La rentrée 2023 du gouvernement démarre sur les chapeaux de roue. Après une année 2022 marquée par la guerre en Ukraine et l'inflation, Emmanuel Macron a réuni tous les ministres à l'occasion d'un petit déjeuner à l'Elysée avant le premier conseil des ministres de l'année ce mercredi 4 janvier. Lors de ses voeux aux Français le 31 décembre dernier, le chef de l'Etat a montré sa détermination a poursuivre les réformes au pas de charge. « Cette année sera celle d'une réforme des retraites qui vise à assurer l'équilibre de notre système pour les années et décennies à venir. Il nous faut travailler davantage, c'est le sens même de la réforme de l'assurance-chômage qui a été portée par le gouvernement et votée par le Parlement. C'est aussi le sens de cette réforme sur lequel les partenaires sociaux et le gouvernement, vont travailler dans les mois qui viennent pour finir de mettre en place les nouvelles règles qui s'appliqueront dès la fin de l'été 2023, » a déclaré le président.
A quelques jours de la présentation de la réforme explosive des retraites prévue le 10 janvier prochain, l'exécutif multiplie les gestes d'apaisement pour éviter un risque de propagation de la colère sociale. Mardi 3 janvier, la Première ministre Elisabeth Borne a rappelé que la retraite à 65 ans n'était pas « un totem ». Pour rappel, le président de la République avait déjà fait ce type d'annonce durant l'entre deux-tours de la campagne présidentielle au printemps dernier pour attirer les voix de gauche face à Marine Le Pen. Ce qui ne l'a pas empêché de revenir par la suite sur la proposition des 65 ans.
Depuis l'automne, des foyers de contestation éclatent à travers tout le pays et dans de nombreux secteurs. Et le moral des Français demeure très bas. En décembre dernier, la confiance de la population est restée stable à 82, soit un niveau comparable à septembre 2022 selon les derniers chiffres de l'Insee dévoilés ce mercredi 4 janvier.
L'inflation a commencé à ralentir à 5,9% en décembre contre 6,2% en novembre mais l'indice des prix demeure à un niveau élevé au regard de la dernière décennie. «Il y a un risque élevé de contestation sociale car le sujet est fortement éruptif. Historiquement les mouvements sociaux d'opposition à des projets de réformes des retraites ont souvent mobilisé des nombres importants de personnes et se sont inscrits dans la durée. On peut notamment citer les précédents de 2003, 2010 et 2019 au cours desquels l'opinion a exprimé une forte solidarité avec les grévistes. En septembre dernier, deux tiers des Français déclaraient qu'ils seraient prêts à soutenir un mouvement de contestation s'il éclatait, signe que ce dossier est potentiellement très mobilisateur», a expliqué Erwan Lestrohan, directeur conseil à l'institut de sondages Odoxa interrogé par La Tribune.
Aides pour les boulangers, pression sur les fournisseurs d'énergie
Après la santé, les transports, l'énergie, l'éducation, la colère monte chez les artisans. Les boulangers et pâtissiers sont en première ligne face à l'envolée des prix des matières premières et de l'énergie. Pour tenter d'atténuer la contestation, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire et la ministre en charge de l'Artisanat Olivia Grégoire ont reçu les représentants de la boulangerie ce mardi 3 janvier à Bercy. Le gouvernement a annoncé le report du paiement des cotisations sociales et des prélèvements fiscaux pour les boulangers.
Et il a rappelé l'existence de l'amortisseur électricité et le guichet d'aide pour le paiement des factures d'électricité et de gaz. Le ministre de l'Economie a également souligné que les boulangers pourront résilier leur contrat de fourniture d'énergie sans frais leur contrat de fourniture en cas de hausse de prix « prohibitive».
L'après-midi, le gouvernement a sermonné les fournisseurs d'énergie. Si les énergéticiens ne rentrent pas dans le rang, « on peut toujours prélever davantage sur les fournisseurs d'énergie que ce que nous faisons aujourd'hui », a aussi prévenu Bruno Le Maire, après des mois de débats enflammés autour de la taxation des « superprofits ».
Un recul sur l'assurance-chômage en trompe l'oeil
Concernant l'assurance-chômage, la parution le 23 décembre dernier juste avant les fêtes de Noël d'un décret controversé a provoqué une vague de sidération. Le texte prévoyait une baisse de 40% de la durée d'indemnisation si le chômage passait sous la barre des 6%. Lors de son entretien à France Info, la Première ministre Elisabeth Borne a annoncé le retrait de ce décret épineux. Cette décision a d'ailleurs été saluée par une partie de la gauche et des syndicats.
Mais la cheffe du gouvernement n'a pas caché que le décret était loin d'être enterré définitivement. « Nous remettrons ce sujet dans la concertation sur les futures règles de l'assurance-chômage", prévue fin 2023, a précisé Mme Borne qui pense que c'est "la bonne règle d'indemnisation, » a-t-elle expliqué. Surtout, plusieurs syndicats ont pointé le risque que le Conseil d'Etat retoque ce décret sans concertation.
Les syndicats vents debout, une marche sur les retraites à venir
Après deux jours de réunion à Matignon, la plupart des syndicats sont remontés à bloc contre la réforme des retraites. Le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger a fustigé l'option d'un recul de l'âge de départ, que ce soit à 65 ou 64 ans, cette dernière option semblant celle retenue par Elisabeth Borne.
De son côté, le président de la CFE-CGC, François Hommeril a également rappelé son oppposition sur l'antenne de BFM Business. « Il n'y a pas de marge de négociation avec le gouvernement. Le projet est tel qu'il est depuis le début. L'objectif du gouvernementt est de reculer l'âge de départ à la retraite. Pour les organisations syndicales et la CFE-CGC, cela n'est pas acceptable. »
Dans les rangs de la gauche, la France insoumise se prépare à une grande marche pour les retraites le 21 janvier prochain, soit deux jours avant la présentation de la réforme en conseil des ministres. « Les Français expriment un besoin de concertation sur la réforme des retraites. Et le sentiment d'un passage en force du projet pourrait faire dégénérer les choses. Le recours au 49-3 serait notamment jugé inacceptable par 68% des Français. » prévient Erwan Lestrohan. Le mois de janvier promet d'être particulièrement houleux.