Sortie de crise : faudra-t-il travailler plus ? La bataille idéologique est lancée

Introduite par le Medef, la question du temps de travail s'est immiscée dans le débat public, provoquant des réactions contrastées, entre le soutien de l'Institut Montaigne favorable à une augmentation du temps de travail et la forte désapprobation de certains syndicats, dont la CFDT, qui juge la proposition indécente.
(Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT à g. et Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef à dr.) Fidèle à sa position sur la semaine de 32 heures, la CGT milite pour travailler moins.
(Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT à g. et Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef à dr.) Fidèle à sa position sur la semaine de 32 heures, la CGT milite pour travailler moins. (Crédits : Reuters)

Travailler plus? Travailler moins? Modifier les règles des plans sociaux? Face à la crise de l'emploi à venir en France, la boîte à idées se remplit chaque jour, avec une vive bataille idéologique en perspective.

Sur le temps de travail, le Medef a tiré le premier il y a un mois par la voix de son président, Geoffroy Roux de Bézieux, qui a estimé qu'il faudrait "poser la question du temps de travail, des jours fériés et des congés payés" pour accompagner la reprise.

Devant le tollé - "indécent" s'est insurgé le numéro un de la CFDT Laurent Berger - il a vite remballé sa proposition, aussi promue par l'Institut Montaigne.

Lire aussi : Sortie de crise : ce qu'en dit l'Institut Montaigne

Sauf que depuis, des mauvais chiffres des demandeurs d'emplois sont arrivés, les prévisions de croissance plongent (-6 points de PIB pour les deux mois de confinement) et la crise de l'emploi se profile.

Les idées ressortent.

Vers une destruction massive d'emplois ?

Si la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, martèle depuis deux mois que l'exécutif fait tout pour éviter les licenciements, elle a discrètement lâché cette semaine qu'elle ne pouvait "pas affirmer qu'il n'y aurait pas de licenciements dans les entreprises en difficulté".

Vieux routier des relations sociales en France, et ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy, Raymond Soubie s'est même étonné de ne voir "personne anticiper" les plans sociaux, et la situation des entreprises qui seront face à des "marchés durablement réduits".

Lui pronostique la disparition de "dizaines de milliers, et probablement des centaines de milliers d'emplois". Si bien qu'il préconise de revoir "d'urgence" les règles des plans sociaux pour les entreprises les plus en difficultés, et pour les autres de passer des accords prévoyant des efforts des entreprises sur l'emploi en échange d'efforts des salariés sur le temps de travail.

"C'est le monde d'après avec les recettes d'avant-hier!", a persiflé auprès de l'AFP un cadre de FO, qui craint de son côté les licenciements au compte-goutte dans des petites entreprises.

Les accords de "performance collective" (ex-accords de maintien de l'emploi, préservation de l'emploi, mobilité), dénommés ainsi depuis les ordonnances travail de 2017, peuvent déjà porter sur la durée du travail et la rémunération.

"Confinement des esprits"

La ministre du Travail, pour qui la durée légale du travail "n'est pas un problème", rappelait récemment que ce "dispositif s'inscrit dans le paysage" avec 13 accords en avril et 356 depuis le début de l'année.

Dans un entretien au Monde, le président du Medef a d'ailleurs expliqué mercredi qu'il faut voir la situation par secteur.

"Dans certains secteurs, la demande peut être soutenue, mais les contraintes sanitaires font que la productivité baisse: ce sont dans ces secteurs-là que la question du 'travailler plus' peut se poser, mais elle ne peut l'être qu'avec les salariés et entreprise par entreprise".

À droite, les propositions se multiplient. Christian Jacob, le président de LR, plaide pour "sortir du carcan des 35 heures", et son parti planche sur un plan de relance, avec notamment les contributions de l'ex-ministre du Budget Éric Woerth.

Mais l'allongement de la durée du travail n'est pas du goût de Laurent Berger, qui parle de "confinement des esprits" et de "vieilles lunes". Pour lui aussi, on "tarde trop" à se préoccuper de l'emploi alors que "le risque de faillites en cascade et son lot de drames sociaux et territoriaux se confirme".

Lire aussi : "On ne va pas pouvoir éviter une explosion des faillites": les banques européennes se préparent au choc

"Si on pense que l'on va s'en sortir positivement en promettant de la sueur et des larmes, on est chez les fous", estime-t-il dans l'hebdomadaire La Vie.

Plutôt que de vouloir allonger la durée du temps de travail, "nous devons apprendre à travailler autrement et à travailler mieux", argumente-t-il, particulièrement inquiet de la situation des jeunes.

Il promeut les propositions du "pacte pour le pouvoir de vivre", aux côtés d'une cinquantaine d'organisations, comme celle de favoriser les emplois dans la rénovation thermique des logements.

Fidèle à sa position sur la semaine de 32 heures, la CGT milite pour travailler moins. "Comment va-t-on faire croire aux gens que si ceux qui ont du travail travaillent plus, ça va libérer de la place pour ceux qui n'en ont pas ?", cingle Philippe Martinez, son numéro un.

Commentaires 23
à écrit le 18/05/2020 à 12:54
Signaler
Donc on donne plusieurs dizaines de milliards aux entreprises ainsi qu'à quelques catégories socio professionnelles et ensuite on demande à l'ensemble des salariés de France de travailler plus "gratuitement" pour payer la facture c'est bien ça ? Mais...

à écrit le 14/05/2020 à 20:33
Signaler
L'institut Montaigne ? On y retrouve les grands patrons du CAC 40. C'est donc peut-être un peu normal qu'il soutienne le MEDEF non ? Dommage que les journalistes ne le signale pas. Ceci dit, écrire contre son patron...

à écrit le 14/05/2020 à 20:21
Signaler
Tout cet argent pour aider le monde de l'entreprise ne tombe pas du ciel... Il faudra bien rembourser un jour. Faire la cygale, c'est agréable mais viendra l'après ! De nouvelles taxes, de nouveaux impôts etc.. Faudra passer à la caisse avec pour co...

à écrit le 14/05/2020 à 19:23
Signaler
Travaillez plus pour répondre a une demande qui n'existe pas, c'est faire tourner de la finance a vide pour créer des intérêts prélevés sur le monde réel!

le 17/05/2020 à 22:45
Signaler
C'est clair et vu mon travail (comme pour tous) je doutes que quelqu'un puisse le faire à ma place sans apprendre à le faire au préalable... Pour résumé je ne suis pas maçon, si on me demande de faire du béton demain sans apprendre car ils ont besoi...

à écrit le 14/05/2020 à 18:49
Signaler
NOMBRE PREVISIBLE DE FAILLITES D’ENTREPRISES EN FRANCE Écrit le 23-04-2020 AVERTISSEMENT Les chiffres donnés par l’INSEE et autres entitées statistiques sont manifestement différents. Mais il faut faire avec, en corrigant leurs chiffres pour arr...

à écrit le 14/05/2020 à 16:50
Signaler
C'est ça le problème : la bataille idéologique. Entre le socialisme et le capitalisme, bien entendu. C'est un faux débat absolu, mais on nous a bien dressé à l'école pour rentrer dedans : je suis de gauche, tu es de droite, etc... Quelle c.....er...

à écrit le 14/05/2020 à 15:31
Signaler
Les libéraux intégristes tentent désespérément de pousser leurs pions en espérant que le choc des 30 000 morts du virus les aidera à aveugler les victimes. J'ai des doutes. Ce que la crise a mis en évidence ce sont les effets pervers d'une gestio...

à écrit le 14/05/2020 à 15:23
Signaler
La corruption est un cancer mortel sous couvert de soit disant batailles idéologiques dévoyées. Tout ce que les gouvernements successifs, à commencer par celui de Mitterrand, ont pu faire pour entraver les entreprises face à la concurrence internati...

le 15/05/2020 à 14:52
Signaler
Ce n'est malheureusement que quand on est chef d'entreprise qu'on mesure pleinement la portée de ce que vous décrivez. La France décline irrémédiablement par ce que ses entreprises ne peuvent être compétitives par construction. Soit on compense les d...

à écrit le 14/05/2020 à 15:03
Signaler
"travailler plus". Dites ça aux centaines de milliers de soignants et travailleurs pauvres qui ont été en première ligne durant le confinement et qui n'ont pas compté leurs heures ni estimé les risques encourus !!! C'est de la pure provocation de la ...

à écrit le 14/05/2020 à 13:56
Signaler
Donc travailler plus pour gagner moins, le grand programme du medef pour résoudre la crise qui se prépare. Quoique pour les fonctionnaires ça été une gràve erreur, travailler moins sans produire plus est stupide, le retour progressif à 40h est néces...

le 14/05/2020 à 18:37
Signaler
"Pour tous les métiers non créateurs de richesse" Mais ça veut dire quoi ça? Si vous n'êtes pas content du service public partez aux USA, quand on vous présentera la facture à la sortie d'un hôpital vous comprendrez qu'il y a bien création de rich...

le 14/05/2020 à 22:33
Signaler
@mr johnmckagan bonsoir, vous voyez une différence entre une infirmière et un technicien, un docteur et un ingénieur moi non. Eux comme nous créent des richesses, celle de soigner et sauver, travaillent dans des conditions très difficiles comme ...

à écrit le 14/05/2020 à 13:19
Signaler
On vient de se rendre compte, après 2 mois de confinement, qu'il y avait des métiers essentiels et sous payés, qu'on pouvait se passer de tout un tas de produits non indispensables et que beaucoup de gens dont le job était proche du bullshit job cher...

à écrit le 14/05/2020 à 12:54
Signaler
"aussi promue par l'Institut Montaigne" Sans oublier l'IFRAP et Agnès Verdier-Molinié ( Directrice de la fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques ,un intitulé soporifique) qui tel un diablotin qui sort de la ...

le 14/05/2020 à 13:40
Signaler
Le fait d'avoir un diplôme en économie (ou en tout autre chose) n'est pas un gage de bon sens. Il existe moult experts médiatiques qui parlent d'économie à longueur de journée et qui n'ont aucun diplôme en économie, voir aucun diplôme du tout (voir l...

le 14/05/2020 à 15:46
Signaler
On peut bien sûr changer les gens et les postes. Chaque année des dizaines de milliers de personnes, souvent diplômées quittent un job bien payé dans l'informatique, la finance, la production industrielle et se reconvertissent pour devenir (auto)e...

le 14/05/2020 à 16:17
Signaler
"Chaque année des dizaines de milliers de personnes, souvent diplômées quittent un job bien payé dans l'informatique, la finance, la production industrielle et se reconvertissent pour devenir (auto)entrepreneur dans l'agriculture, l'artisanat, l'art....

le 15/05/2020 à 15:02
Signaler
Bien sûr qu'on peut changer de poste et heureusement, mais pas dans le cas général, sauf à prendre de très gros risques dans certaines professions ou en dégradant la qualité de service. Le problème de l'emploi ne se joue pas sur quelques dizaines de...

à écrit le 14/05/2020 à 12:42
Signaler
c'est pas une bataille ideologique c'est que les gens etaient deux mois en vacances chez eux, et payes; et comme il va bien falloir rembourser, soit on baisse les vacances a venir, soit on augmente le temps de travail soit on augmente les impots soi...

à écrit le 14/05/2020 à 12:09
Signaler
A priori, il s'agit plus d'une crise de la demande que de l'offre. Travailler plus pour produire plus mais en bout de chaîne, qui pour consommer ?

à écrit le 14/05/2020 à 11:44
Signaler
Un "travailler plus" pourquoi faire? Pour augmenter la demande? C'est l'équivalent d'un hamster tournant dans sa roue pour financier assoiffée de pari!

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.