C'est presque un retournement de situation. Alors que plusieurs ministres s'étaient exprimés par voie de presse ce week-end et lundi pour préparer l'opinion publique à un troisième confinement, le gouvernement laisse apparaître ses divergences de points de vue. "Il n'y a pas de raison" de reconfiner la France, a déclaré mardi la ministre déléguée à l'Industrie Agnès Pannier-Runacher. Même son de cloche du ministre de l'Economie Bruno Le Maire jugeant, lui, qu'il fallait éviter la "précipitation" et attendre "calmement" le résultat du couvre-feu généralisé.
"A ma connaissance, sur la base des données dont nous disposons, à ce stade, il n'y a pas de raison de décider un confinement", a-t-elle déclaré, assurant que les Français ne voulaient "ni excès de zèle ni laxisme".
"J'entends certains qui nous disent "allez, maintenant il faut immédiatement reconfiner", a également déclaré Bruno Le Maire sur Radio Classique mardi. Mais regardons d'abord, sereinement, calmement, est-ce que le couvre-feu à 18h a donné les résultats que nous espérions".
Pour Agnès Pannier-Runacher, le gouvernement pourra mesurer l'efficacité de ce couvre-feu à 18h00 "à la fin de cette semaine".
L'hypothèse d'un confinement plus souple pour les jeunes
Le gouvernement rétrograde-t-il ? Deux jours plus tôt, plusieurs sources haut placées au sein de l'exécutif assuraient au JDD que la décision d'un troisième reconfinement était "sur le point d'être prise". Le Journal du Dimanche affirmait en effet que l'annonce de revenir au dispositif en vigueur en printemps puis à l'automne est une "question de jours".
Alors qu'une prise de parole du gouvernement était pronostiquée pour ce mercredi 27 janvier, aucune intervention du président cette semaine n'a été confirmée.
Selon une source proche de l'exécutif le chef de l'Etat réfléchit à un dispositif encore différent des deux premiers confinements, plus souple surtout pour la jeunesse.
Selon la même source, Emmanuel Macron, désireux d'éviter au maximum un nouveau confinement, pourrait se donner plusieurs jours supplémentaires avant de trancher, le temps de mesurer pleinement l'effet du couvre-feu.
Un conseil de défense sanitaire est prévu mercredi autour du chef de l'Etat, dix jours après l'instauration d'un couvre-feu généralisé à 18 heures, dont les effets sont encore difficiles à évaluer.
Dans ce contexte d'incertitude et face à cette cacophonie, difficile de s'y retrouver. Le porte-parole Gabriel Attal a assuré dimanche qu'aucune décision n'avait été prise. "Par principe, tous les scenarii sont sur la table", a déclaré le porte-parole du gouvernement.
"Des décisions seront prises cette semaine (...), il ne s'agit pas de baisser la garde", a assuré lundi le Premier ministre Jean Castex.
Dans l'entourage d'Emmanuel Macron on insiste sur le fait que "rien n'est encore acté" et qu'il s'agit de "trouver le juste équilibre".
Les variants "changent complètement la donne"
De son côté, malgré les conséquences économiques des restrictions sanitaires, le président du Conseil scientifique qui guide les choix du gouvernement, Jean-François Delfraissy, appelle à ne pas tergiverser face à la menace des variants du virus, qui "changent complètement la donne", et alors que la vaccination est encore limitée, en dépit du cap d'un million d'injections atteint ce week-end.
Sur ce front, l'Institut Pasteur a annoncé lundi qu'il abandonnait le développement de son principal projet de vaccin contre le Covid-19, ce qui ne change pas les plans de la France pour le premier semestre, car le pays compte sur cinq autres groupes pharmaceutiques pour la livraison de 77 millions de doses à l'horizon du mois de juin.
Reste à savoir en revanche quelles conséquences auront les baisses de volume du vaccin AstraZeneca/Oxford, annoncées vendredi par le groupe britannique avant même le feu vert de l'Agence européenne des médicaments (EMA), prévu fin janvier. La France attend cinq millions de doses de ce vaccin en février.
"Il faudra probablement aller vers un confinement", avait estimé dimanche Jean-François Delfraissy sur BFMTV, qualifiant cette mesure d'"outil très barbare" mais efficace pour freiner l'épidémie.
"On demande de trouver le bon équilibre, qu'on laisse tous les commerces ouverts, qu'on ne retombe pas dans ce débat un peu absurde sur essentiel, pas essentiel, qu'on a eu en novembre", a déclaré de son côté sur RMC le président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux.
"On est dans une situation apparemment relativement stable", mais "si nous continuons sans rien faire de plus, nous allons nous retrouver dans une situation extrêmement difficile, comme les autres pays (européens), dès la mi-mars", a averti Jean-François Delfraissy.
Il a prévenu que le variant VOC 202012/01, qui a provoqué une flambée épidémique au Royaume-Uni, où plus de 1.000 malades du Covid-19 sont morts chaque jour la semaine dernière, était présent "plutôt à des niveaux de 7, 8 ou 9% dans certaines régions françaises", alors qu'une première enquête l'a mesuré à 1,4% au niveau national les 7 et 8 janvier.
Santé publique France doit lancer une nouvelle étude cette semaine, pour évaluer la circulation des variants anglais et sud-africain, plus contagieux.
Plus de 3.000 malades en réanimation
L'agence sanitaire a noté une relative stabilité de la circulation du virus avec 128.551 cas positifs la semaine du 11 janvier, mais la tendance semble être repartie à la hausse, avec 30.576 personnes testées positives le 18 janvier (27.638 le lundi précédent).
Alors qu'il se situait à 8-9.000 en décembre, le nombre de nouvelles hospitalisations sur sept jours a franchi le cap des 11.000 dimanche (à 11.155).
Au total, 26.888 malades du Covid-19 étaient hospitalisés lundi dans le pays (2.000 de plus qu'au début du mois), dont 3.031 en réanimation, un chiffre en constante augmentation. La semaine dernière, plus de 2.766 personnes touchées par le Covid-19 sont décédées, pour un total de 73.494 morts à l'hôpital ou en Ehpad depuis le début de l'épidémie.
Malgré ces chiffres, le président du Sénat, Gérard Larcher, estime dans le Figaro que "tout doit être tenté avec des mesures intermédiaires" pour éviter "un reconfinement total (qui) aurait des conséquences humaines très fortes, notamment chez les jeunes".
Privés d'amphithéâtres depuis plus de deux mois, les étudiants de première année sont théoriquement autorisés à reprendre les cours à l'université lundi, mais seulement les travaux dirigés par demi-groupes. Et les facultés préparent le retour de tous les niveaux, un jour par semaine.
(Avec agences)