Retraites : les Sages valident la réforme, et maintenant ?

Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision. Il valide l'essentiel de la réforme, dont le report de l'âge de départ à 64 ans. En revanche, près de six dispositions - dont l'index senior- sont jugées être des cavaliers. Mais il rejette également le référendum d'initiative partagée (RIP). Un deuxième RIP a été déposé. Le Conseil se prononcera le 3 mai.
Fanny Guinochet
(Crédits : GONZALO FUENTES)

Rarement décision du Conseil constitutionnel n'avait été autant attendue. Et c'est sûrement un grand « ouf » de soulagement qu'a ressenti le chef de l'Etat en l'apprenant. Mais si c'est une bonne nouvelle pour Emmanuel Macron puisque sa réforme des retraites passe la validation du Conseil Constitutionnel, et notamment le report de l'âge légal de 62 à 64 ans, la suite n'en reste pas moins difficile à écrire. Le chef de l'Etat a quinze jours pour promulguer la loi. Il est probable qu'il ne tarde pas, lui qui espère rapidement passer à autre chose. « Tenir le cap est ma devise », assurait-il ce vendredi matin, avant l'annonce.

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Affronter une contestation qui va se radicaliser

La première difficulté va être de gérer la contestation, qui perdurera à sa réforme, fut-elle adoptée.  Déjà émaillée de tensions ces derniers jours, la mobilisation va se poursuivre ici et là, et rassembler uniquement les plus radicaux. Certains syndicats comme la CFDT ont déjà expliqué que pour eux la décision des Sages serait « légitime ». Mais tous ne l'entendent pas ainsi. Cette validation est donc loin de marquer un point final à la contestation, comme en témoignent plusieurs mobilisations spontanées qui se sont mises en place dans plusieurs villes dès l'annonce de cette décision. L'Etat déployait d'ailleurs d'importants dispositifs de sécurité.

Les poussées de violence sont attendues, surtout que la plupart des dispositions invalidées par le Conseil sont considérées comme les dispositions les plus favorables aux travailleurs, parmi elles, l'index senior - dont le patronat ne voulait pas-, mais aussi le référendum d'initiative populaire (RIP). De quoi irriter encore un peu plus les opposants. Pour autant, un deuxième RIP a été déposé et l'avis du Conseil sera rendu le 3 mai.

Lire aussiRéférendum d'initiative partagée (RIP) sur la réforme des retraites : comment ça marche ?

Un lien à recréer avec les syndicats

Quelques minutes avant l'annonce de la décision du Conseil constitutionnel, le chef de l'Etat a fait savoir qu'il proposait aux partenaires sociaux de les recevoir mardi. Et d'ajouter « quelle que soit la décision ...Ce sera nécessairement le début d'un cycle... (...) La porte de l'Elysée restera ouverte pour ce dialogue » mais « sans préalable ».

Cette invitation devrait rester lettre morte. La CFDT n'était pas contre un échange avec le Président, mais Laurent Berger le chef de file du syndicat réformiste avait fait savoir qu'il souhaitait un délai de convalescence. Emmanuel Macron n'en a pas tenu compte, en proposant un échange rapide. Énième illustration, si besoin en était encore, de la profonde divergence et animosité qui existent entre le Président et le syndicaliste, devenu dans cette séquence, comme son premier opposant.

La CGT, elle, n'était pas favorable à cette rencontre si l'ordre du jour ne comprenait pas le retrait de la réforme. Sophie Binet, la nouvelle patronne du syndicat, a refusé tout net.

De son côté, François Hommeril, le leader de la CFE-CGC expliquait ce vendredi : « Si Emmanuel Macron veut nous réunit pour nous annoncer qu'il a décidé de retirer la loi, oui, on va y aller... mais si c'est pour détourner l'attention des Français de ce qui fait le sujet de la crise démocratique, ça va être difficile. »

Si cette proposition de rencontre a donné lieu à des débats au sein de l'intersyndicale, qui depuis plus de 2 mois maintenant avance main dans la main, elle s'est soldée par un échec.  En effet, ce vendredi soir, soucieuse de montrer le maintien d'une forme d'unité, l'intersyndicale a publié un communiqué commun, dans lequel elle signifie qu'elle ne souhaite pas rencontrer le président avant le 1er Mai. Elle appelle « solennellement » aussi le chef de l'Etat « à ne pas promulguer le texte ». Un appel comme un dernier coup dans l'eau.

L'intersyndicale prévoit toutefois de se réunir dès lundi prochain, pour définir des suites à donner au mouvement. Mais il est peu probable que les centrales envisagent une nouvelle journée d'action, comme les douze précédentes organisées depuis janvier Elles ont prévu de se retrouver, dans un cadre un peu spécifique, le 1er mai prochain, à l'occasion de la fête internationale du travail, pour une manifestation unitaire et populaire.

Mais, après la validation par le Conseil de cette réforme, et une fois le 1er mai passé, quid de cette alliance des 8 centrales ? Une recomposition syndicale est à prévoir.

Reconquérir l'opinion.

Ce sera peut-être le défi le plus difficile et le plus insidieux pour Emmanuel Macron. Alors que les Français restent très partagés sur le fond de cette réforme, la décision du Conseil constitutionnel promet de laisser des traces, notamment dans son électorat. Car au-delà de la mesure phare, - le report de l'âge-, ce texte restera comme inédit dans sa forme - adoption via un 49.3, d'un Projet de loi rectificatif de la Sécurité sociale - et dans son adoption. Pour de nombreux Français, ce parcours législatif révèle un affaiblissement de la démocratie. Il comporte le risque d'accentuer l'éloignement avec le politique, et y compris la macronie.

Dans ce contexte, Emmanuel Macron veut très vite reprendre la main et s'adresser dès la semaine prochaine aux Français. La forme n'est pas encore déterminée. « Il entend reprendre les rencontres avec eux, dès que l'ambiance dans le pays sera un peu retombée », assure son entourage. Le chef de l'Etat veut embarquer le pays autour de nouveaux sujets, comme la loi Plein emploi - dont les mesures chercheront à améliorer les carrières, et revoir le rapport au travail. Pour retrouver du souffle, tant sa personne aussi était visée. Pas simple dans un contexte d'inflation élevée, - notamment l'alimentaire, où la crainte est que la révolte contre la réforme des retraites, se porte désormais contre le coût de la vie.

Renouer avec Elisabeth Borne

Cette séquence aura tendu les liens entre Emmanuel Macron et sa Première ministre. Cette dernière est d'ailleurs la première à avoir réagi à la décision du Conseil constitutionnel, via un tweet, teinté d'apaisement : « Il n'y a ni vainqueur, ni vaincu » A charge pour elle, toutefois, de réussir à calmer les mouvements de contestation, de réconcilier les Français, de retrouver une forme de crédibilité. Mais aussi de retisser les liens avec les syndicats, les élus et sa majorité. Et, enfin, de redonner du dynamisme à cette première année de quinquennat. Sans quoi, son sort pourrait être vite scellé.

Ressouder une majorité affaiblie

Enfin, la Macronie sort éprouvée et fragilisée par ces trois mois de conflit. Entre ceux qui n'approuvent pas la réforme, ceux qui sont partagés, ceux qui ont pris des coups... comment blesser les plaies et retrouver une unité ? Au-delà des élus Renaissance, ce dossier des retraites a aussi rendu plus complexes les relations avec des groupes comme Horizons ou le Modem. La question des futurs alliés va aussi se poser.

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Fanny Guinochet
Commentaires 33
à écrit le 15/04/2023 à 13:02
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Comme au USA les "sages" sont nommés par les politiques avec bien entendu les amis . Un politique n'est aucunement un spécialiste du droit constitutionnel donc en dehors du copinage politique quel est la lecture du droit constitutionnel. Je suis amus...

le 15/04/2023 à 19:02
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"les sages sont nommés par les politiques" Oui évidement, même si le panel pourrait est plus large, et qu'il serait nécessaire de baisser leurs rémunérations abusives. Les sages bloquent ou demandent correction de la copie gouvernementale assez sou...

à écrit le 15/04/2023 à 8:54
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ET MAINTENANT ?? on continue les réformes dont on a tant besoin !!! et dont les Présidents précédent n'ont JAMAIS osés s'y atteler, ceci par confort personnel, et lâcheté politique !!! La politique de notre Pays ne se fait pas par la "...

à écrit le 15/04/2023 à 8:53
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ET MAINTENANT ?? on continue les réformes dont on a tant besoin !!! et dont les Présidents précédent n'ont JAMAIS osés s'y atteler, ceci par confort personnel, et lâcheté politique !!! La politique de notre Pays ne se fait pas par la "...

le 15/04/2023 à 16:29
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Te plains pas ,les syndicats et "l'opposition" ou tous appelé à voter pour lui au deuxième tour en 2022 ,il y a même 52% de l’électorat de la Nupes qui a voté pour Macron ,comme quoi.Quand aux syndicats qui représentent que 10 % des Salariés ,c'est j...

le 15/04/2023 à 19:10
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Les politiques représentent encore moins que les syndicats et leur élection y compris le Président n'a rien à voir avec ce mot galvaudé par nos politiciens démocratie D' ailleurs la France est en 27 ieme position des démocraties la France évaluée c...

le 15/04/2023 à 19:16
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La réforme essentielle pour moi est celle pointée dans le livre de Robert Paxton - La France de Vichy Ed Seuil qui relève que la catastrophe de 40 est en partie celle de l'élite, je pense que nous y sommes et savons comment ça s'est terminé.. La prio...

à écrit le 15/04/2023 à 7:07
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On va pouvoir enfin rembourser la dette du "" quoi qu'il en coûte "" avec les diverses générations cotisantes pour la retraite.

le 15/04/2023 à 8:56
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des sages mais pour etre des sages le casier judiciare se devait d'etre vierge et pour au moins deux d'entre eux c'est plus qu'un doute mais une honte pour la democratie et la honte revient a ceux qui ont nomme une preuve de plus sur la decadence...

à écrit le 15/04/2023 à 6:33
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Félicitations au conseil constitutionnel qui a fait son travail en approuvant les articles conformes à la loi et en rejetant les autres. Grosse défaite de la NUPES

le 15/04/2023 à 9:04
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"et en rejetant les autres. Grosse défaite de la NUPES " Ce CDI seniors a été introduit dans le projet de loi par un amendement de la droite et du centre.

à écrit le 15/04/2023 à 1:22
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C’est très bien que cette réforme se mette en place .maintenant à ceux qui continuent de râler …. Sachez que personne ne vous oblige à travailler jusqu’à 64 ans , vous pouvez partir à l’âge que vous voulez avec le montant de votre retraite qui convie...

le 15/04/2023 à 8:34
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Faux.Vous pouvez arrêter de travailler avant 64 ans,oui mais vous n’aurez rien avant 64 ans et si vous n’avez pas les trimestres demandés,vous serez pénalisé.

le 15/04/2023 à 9:38
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"vous pouvez partir à l’âge que vous voulez avec le montant de votre retraite qui conviendra au moment du départ de votre choix ". Avec le montant de notre choix !! ,tu évoques surement la décote qui va perdurer avec cette réforme: La réforme p...

le 15/04/2023 à 12:16
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Exact. Chacun doit epargner librement pour sa retraite selon ses préferences personnelles sans s'attendre que d'autres payent pour lui au delà du raisonnable.

à écrit le 15/04/2023 à 1:18
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Du boulot il n'y en aura de moins en moins. Les automates ont remplacé la main d'oeuvre humaine....Un automate remplacé dix personnes.Si vous voulez vous faire payer votre retraite ,sollicitez les robots qui non seulement vous ont remplacé mais de su...

à écrit le 14/04/2023 à 23:32
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Et maintenant ? Et bien, et maintenant, on va travailler jusqu'à 64 ans. Il est où, le problème ? Il n'est pas chez moi en tout cas

le 15/04/2023 à 16:35
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Même plus si tu veux ,par contre ,après 70 ans, un employeur a le droit de contraindre un employé à prendre sa retraite. Il s'agit de la « mise à la retraite ». Le salarié n'a alors pas d'autre choix

à écrit le 14/04/2023 à 23:30
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C'est la fête à Neuilly. Les rentiers se marrent: les sages ont roulé dans leur sens et le petit peuple trimera pour augmenter les dividendes.

le 15/04/2023 à 0:31
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Le petit peuple n'a qu'à s'élever en achetant des actions plutôt que des tickets de loterie FDJ...

à écrit le 14/04/2023 à 22:36
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Une seule solution, la retraite par capitalisation! Chacun choisi ses années de cotisation, son age de départ, le niveau de sa pension et le montant de ses cotisations! Chacun est acteur et responsable de sa retraite!

le 14/04/2023 à 22:58
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Et quand la bourse plonge, le retraité désossé prend la mer?..!

le 14/04/2023 à 23:38
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Quand la bourse plonge il suffit d'attendre qu'elle remonte.

le 15/04/2023 à 0:45
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@Adieu Mais bien sûr, quand on est en fin de vie, on est pressé de disposer de ses sous et non pas d' attendre que la bourse remonte!..

à écrit le 14/04/2023 à 22:23
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Macron a utilisé les instruments règlementaire à sa disposition dont l article 49.3 constitutionnel et antidémocratique en prenant l'avis du conseil constit, cours suprême plutôt à sa solde. Le chatgpt aurait fait certainement plus humaniste quand Ma...

à écrit le 14/04/2023 à 22:10
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Je note que les "Sages" comprennent 3 anciens premiers ministres, 4 énarques, (tous élus ou ex-élus), 2 avocats, 1 juge, 1 enseignant,1 fonctionnaire (haut, bien sur!); on ne d'attend guère, évidemment, à trouver dans ce beau monde un éboueur, un ouv...

le 15/04/2023 à 1:30
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Que veut dire ‘ beau monde ‘ dans votre commentaire ? Vous avez un raisonnement bien simplet .

à écrit le 14/04/2023 à 21:38
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François Asselineau ce soir, "·MACRON DÉCLARE LA GUERRE AUX MOINS DE 64 ANS En obtenant du Conseil constitutionnel (9 bourgeois de +de 64ans tous politiquement acquis) qu'il valide la loi et rejette tout référendum,et en décidant de la promulgu...

à écrit le 14/04/2023 à 21:22
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Lorsqu'on accepte un doublement de son salaire sans aucune base légale, sur une simple décision politique, "sage" ne semble pas être la qualificatif adéquat.

à écrit le 14/04/2023 à 20:41
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Bonjour, Scandaleux, car si la suppression des régimes spéciaux a bien était voté... Le passage au 64 ans n'a pas étaient examiné, n'y a parlement et non plus a la chambre des députés... Le gouvernement de Mr Macron a utilisé des articles constituti...

le 14/04/2023 à 21:42
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Il faut dire qu’au parlement la Nupes a fait beaucoup de zèle à force d’amendements pour ne pas discuter le projet de loi jusqu’au bout….. Cela restera comme une péripétie du deuxième quinquennat de Macron et permettra, on l’espère, de se reconcentre...

à écrit le 14/04/2023 à 20:08
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Les ordres de la Commission européenne doivent être appliqués.

le 15/04/2023 à 4:11
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Tout à fait d’accord avec vous . Toutes ces démonstrations sauvages et non autorisées doivent immédiatement s’arrêter et faire l’objet d’une interdiction gouvernementale. Seuls les syndicats sont représentatifs.

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