Relance : ce que propose l'OFCE pour l'emploi et les entreprises

Avec le prolongement de la crise sanitaire, les économistes du centre de recherche recommandent de reporter la baisse de la prise en charge du chômage partiel. Ils suggèrent également de revoir les règles du fonds de solidarité afin de permettre à certaines branches de limiter les pertes liées au capital immobilisé notamment dans l'industrie. Ils proposent enfin de recapitaliser certaines entreprises stratégiques en faisant appel aux épargnants.
Grégoire Normand
(Crédits : Reuters)

Le bout du tunnel n'est pas pour demain. Plus d'un an après le début du premier confinement, l'économie française se retrouve à nouveau sous la pression d'une troisième vague. Le président Macron, qui préfère parler d'une "une troisième voie" avec des mesures plus souples que lors des précédents confinements, affronte une crise sanitaire et économique à rallonge. Face à cet immense défi, les économistes planchent depuis de longs mois sur les outils les plus adaptés pour répondre à cette "congélation" de l'économie. Dans une récente note, les chercheurs de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) ont dressé un arsenal d'aides à destination de l'emploi et des entreprises. En effet, ils anticipent "des difficultés économiques qui vont suivre la crise sanitaire". La phase de transition entre les mesures d'urgence et les mesures de relance devrait être particulièrement délicate afin d'éviter la catastrophe économique et sociale.

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Flambée du chômage en vue

L'allongement de la durée de la crise et son ampleur risquent d'avoir des répercussions néfastes sur le marché du travail. Si les stabilisateurs automatiques et les mesures d'urgence ont permis de limiter le nombre de destructions d'emplois en 2020, la plupart des instituts de recherche s'attendent à une flambée du chômage en 2021 autour de 10%. Cette hausse inexorable du chômage au sens du bureau international du travail (BIT) devrait faire grimper le nombre de pauvres, en particulier chez les jeunes qui sont en première ligne depuis le début de la crise. En effet, beaucoup de secteurs n'ont pas renouvelé les postes en contrat court ou en intérim à la suite du premier confinement alors qu'il y a une surreprésentation de jeunes parmi les CDD et intérimaires. Déjà en 2019, le taux de pauvreté chez les jeunes était d'environ 21,7% contre 13,6% en moyenne à l'échelle nationale. S'ajoutent également tous les jeunes qui sont arrivés sur le marché du travail pendant la crise sanitaire. Ils sont environ 750.000 chaque année à faire leurs premiers pas dans la vie active. Pour ces derniers, l'insertion professionnelle devrait être bien plus longue et chaotique comme plusieurs travaux académiques l'ont montré.

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Face à tous ces risques, le laboratoire rattaché à Science-Po Paris propose de "reporter la baisse du taux de prise en charge de l'activité partielle par l'État et l'Unedic à la fin de la crise sanitaire". Cela permettrait de préserver un maximum d'emplois au cours de l'année 2021. La montée en puissance du chômage partiel l'année dernière a été globalement jugée positive par les économistes interrogés par La Tribune depuis plusieurs mois. En France, le gouvernement a largement musclé son dispositif au cours de cette crise alors qu'elle l'avait très peu utilisé lors de la crise de 2008 contrairement à l'Allemagne.

"En préservant le capital humain dans les entreprises ainsi que le revenu des salariés et en socialisant son coût, ce dispositif était adapté à la situation rencontrée l'année dernière et favorisera une reprise de l'activité une fois les mesures prophylactiques levées" indiquent les économistes.

Ils prévoient que l'allongement de cette prise en charge représenterait un coût global d'environ 10 milliards d'euros.

Si son extension amplifie les coûts pour les finances publiques, elle devrait néanmoins permettre de limiter les coupes dans certains secteurs déjà largement affectés par une année 2020 cataclysmique. Si les chercheurs évoquent évidemment des effets d'aubaine et de possibles dérives, réduire le taux de prise en charge alors que les mesures d'endiguement ne sont toujours pas levées serait dangereux pour l'emploi. Ils proposent en outre un moratoire sur la réforme contestée de l'assurance-chômage programmée au premier juillet prochain. Enfin, pour les jeunes, ils suggèrent un renforcement du plan "un jeune, une solution" en augmentant le volume de contrats aidés pour tenter de faire face à l'afflux de 1,5 million de jeunes arrivant sur le marché du travail sur la période 2021-2022.

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Entreprises : une révision des critères du fonds de solidarité

Si les comptes des administrations publiques montrent que l'Etat a encaissé une grande partie du choc engendré par la crise sanitaire, les entreprises ont enregistré des pertes de revenus faramineuses estimées à environ 60 milliards d'euros au cours de l'année 2020. Cette estimation prend en compte les différents filets de sécurité (fonds de solidarité, activité partielle, exonérations de cotisations). En effet, l'Etat s'est en quelque sorte substitué aux entreprises pour assurer la prise en charge de la masse salariale des travailleurs en chômage partiel. Et le gouvernement a largement ouvert le dispositif du fonds de solidarité d'abord limité à un plafond de 1.500 euros par mois pour les entreprises de moins de 10 salariés. Il reste qu'une grande partie des coûts liés au capital productif dans certaines branches ne sont pas pris en compte par les différents dispositifs. Le fonds de solidarité a permis de prendre en compte les coûts fixes dans certaines branches (hôtellerie-restauration, construction, agriculture, services immobiliers). En revanche, ce dispositif n'a que très peu compensé les pertes relatives à ces coûts dans l'industrie manufacturière, l'énergie, les transports ou les services aux entreprises.

Les économistes Mathieu Plane et Xavier Timbeau rappellent qu'il peut exister un effet de seuil sur le plafond et les critères d'éligibilité mis en place pour le fond de solidarité. Ils recommandent de mieux prendre en compte l'amortissement du capital immobilisé. "Nous proposons une aide compensant les pertes liées à la sous-utilisation du capital productif (immobilisations corporelles), des locaux commerciaux (loyers) et du crédit-bail en raison de la chute d'activité" expliquent-ils. Des contreparties pourraient être demandées aux plus grands groupes afin d'éviter les comportements d'optimisation fiscale ou de limiter le versement de dividendes.

Recapitalisation : un appel aux épargnants

Certains grands groupes ont été frappés de plein fouet par la crise sanitaire. Plusieurs multinationales ont annoncé des fermetures de sites et des coupes sévères dans les effectifs. Afin d'éviter un naufrage trop important, l'Etat est venu à la rescousse dans les transports notamment (Air France, SNCF). Même si les prêts garantis par l'Etat (PGE) ont permis d'amortir dans un premier temps le choc, la fermeture prolongée des frontières et la persistance de l'épidémie ont plongé les comptes de ces grands acteurs du transport dans le rouge vif.

Plusieurs économistes ont tiré la sonnette d'alarme depuis plusieurs mois en rappelant que le prolongement de cette crise pouvait avoir des effets à long terme sur la trésorerie des firmes. Les difficultés de liquidités risquent de se transformer en problème de solvabilité au moment de la levée des restrictions et de la fermeture du robinet des aides. Dans le transport aérien, les contreparties exigées par la Commission européenne (abandon de slots ou créneaux de décollage ou d'atterrissage) peuvent fragiliser Air France. Afin de limiter ces risques, l'OFCE propose de faire appel aux épargnants. L'excès d'épargne accumulé depuis le printemps 2020 pourrait permettre de renforcer les fonds propres d'entreprises jugées stratégiques via des fonds d'investissement dans les entreprises publiques à l'échelle nationale et européenne.

Grégoire Normand
Commentaires 5
à écrit le 23/03/2021 à 13:57
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on sait que non seulement ca va derouiller et qu'en plus quoi qu'il en coute ca va amener des impots a gogo ( qui vont amener un effet ricardien) quant a recapitaliser des boites avec l'argent des epargnants, ca fait sourire vous voulez des ultraca...

à écrit le 23/03/2021 à 9:06
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La maison brûle, et le gouvernement la regarde bêtement s'écrouler. L'économie française est à l'agonie, et notre gouvernement, ne comprend pas l'urgence qu'il y a, à supprimer enfin toutes ces mesures sanitaires. Nous sommes dirigés par des gens stu...

le 23/03/2021 à 10:12
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Nous sommes dirigés par une armée de fonctionnaires.

le 23/03/2021 à 14:01
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L'Allemagne vient de renforcer les mesures sanitaires et va emprunter 450 milliards d'euros. Dirigée aussi par des stupides et incompétents ?

à écrit le 23/03/2021 à 8:33
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Et les dizaine de milliers de milliards d'euros planqués dans les paradis fiscaux ? Vous avez lu les enquêtes du consortium de journalistes concernant l'argent de la finance que l'on arrive plus à distinguer de celle de la mafia ? Alors maintenan...

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