« Le retour du télétravail obligatoire serait une erreur », répète Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, qui milite pour que les entreprises puissent choisir seules de l'organisation du travail. Selon le patron des patrons, ce ne peut être la solution pour enrayer l'épidémie : à peine 20% des salariés occupent des postes télétravaillables. Pourtant, le télétravail réduirait de 25% les risques d'infection.
Si Geoffroy Roux de Bézieux se montre aussi ferme sur le sujet, c'est parce que plusieurs chefs d'entreprise lui ont fait part de leurs difficultés : après les confinements, dans les entreprises, il n'a pas été toujours facile de faire revenir les salariés sur site. Maintenant que les employés sont là, pas question de prendre le risque de les perdre de nouveau. La culture du présentéisme reste forte dans l'Hexagone. Beaucoup de sociétés ont signé des chartes, voire des accords avec des jours de télétravail définis -rarement au-delà deux jours par semaine-. Ces négociations n'ont pas toujours été faciles à mener, beaucoup n'ont pas envie de revenir en arrière. Aujourd'hui, le protocole sanitaire en entreprise laisse la liberté aux employeurs de s'organiser.
Le télétravail, source d'inégalités et de frustrations
Enfin, pointe le risque de tensions sociales. Geoffroy Roux de Bézieux l'explique ce mardi sur BFM : « Je vois beaucoup d'entreprises notamment industrielles qui demandent à leurs cadres administratifs de ne pas télétravailler pour créer un sentiment d'égalité entre ceux qui sont postés à la chaine et les autres ». A l'heure où de nombreuses entreprises ont ouvert les discussions sur les rémunérations, il n'est pas utile d'ajouter des sujets de discordes. « Le télétravail crée un sentiment de frustration, d'incompréhension pour ceux qui ne peuvent pas le faire », plaide encore Geoffroy Roux de Bézieux. Et pour cause, ceux qui sont tenus d'être sur site sont le plus souvent des non cadres, des employés, plutôt au bas de l'échelle. Aussi, cette crainte de creuser une fracture au sein des entreprises est aujourd'hui si forte, qu'elle passe devant l'endiguement de l'épidémie.
Du côté du ministère du Travail, ce constat est largement partagé : « Le télétravail crée de nombreuses inégalités dont il faut se méfier. Nous n'en avons pas pris toute la mesure à plus long terme ». Des fractures entre services au sein d'un même collectif, entre cadres et non cadres, entre femmes et hommes, entre ceux qui peuvent télétravailler dans de bonnes conditions car ils ont un logement adéquat et les autres... Autant d'éléments souvent insidieux, qui peuvent vite détériorer le climat social de la société.
Sans oublier que certains télétravailleurs ne le vivent pas très bien. Sentiment d'isolement, détresse psychologique... ont aussi été observés chez les actifs exerçant à domicile. Pendant les confinements, le ministère avait d'ailleurs mis en place une ligne d'écoute et d'assistance. Les syndicats, qui avaient tous alerté sur ces troubles psycho-sociaux, ne sont pas très allants non plus aujourd'hui sur un retour intensif au télétravail.
Des contrôles accrus sur le respect des gestes barrières
Aussi alors que l'épidémie repart en flèche, Elisabeth Borne préfère insister sur le retour des gestes barrière dans les lieux professionnels : « On les a un peu oubliés ces dernières semaines, notamment le port du masque qui pourtant est une des meilleures façons de se protéger du virus ». Elle encourage les employeurs à redoubler d'attention. Pour ce faire, elle a d'ailleurs envoyé la semaine dernière une note aux services de l'inspection du Travail afin d'intensifier les contrôles. Près de 27.000 ont été menés depuis janvier dernier, en majorité dans les entreprises moins de 50 salariés, et près de 5.300 ont donné lieu à des suites. La plupart des échanges ont surtout été le fait de conseils, ou de simples rappels à l'ordre.
La ministre préfère également mettre en avant la vaccination des adultes, et faire la promotion de la troisième dose. Reste à voir si Elisabeth Borne pourra tenir longtemps sur cette ligne. Sachant que le conseil scientifique plaide depuis ce week-end pour un renforcement du télétravail afin de ralentir la contamination du virus. Devra-t-elle revenir à la situation d'octobre 2020, lors de la deuxième vague, avec un protocole sanitaire qui demande un recours passif au télétravail pour tous ceux qui peuvent effectuer l'ensemble de leurs tâches à distance ? Selon les dernières données de la Dares, qui dépend du ministère du Travail, 21% des salariés ont connu au moins un jour de télétravail en septembre dernier, et à peine 8% ont télétravaillé tous les jours.