Derrière la bonne entente de façade montrant syndicats et patronat se réjouir d'être tombés d'accord pour la gestion des retraites complémentaires, se cachent des grincements patronaux. En effet, une fois n'est pas coutume, les organisations d'employeurs, dans cette négociation Agirc/Arrco, se sont montrées très divisées. Le Medef, la CPME et l'U2P n'étaient pas sur la même ligne.
Au cœur de leur bras de fer : la question de savoir si oui ou non le régime des retraites complémentaires doit abonder le système de base. Deux conceptions du paritarisme et de la solidarité nationale se sont affrontées.
Medef contre CPME et U2P
Jusqu'au dernier moment, les leaders patronaux ont ferraillé. A l'origine de leur différend, les propos d'Olivier Dussopt, le ministre du Travail, sur la réforme des retraites du gouvernement. Pour lui, il est normal que les retraites complémentaires viennent financer quelques mesures du système général dans la mesure où le report de l'âge de départ à la retraite de 62 ans à 64 ans dans le privé génère des rentrées d'argent, y compris pour l'Agirc Arrco, Et notamment les petites retraites, dont la réforme promet d'améliorer le niveau.
Avant la négociation entre patronat et syndicats dans la nuit de mercredi à jeudi dernier, le gouvernement n'hésitait pas à brandir la menace. A défaut, l'exécutif puisera dans les réserves de l'Agirc-Arrco, via des dispositions dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, a-t-il dit. Sans trop de scrupules, vu que les comptes de l'Agirc-Arrco sont dans le vert avec près de 70 milliards d'euros de réserves.
Pour la CPME et l'U2P, l'argument s'entend. Mais, pour le Medef, il n'en est pas question, l'argent des retraites complémentaires doit rester aux pensionnés des salariés du privé. Et l'Etat doit se débrouiller pour financer les promesses de sa réforme.
C'est d'ailleurs, une fois, n'est pas coutume là encore, la position adoptée par les syndicats de salariés, unanimement contre la réforme des retraites Macron.
Une ponction de l'Etat qui pourrait dépasser le milliard d'euros
A l'origine, l'exécutif réclamait entre un et trois milliards d'euros annuels à l'Agirc-Arrco d'ici 2030.
Certains, à la CPME et à l'U2P, espéraient, en répondant à cette requête et en la fléchant, faire baisser la note. Et limiter la casse. Il s'agissait, selon plusieurs sources, de s'en tenir à un abondement de 500 millions d'euros ciblés vers les petites pensions. « En début de semaine, le gouvernement était d'accord sur ce montant », raconte un proche du dossier.
Mais, le Medef s'est opposé à ce "deal". Embarquant avec lui, les syndicats, il l'a emporté : le texte d'accord ne prévoit aucune ponction, aucun tuyau financier vers l'Etat. Seul, un article s'en tient au lancement de travaux visant à des mesures de solidarités internes au régime, via un groupe de travail, en vue d'un nouvel accord d'ici à la fin du premier semestre 2024. « Patrick Martin, le président du Medef, a mis son véto. Histoire de montrer au gouvernement qu'il lui tient tête », raconte une source syndicale.
Front commun face au gouvernement
A l'issue de cet accord, syndicats et patronat ont voulu montrer qu'ils faisaient front commun face aux velléités du gouvernement de ponctionner les réserves de l'Agirc-Arrco. Le signal n'est pas innocent alors que le gouvernement est tenté de piocher dans les excédents de l'Unedic pour financer France Travail. Ce front commun va-t-il aussi peser sur le climat de la conférence sociale qui se tiendra le 16 octobre prochain ? Du côté de l'exécutif, on s'y attend.
En attendant, est-ce que le gouvernement va s'empêcher de piocher dans le régime des retraites complémentaires ? « Absolument pas », répond un proche du dossier. Reste à savoir à quelle hauteur s'élèvera l'addition. Les organisations syndicales et patronales gestionnaires du régime Agirc-Arrco doivent encore signer l'accord décroché dans la nuit. Ils ont une semaine pour le faire.