L'économie française sur « une ligne de crête » selon l'Insee

Le niveau de la croissance française se situerait à 4%, en deça de son niveau d'avant-crise selon les dernières projections de l'Insee.
Grégoire Normand
(Crédits : Reuters)

Le chemin de la reprise économique s'annonce périlleux. Après une année 2020 chaotique, la boussole de l'économie tricolore demeure l'évolution de la situation sanitaire. "Dans l'immense majorité des pays dont la France, la conjoncture économique reste encore tributaire de l'évolution de la pandémie et des mesures sanitaires qu'elle impose" a expliqué le directeur général de l'institut Jean-Luc Tavernier. Selon la dernière note de conjoncture de l'Insee dévoilée ce jeudi 11 mars, l'activité économique se situerait à environ -4% en deça de son niveau d'avant-crise au cours du premier trimestre. La saturation des services de réanimation dans les régions les plus touchées, la mise en oeuvre de confinements locaux, la hausse des variants dans les chaînes de contamination et le fiasco de la campagne de vaccination freinent les espoirs d'une reprise rapide et synchronisée dans tous les secteurs et toutes les régions.

"Au delà du quatrième 2020, les indicateurs continuent de porter l'empreinte de la crise sanitaire. Les mesures d'endiguement ont été particulièrement sévères en Allemagne ou au Royaume-uni avec une chute importante du commerce de détail. Il existe encore une forte dichotomie entre l'industrie et les services en ce début d'année. Il y a davantage d'inquiétudes exprimées dans les services pour des raisons sanitaires" a expliqué le chef du département de la conjoncture Julien Pouget lors d'un point presse. "L'Insee table sur une reprise progressive de l'activité dans l'industrie et une réouverture dans quelques secteurs dans les services pour le second trimestre. La croissance trimestrielle au second trimestre serait de l'ordre aussi de 1%. L'acquis de croissance annuelle, c'est-à-dire avec une croissance nulle aux troisième et quatrième trimestre, serait de 5,5 points à la mi-année" a-t-il ajouté.

L'industrie reprend des couleurs, les services toujours à l'agonie

Le prolongement de la pandémie accentue les effets d'une reprise contrastée de l'économie tricolore. Si les moteurs de l'industrie retrouvent des couleurs depuis maintenant plusieurs mois, les services demeurent terriblement affectés par les mesures de restriction. Ainsi, les pertes d'activité dans l'industrie au cours du premier trimestre (environ -3%) auraient un impact nul sur la croissance du premier trimestre. Cet impact nul peut en partie s'expliquer par le faible poids de l'industrie dans le total des richesses produites sur le territoire hexagonal. La plupart des secteurs industriels ont pu redémarrer leur activité depuis plusieurs mois quand d'autres demeurent profondément meurtris par la pandémie. C'est le cas de l'aéronautique ou de l'automobile par exemple. Les pertes d'activité pronostiquées entre janvier et mars sont évaluées à 26% par rapport au dernier trimestre 2019.

Dans les services marchands, l'horizon est loin de se dégager. Dans l'hébergement-restauration (-42%), les transports et l'entreposage (-16%), les manques à gagner sont considérables. D'autres s'en tirent relativement mieux comme l'immobilier (+1), ou résistent comme les activités financières et d'assurance (0), l'information-communication (0). Au total, la contribution du tertiaire au PIB du premier trimestre est largement négative (-3 points). Dans les services principalement non marchands, cette contribution est neutre. Compte tenu du poids du tertiaire dans l'économie tricolore, la pandémie risque d'affecter durablement certains secteurs. Certains économistes redoutent des effets d'hystérèse à long terme avec des réorganisations et des fortes destructions de capital dans les secteurs en première ligne depuis le premier confinement. Cette reprise asynchrone pourrait fragiliser le tissu productif en France.

Vers une poursuite de la reprise au second trimestre ?

Les scénarios sur la sortie de crise demeurent encore très incertains. Il est complexe à ce stade de faire le pari d'un déconfinement total à partir du mois d'avril même si Emmanuel Macron a annoncé qu'il fallait encore tenir "cinq à six semaines" au début du mois de mars. Dans ce contexte troublé, les conjoncturistes de l'Insee tablent dans leur scénario principal sur "un allègement progressif des mesures de restriction à partir de la mi-avril concernant en particulier les branches toujours soumises à restrictions, avec une potentielle réouverture des restaurants et des bars et une reprise des activités de loisirs actuellement fermées, mais aussi plus généralement une levée du couvre-feu en semaine et des confinements locaux le week-end". Dans cette optique, la croissance accélérerait d'environ 1% et l'écart par rapport au dernier trimestre 2019 serait d'environ -3%.

Destructions d'emplois en masse dans le tertiaire et hausse du chômage

La pandémie continue de faire des ravages sur le marché du travail. Entre janvier et mars, plus de 77.000 emplois salariés devraient être détruits dans le privé. "Au premier trimestre, les destructions d'emplois s'amplifieraient. Elles seraient concentrées dans les secteurs les plus touchés par les mesures de restriction. Le caractère durable de la crise affecte directement l'emploi" a expliqué Olivier Simon, statisticien à l'organisme public. Dans les services aux ménages, 52.000 emplois seraient effacés sur ce premier tiers de l'année. Dans l'hébergement-restauration, la situation est tout aussi morose avec 39.000 emplois en moins. En prenant en compte l'emploi non salarié, 91.000 postes auraient disparu avec un lourd tribut pour les services marchands. Résultat, le taux de chômage au sens du bureau international du travail (BIT) rebondirait au cours du premier trimestre à 8,5%. "Relativement à la tendance haussière du taux d'activité avant-crise, il resterait à l'issue du premier trimestre un potentiel de main-d'œuvre s'étant retirée du marché du travail, de l'ordre de 200.000 personnes" expliquent les auteurs de la note de conjoncture.

Légère hausse du revenu des ménages

L'année dernière, le porte-monnaie des Français a été préservé en moyenne au regard de l'ampleur de la récession économique inédite depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. "En 2020, le pouvoir d'achat a progressé de 0,6%. Les revenus d'activité ont fortement chuté en 2020 mais cette diminution a été largement compensée par les prestations versées et de moindres prélèvements comme la baisse des cotisations et de la CSG. Le pouvoir d'achat progresserait de 0,4% au premier trimestre 2021" a déclaré Olivier Simon. La mise en oeuvre de l'activité partielle et le déploiement ou le renforcement de certaines prestations ont permis à l'exécutif de limiter la casse. Cette stratégie qui a entraîné une hausse de l'épargne très importante chez les ménages les plus aisés en raison notamment d'une consommation "empêchée" dans les loisirs fait actuellement largement débat.

Sur le front de la consommation, moteur traditionnel de l'économie tricolore, "les transactions par carte bancaire montrent des montants plus élevés en février par rapport à janvier. Elles sont tirées par les ventes en ligne et les soldes d'hiver qui ont stimulé la consommation des ménages. En revanche, dans les services touchés par les restrictions sanitaires, la consommation demeure très dégradée. Au mois de mars, la consommation de ventes physiques est au ralenti dans les zones concernées par les confinements locaux. Le décrochage est visible dans les Alpes-Maritimes et dans le Nord. Au total, la consommation des ménages se trouverait à -5% en deça de son niveau d'avant crise" a ajouté Olivier Simon.

Un retour de l'inflation ?

Aux Etats-Unis, la remontée des prix a enflammé les débats entre économistes. Plusieurs écoles de pensée s'affrontent notamment sur le rôle joué par le plan de relance de Joe Biden de 1.900 milliards de dollars accusé de faire surchauffer les moteurs de l'économie. En Europe, les craintes sont beaucoup moins visibles même si la BCE a prévu de réviser ces prévisions d'inflation à la hausse lors de son point presse de jeudi. "En janvier 2021, l'inflation en France a augmenté nettement. La remontée des prix du pétrole et le décalage des soldes d'hiver ont contribué à la hausse de l'indice des prix en janvier. En février, les prix ont diminué. Les soldes ont fait diminuer le prix des produits manufacturés. Pour les mois à venir, les prix seraient portés par la hausse des prix de l'énergie et du pétrole" a indiqué Olivier Simon. S'agissant de l'inflation sous-jacente qui exclut les prix les plus volatils comme l'énergie ou l'alimentation, l'Insee prévoit qu'elle pourrait s'établir à 1% en juin. Ces hausses de prix ponctuels sont à ce stade loin de représenter une dynamique inflationniste. La pandémie a pu en effet avoir des répercussions sur l'offre ou la demande dans certains secteurs, ce qui a pu augmenter les prix à certains moments mais il ne s'agit pas à ce stade d'un mouvement durable.

Grégoire Normand
Commentaires 7
à écrit le 12/03/2021 à 8:19
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le potentiel de croissance de la france est de zero, alors ca etonne qui?

à écrit le 12/03/2021 à 8:11
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"Le niveau de la croissance française se situerait à 4%, en deça de son niveau d'avant-crise selon les dernières projections de l'Insee. " Virgule mal placée déformant totalement le sens de cette phrase. "Si vous ne trouvez plus rien, cherche...

à écrit le 12/03/2021 à 0:51
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L'information semble incorrecte, c'est le niveau du P.I.B. qui sera de 4% inférieur à son niveau d'avant crise, pas le taux de croissance: la version correcte serait donc: " Le niveau du P.I.B français se situerait à 4%, en deça de son niveau d'avan...

à écrit le 11/03/2021 à 21:23
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Revoir article faux

à écrit le 11/03/2021 à 18:47
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La France aurait pu faire preuve d'audace et vacciner les premiers Au lieu de cela, on a attendu l'Europe pour approuver des vaccins qui étaient déjà approuvés aux US, UK, Israel ... comme si l'approbation Européenne pouvait mener à une conclusion...

le 11/03/2021 à 19:29
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Vacciner avec des produits non homologués ?

le 12/03/2021 à 7:19
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Réponse à marc469 : on vaccine bien avec des produits qui n'ont pas passé la phase 3 des essais, et pour lesquels les seules études disponibles au départ étaient les communiqués de presse ..

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