement, ce régime devrait, par domino, accroître ses rendements.
Le gouvernement a beau assurer qu'il n'entend pas mettre la main sur ce pactole géré par le paritarisme, les partenaires sociaux craignent qu'à l'avenir, il ne capte une partie de ces cotisations. Chaque année, l'Agirc-Arrco collecte plus de 90 milliards d'euros de cotisations. Avec la réforme, puisque les cadres et employés travailleront plus longtemps, le seuil des 100 milliards devrait aisément être franchi.
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