L'économie tricolore n'est pas prête de voir le bout du tunnel. Lors de son point presse jeudi soir, le Premier ministre Jean Castex a annoncé un nouveau confinement pour au moins quatre semaines dans 16 départements. Plus d'un an après le premier confinement, l'exécutif doit affronter une troisième vague alimentée par la flambée du variant britannique dans les chaînes de contamination. Cette souche représenterait désormais 75% des cas de transmission dans les zones les plus tendues. Face à ce défi sanitaire, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a indiqué aux journalistes que "l'impact des nouvelles restrictions sanitaires sur l'économie française est de 0,2 point de PIB annuel. Les mesures de soutien coûteront 1,2 milliard d'euros en plus par mois. Soit 7,2 milliards d'euros en tout par mois".
Interrogé par des journalistes, Bercy précise que sur 1,2 milliard supplémentaire, 600 millions vont servir au fond de solidarité, 400 millions d'euros à l'activité partielle et 200 millions pour les exonérations de cotisation, "même si ces chiffres devront être affinés". Empêtré dans une crise économique et sanitaire à rallonge, le gouvernement a assuré qu'il maintenait sa prévision de croissance à 6% en 2021.
"0,2% est un calcul relativement cohérent par rapport au deuxième confinement du mois de novembre qui était beaucoup plus sévère. Le confinement porte sur un territoire beaucoup plus petit. Les anticipations sont plus positives dans certains pays. Compte tenu de l'optimisme à l'étranger, l'impact de confinement pourrait être moindre. La condition majeure est que la vaccination reparte pour que l'économie redémarre rapidement" explique à La Tribune, Philippe Waechter, chef économiste chez Ostrum Asset Management.
À ce stade, il n'envisage pas de réviser à la baisse sa prévision de croissance comprise "dans une fourchette entre 5,5% et 6% pour 2021".
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Un impact économique moindre que lors des deux premiers confinements
Il est encore difficile à ce stade d'évaluer l'impact macroéconomique de cette troisième mise sous cloche même si les modalités ont été précisées par le gouvernement. Selon les précédents travaux menés par différents économistes, l'impact sera sans doute de moindre ampleur que les deux premiers confinements. En 2020, le produit intérieur brut (PIB) a connu des variations trimestrielles d'une ampleur inédite. Au pic de la crise en avril, l'activité avait chuté de près de 30% par rapport à son niveau de décembre 2019 alors qu'au mois de novembre l'écart était beaucoup moins prononcé.
L'année dernière, les mesures de confinement avaient frappé l'ensemble du territoire et étaient beaucoup plus sévères que les dernières annoncées ce jeudi 18 mars par Jean Castex. Les limitations de déplacements et le temps autorisé à l'extérieur étaient beaucoup plus stricts. Surtout, tous les établissements scolaires et crèches étaient restés fermés pendant plusieurs semaines. Depuis, le gouvernement a changé sa stratégie en adoptant des mesures territorialisées et sectorisées. Si les départements concernés, notamment ceux de l'Île-de-France pèsent beaucoup sur le plan démographique et économique, la paralysie est loin de frapper tout le territoire. Selon une estimation communiquée par l'entourage de Bruno Le Maire ce vendredi, 110.000 commerces devraient être fermés pour les 16 départements concernés. En Île-de-France, 52.340 commerces ne sont pas considérés comme de première nécessité et 6.443 définis comme des centres commerciaux doivent baisser leurs rideaux.
À titre de comparaison, l'Insee avait recensé en 2019 environ 700.000 entreprises dans le commerce sur toute la France et environ 500.000 si l'on exclut les micro-entreprises. Si le chiffre d'affaires des entreprises commerciales dans les départements soumis au confinement est loin d'être négligeable et que l'Île-de-France demeure un poumon économique très important, une grande partie des services marchands dans les autres départements pourront continuer de fonctionner. Et le commerce en ligne devrait permettre de limiter la casse chez les commerçants qui disposent d'une plateforme numérique. Une source gouvernementale assure que le click and collect sera autorisé pour les commerces non essentiels. L'effet d'apprentissage des entreprises et des salariés habitués au télétravail difficile à mesurer est régulièrement souligné par de nombreux économistes.
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Les effets à long terme d'une pandémie qui s'éternise
La "congélation" de l'économie française provoque des chocs d'offre et des chocs de demande souvent complexes à mesurer. Beaucoup d'économistes depuis le début de la pandémie ont fait part de leur désarroi face à cette tempête qui s'éternise. L'utilisation des modèles traditionnels est sans cesse chamboulée par ces mesures parfois inédites. En étudiant les implications macroéconomiques d'une telle pandémie, les économistes Jean Pisani Ferry et Olivier Blanchard estiment dans une récente note qu'un scénario de vagues d'épidémie à répétition dans le contexte des économies ouvertes comme en Europe est plus probable qu'un scénario zéro covid.
En effet, ils rappellent que "l'émergence périodique de nouveaux variants potentiellement dangereux restera une menace sérieuse tant que certaines parties du monde n'auront pas eu accès à des vaccins efficaces". Dans cette perspective, ils mettent l'accent sur trois répercussions durables : la fermeture des frontières, les confinements répétés et des effets durables sur la composition de l'offre et de la demande. Compte tenu de la situation sanitaire en France et du retard pris dans la campagne de vaccination, les effets de la crise sur le tissu productif et dans la population active risquent de se prolonger. Plusieurs économistes redoutent des pertes importantes en compétences, des destructions de capital irrémédiables et une dangereuse spirale récessive. Surtout que la situation dans les pays européens est loin d'être apaisée. L'Italie vient de renforcer ses mesures de restriction et les dirigeants allemands ont serré la vis sur possibilités de circulation.