
Pour sa dernière université d'été du Medef - mouvement des entreprises de France - à Paris Longchamp, qu'il présidait avant de passer la main l'an prochain, Geoffroy Roux de Bézieux s'est montré particulièrement offensif.
Le Medef prône un capitalisme décarboné
Sur la musique du groupe Téléphone « Je rêvais d'un autre monde », le patron des patrons est monté à la tribune pour y tenir un discours dynamique, appelant ses troupes à entrer dans une « croissance sobre ».
Face à l'enjeu climatique, à la pénurie de matériaux, à la hausse des prix, il s'est posé en défenseur du capitalisme. Pour lui, les entrepreneurs ont fait leur part, « en quatre ans, nous avons mis à jour notre logiciel, il n'y a plus d'entrepreneurs climato-sceptiques », a-t-il assuré sous les applaudissements. Selon le président du Medef, signe des temps : ses adhérents citent d'ailleurs désormais comme première préoccupation la transition écologique, devant la fiscalité, thème de prédilection habituel.
Soit une petite révolution. Mais, si les entrepreneurs font leur part, pas question pour autant de changer totalement de modèle, comme le suggèrent des partisans de la décroissance. Geoffroy Roux de Bézieux l'a répété, selon lui « la décarbonation de l'économie passera par le capitalisme ». Et celle-ci nécessitera d'importants fonds. Le patron des patrons a fait le calcul : il faudra 40 milliards d'euros de plus en capital par an pour réduire de moitié des émissions de CO2.
L'Etat, premier super profiteur
Alors qu'Elisabeth Borne était installée au premier rang, Geoffroy Roux de Bézieux s'est d'ailleurs adressé à elle très directement. « L'argent que nous dégageons ne va pas dans les dividendes... madame la première ministre ».
Une façon de répondre aux propos tenus ce week-end par la chef du gouvernement. Dans le journal le Parisien/Aujourd'hui en France, elle ouvrait la voie à une taxation sur les super profits. Elisabeth Borne n'excluait pas de recourir comme en Angleterre ou en Italie à un tel dispositif.
Un brin provocateur, Geoffroy Roux de Bézieux a lancé : « en ce moment, les superprofits sont plutôt du côté de l'Etat que des entreprises. Le plus grand super profiteur, c'est bien l'Etat ». Le chef d'entreprise faisait référence aux recettes fiscales engrangées par Bercy ces derniers mois. Par exemple, le seul mois de juillet, le surplus d'encaissement de l'impôt des sociétés a rapporté, selon Gabriel Attal, le ministre des Comptes publics, 1,7 milliard d'euros. Et Geoffroy Roux de Bézieux d'arguer « c'est contre-productif mais quand les taux d'impôts baissent, les recettes fiscales de l'Etat peuvent augmenter ». Sous-entendu, c'est en réduisant les prélèvements sur les entreprises que l'Etat leur donne des moyens de gagner plus d'activité et de faire plus de marges, et donc de payer plus de cotisations et d'impôts. Ce passage fut un des moments forts du discours de Geoffroy Roux de Bézieux, qui a reçu des applaudissements nourris de l'auditoire.
Elisabeth Borne agacée
En revanche, Elisabeth Borne a peu goûté à cette démonstration. Dans son discours qu'elle a enchaîné après celui du président du Medef, un des rares passages où elle s'est permis de sortir de ses notes, était bien celui sur les super profits. « Non, cher Geoffroy Roux de Bézieux, il n'y a pas de superprofits du côté de l'Etat » a-t-elle lancé, un brin agacée. Pas de doute cependant que la passe d'armes se poursuivra cet automne, lors des consultations avec les partenaires sociaux et lors du débat parlementaire.
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