Renforcement du télétravail : les entreprises sont-elles prêtes ?

Jean Castex demande aux entreprises d'intensifier le recours au travail à distance pour lutter contre la 5e vague. Une dernière recommandation avant le passage à la contrainte. Car si, d'aventure, les entreprises ne jouaient pas le jeu, l'exécutif promet de sévir. Et le délai de mise à exécution est court vu la vitesse de progression du virus: ultimatum leur est posé jusqu'à la fin de la semaine.
Fanny Guinochet
Jean Catex laisse une semaine aux entreprises pour intensifier le recours au télétravail dans les entreprises.
Jean Catex laisse une semaine aux entreprises pour intensifier le recours au télétravail dans les entreprises. (Crédits : Reuters)

Au Medef, le président Geoffroy Roux de Bézieux assure que les entreprises sont déjà dans les starting-blocks. Elles n'ont pas attendu l'allocution de Jean Castex lundi soir pour se mobiliser. Selon le patron des patrons, depuis l'arrivée la semaine dernière du variant Omicron, elles font preuve de responsabilité et ont encouragé le recours au télétravail, dans le cadre d'un dialogue social fructueux avec les syndicats. Depuis le 1er janvier, selon le ministère du Travail, plus de 2.700 accords de télétravail ont d'ailleurs été signés dans les sociétés, contre 1.980 l'an dernier.

Pour les entreprises, éviter à tout prix le 100 % télétravail

Reste que l'organisation patronale n'entend pas "retomber" dans le 100% télétravail, qui, d'après elle, complique beaucoup trop l'organisation des sociétés. Les employeurs feront donc tout pour l'éviter, eux qui ont souvent eu du mal, ces dernières semaines, à faire revenir sur site les salariés, après les différents confinements. Dans les petites entreprises, l'inquiétude est là, après les propos de Jean Castex. Difficile d'assurer  la bonne continuité des activités, avec des salariés à distance, qui travaillent de chez eux.

Et puis, Geoffroy Roux de Bézieux met aussi en avant un autre point : attention aux fractures sociales qui risquent de se creuser au sein des entreprises, entre ceux qui peuvent travailler à distance, essentiellement les cols blancs, et les autres, obligés de venir dans les usines et les sites. Le patron des patrons estime avoir eu plusieurs remontées de tensions, cet automne. Dans l'industrie, des chefs d'entreprise ont dû demander à leurs cadres de venir plus souvent dans les bureaux pour apaiser le climat social.

À peine 21% des salariés du privé en télétravail, contre 44% il y a un an

Mais, en matière de télétravail, les entreprises françaises ont de la marge. Pour elles, le point d'équilibre se situe à trois jours maximum par semaine, mais on en est loin. Selon les dernières données de la Darès, rattachée au ministère du Travail, en octobre dernier, 21% des salariés étaient au moins un jour en télétravail hebdomadaire, et à peine 6% l'étaient tous les jours de la semaine.

On est loin des niveaux de novembre de 2020, quand près de 44% étaient en travail à distance toute la semaine (tandis qu'un quart des employés avaient au moins un jour de travail obligatoire). Un record en France, qui n'était autre que le résultat direct de l'injonction du  gouvernement : il demandait alors aux employeurs de passer massivement au télétravail, à chaque fois que c'était possible, sous peine de sanctions.

Le ministère du Travail met la pression

Aujourd'hui, Élisabeth Borne, la ministre du Travail, assure faire confiance aux entreprises. Mais, à chaque fois qu'elles sont contrôlées par l'inspection du Travail, la façon dont elles appliquent les gestes barrières est passée au crible, ainsi que le recours au télétravail. Des amendes sont appliquées si les recommandations ne sont pas entendues. Car le télétravail reste une solution pour enrayer l'épidémie.

Et si, d'aventure, les entreprises ne jouaient pas le jeu, l'exécutif promet de sévir, et de passer à une obligation. Et les délais sont courts étant donné la progression du Covid. Ultimatum leur est posé jusqu'à la fin de la semaine.

Inquiétudes des effets du télétravail sur les salariés

Le gouvernement aura cependant recours à l'obligation du télétravail à contrecœur.  Il s'inquiète, comme les syndicats, de ses conséquences sur les employés. Isolement, perte de liens sociaux, détresse psychologique, dépression, peuvent être favorisés par le travail à distance.

Preuve en est, pendant le premier confinement en mars 2020, le ministère du Travail avait mis un numéro d'écoute pour les employés en difficultés, et nombre d'appels concernaient des salariés qui œuvraient depuis chez eux.

Élisabeth Borne se dit particulièrement préoccupée par cette souffrance dont, selon elle, on ne mesure pas encore tous les enjeux.

Par exemple, le télétravail peut aussi être plus difficile pour les femmes, qui souvent ne disposent pas de pièce attitrée dans le logement pour travailler dans de bonnes conditions ou sont plus souvent dérangées que les hommes, notamment, par leurs enfants lorsqu'elles officient à la maison.

Vers un forfait télétravail?

Autre limite: les frais engendrés par le télétravail, comme le forfait Internet, ou les dépenses liées au chauffage, alors que les prix de l'électricité flambent... Souvent, ils ne sont pas pris en compte par les employeurs, a fortiori par ceux des TPE.

C'est justement pour encourager cette prise en charge que Frédérique Lardet, députée de Haute-Savoie de la République en Marche a déposé, la semaine dernière, une proposition de loi, pour instaurer un "forfait télétravail", défiscalisé, pouvant aller jusqu'à 600 euros annuels. Ce ticket télétravail aurait vocation à aider les employeurs à participer aux dépenses des salariés ainsi que leur adhésion à un tiers-lieu.

Pour l'heure, cette proposition de loi n'a pas été inscrite dans l'agenda parlementaire, mais Frédérique Lardet espère bénéficier d'une "niche" avant le 20 décembre et pouvoir faire adopter son texte avant la fin de la mandature. La situation sanitaire pourrait l'aider à trouver une date.

Lire aussi 4 mnBientôt un chèque télétravail de 600 euros pour prendre en charge des frais ?

Fanny Guinochet
Commentaires 4
à écrit le 07/12/2021 à 15:01
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Donc les services de réanimation sont 2 à 3 fois moins remplis grâce à la vaccination, au plus fort de la "vague", mais on prend encore des mesures pour nous restreindre ? Il n'y a aucune raison que cela finisse, alors...

le 08/12/2021 à 13:28
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Que voulez vous il est plus simple de retreindre les français que de donner l'exemple lors du congrès des maires...

à écrit le 07/12/2021 à 11:56
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a beau parler nos donneurs de leçons ont ils encore cure a bien faire,?

à écrit le 07/12/2021 à 11:10
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Que signifie "prêtes" ? S'agit-il de contraintes logistiques ou de bonnes volontés... ? J'en connais une qui depuis 18 mois a réussi quand c'était obligatoire à mettre tout le monde en 100% télétravail pendant des mois, mais qui n'a toujours pas sign...

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