À quelques jours du coup d'envoi de la COP 28 à Dubaï, les Etats s'apprêtent à afficher leurs ambitions en matière de réduction des émissions de CO2. La France s'est engagée dans sa stratégie nationale bas carbone (SNBC) à réduire ses émissions de 55% d'ici 2030 conformément au plan européen Fit for 55 et atteindre la neutralité carbone en 2050.
Pour parvenir à cet objectif, l'Hexagone va devoir enclencher la vitesse supérieure sur la fiscalité carbone et la décarbonation des grands sites industriels. Cette transition va avoir mécaniquement des effets sur l'emploi. Rien que dans l'industrie automobile, plusieurs fonderies de renom spécialisées dans la fabrication de pièces pour les moteurs thermiques ont mis la clé sous la porte les unes après les autres. Et la litanie des fermetures n'est pas prête de s'arrêter au regard de l'accélération du réchauffement climatique.
La transition énergétique va-t-elle pour autant provoquer de vastes destructions d'emplois dans les secteurs polluants ? La décarbonation de l'économie tricolore va-t-elle favoriser la création massive d'emplois partout sur le territoire ? Dans une note dévoilée ce mercredi 15 novembre, le Conseil d'analyse économique a tenté d'évaluer les répercussions de cette transition sur le marché du travail français.
« L'impact de la transition énergétique sur l'emploi total est modeste. C'est plus une question de réallocations d'emplois que de destructions. Cela concerne aussi bien la réallocation entre secteurs qu'à l'intérieur des secteurs. Dans la plupart des scénarios, l'impact est positif quand il y a une redistribution des produits de la taxe carbone », a confié à La Tribune, Aurélien Saussay, co-auteur de la note et économiste à la London School of Economics (LSE).
La hausse de la fiscalité carbone, un impact limité sur l'emploi
Pour parvenir à cet objectif de neutralité carbone, les économistes du Conseil d'analyse économique rattaché à Matignon ont modélisé l'impact d'une hausse de la taxe carbone à 100 euros la tonne de CO2 (elle est actuellement à 80 euros) en fonction des secteurs. Résultat, les conséquences seront « limitées » en France.
D'après les calculs des économistes, seuls 4% des emplois seraient concernés au final par cette montée en puissance de la taxe carbone. Les économistes estiment que les entreprises vont adapter leur mix énergétique et font le pari que cette tarification carbone sera « probablement adoptée au niveau européen, en parallèle du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières ».
Compte tenu de cet impact limité, le conseil d'analyse économique invite donc les pouvoirs publics à « ne pas se détourner d'une trajectoire européenne crédible d'augmentation du prix du carbone, instrument essentiel pour la décarbonation ». Dans les récents débats, plusieurs commentateurs se sont élevées pour alerter sur le risque d'une transition brutale sur l'emploi.
« Le discours qui consiste à dire que la transition énergétique va entraîner beaucoup de destructions d'emplois est faux. Cet argument ne peut justifier un ralentissement de la transition. A l'inverse, la transition ne va pas non plus entraîner la création nette de millions d'emplois », observe Aurélien Saussay.
Dans la note, les économistes n'éludent pas le risque des pertes d'emplois. Face au risque de hausse du chômage, ils préconisent « d'accompagner les entreprises et les territoires les plus affectés en s'assurant que les difficultés d'accès au crédit n'empêchent pas les entreprises efficaces de réaliser les investissements nécessaires à leur transition vers un mode de production moins carboné ».
Transition énergétique, un gisement modeste « d'emplois verts »
A l'opposé, les économistes ont également planché sur les effets de la transition sur les créations d'emplois. Et là encore, ils invitent à relativiser les espoirs d'un gisement massif de métiers verts. « Les emplois verts sont bien amenés à se développer mais ils ne représenteront qu'une part modeste de l'emploi total », soulignent les auteurs. Actuellement, ces emplois représentent entre 0,5% et 1% de l'emploi total.
Face à l'urgence de la transition, le conseil d'analyse économique préconise de renforcer l'attractivité de ces métiers. « Les secteurs nécessaires à la transition ont déjà des problèmes d'attractivité à la base. Pour atteindre les objectifs de réduction de CO2, les entreprises ne vont pouvoir recruter que si les métiers sont attractifs. Et ce n'est pas seulement une question de salaire. Ces emplois sont souvent également difficiles sur le plan physique, » souligne l'économiste interrogé par La Tribune. Un vrai casse-tête pour les entreprises en manque de bras impliquées dans la transition.