Si Emmanuel Macron a invité l'ensemble des partenaires sociaux à discuter après l'adoption de la réforme des retraite, seuls les représentants d'employeurs ont répondu par la positive. Les syndicats, opposés à la loi tant sur le fond que sur la méthode employée par l'Elysée, ont en effet décliné l'invitation. Ce mardi, au lendemain de l'allocution télévisée du chef de l'Etat qui vise à redonner du souffle à son quinquennat, le Medef, la CPME ou encore l'U2P vont donc rencontrer Emmanuel Macron.
Inquiétudes autour de l'application de la réforme
Même si elles sont restées plutôt silencieuses pendant ces 3 mois de conflit sur les retraites, les organisations patronales sont favorables à la réforme qu'elles jugent nécessaire et entendent bien remercier le chef de l'exécutif d'avoir tenu bon face à la rue.
Travailler plus longtemps va, selon ces organisations, dans le sens de l'histoire, et est indispensable pour limiter les dépenses publiques. Vendredi soir, lors de la promulgation par le Conseil Constitutionnel, les patrons étaient donc satisfaits. « Déjà, parce que nous allions enfin sortir de ce conflit... en tout cas, nous l'espérons, et passer à autre chose, confie un membre du Medef, mais aussi parce que le Conseil a invalidé l'index Senior, mesure dont les employeurs ne voient pas l'utilité. »
Reste que le décalage de l'âge de départ à 64 ans n'est pas sans les inquiéter. Car les employeurs se retrouvent en première ligne pour maintenir plus longtemps dans l'emploi les actifs. Or, à les entendre, garder ces seniors n'est pas toujours facile, souvent plus coûteux aussi, car les niveaux de salaire sont supérieurs aux juniors...etc. D'où leur déception de voir le CDI de fin de carrière, exonéré de cotisations, supprimé du texte par les Sages de la rue de Montpensier.
Aussi, ce mardi matin, alors qu'ils seront avec le Président, ils comptent bien demander au chef de l'Etat d'inscrire, dans la future loi sur le plein emploi par exemple, un dispositif de ce type. Un système avantageux pour les entreprises, qui encourage les embauches des quinquagénaires et sexagénaires.
La crainte de mesures « sucrées » pour les salariés et « salées » pour les entreprises
Autre sujet qui devrait occuper une bonne partie de la discussion, l'usure professionnelle (appelée auparavant la pénibilité). En effet, la loi qui réforme les retraites prévoit la création d'un fonds de prévention, abondé par la branche accident du travail et maladies professionnelles de la Sécurité sociale. Les employeurs devront s'impliquer pour prévenir les postures pénibles et engager des négociations au niveau de la branche.
Par ailleurs, les entreprises ne sont pas très allantes sur le passage d'une semaine de 4 jours - 35 heures regroupées en 4 jours-, mais elles s'y préparent. Elles souhaitent en parler avec le chef de l'Etat. « Il faut que ce dispositif reste optionnel et n'aille pas trop loin », résume un membre de la CPME. Le gouvernement souhaite intégrer dans la future loi sur le plein-emploi des expérimentations en la matière. Idem pour le compte épargne temps universel, vieille revendication de la CFDT, qui devrait trouver place dans le futur texte de loi. « On se méfie des mesures gadgets proposées aux syndicats de salariés pour arrondir les angles après le bras de fer sur les retraites... », conclut encore ce membre de la CPME.
La peur des hausses d'impôts
Mais ce qui inquiète le plus les organisations patronales, ce sont d'éventuelles hausses d'impôts. Avec les profits records publiés par les grands groupes, les sommets atteints par le CAC 40, la recherche d'argent du gouvernement pour financer non seulement les mesures anti-inflation mais aussi pour boucler son budget dans un contexte de hausse des taux d'intérêt, les patrons craignent « de passer à la caisse ». Taxes, contributions exceptionnelles, hausse des cotisations... ils entendent rappeler au président sa promesse de ne pas augmenter la pression fiscale. Et de poursuivre sa politique « pro-business », pour ne pas freiner la réindustrialisation mais aussi les embauches, dans un contexte déjà difficile de recrutement.
Un plaidoyer pour moins de normes
Enfin, tous veulent aussi profiter de ce rendez-vous pour porter leurs doléances en matière de transition écologique. « Certes, nous sommes pour la prise en compte de ce virage écologique, mais c'est très coûteux pour nos entreprises et il ne faut pas que cela pénalise nos activités », explique un cadre de la CPME. « Par exemple, les ZFE, les zones à faibles émissions qui limitent la circulation des véhicules dans certaines communes peuvent être très handicapantes pour nous... De la même façon, que les diagnostics limitent la construction etc ... »
Selon nos informations, les organisations patronales veulent donc demander un moratoire sur plusieurs normes de ce type, notamment celles qui pèsent sur les plus petites entreprises. Car si les grands groupes ont les moyens de se payer d'importants services juridiques, les PME et ETI sont souvent démunies. Et la complexité administrative pèse. Et un représentant du Medef de citer l'OCDE : « Cette complexité nous coûte entre 3 et 4 % du PIB chaque année, une réduction de la charge d'un quart permettrait d'économiser plus de 15 milliards d'euros aux entreprises. Si le Président veut agir, ce sujet est essentiel. »
Dans cette liste de courses, reste à voir ce que gardera le Président. Il devrait recevoir les organisations syndicales mais après le 1er mai, journée de mobilisation de l'intersyndicale.