Villeroy de Galhau invite la France à « stabiliser enfin en volume les dépenses publiques »

Alors que la croissance cumulée du PIB par habitant en zone euro a été de 25% depuis 1999, contre 38% aux Etats-Unis, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, invite la France et l'Europe, « à renouer avec l'ambition de plus long terme », maintenant que les crises récentes sont pratiquement passées. Pour lui, « il faut sortir de l'illusion récurrente que c'est la croissance qui va régler le problème de déficits publics.»
Pour le gouverneur de la banque de France, la France « n'a pas les moyens de faire de nouvelles baisses d'impôt non financées ».
Pour le gouverneur de la banque de France, la France « n'a pas les moyens de faire de nouvelles baisses d'impôt non financées ». (Crédits : BENOIT TESSIER)

9L'inflation n'est plus la préoccupation principale du gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau. La lettre que le responsable de l'institution adresse chaque année au président de la République et aux présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale, publiée dimanche soir, s'intitule  « La France et l'Europe : de la gestion des crises à une ambition de plus long terme ». Elle coïncide avec les 25 ans de l'Union monétaire et les élections européennes de juin.

Alors que la croissance cumulée du PIB par habitant en zone euro a été de 25% depuis 1999, contre 38% aux Etats-Unis, le gouverneur estime qu'il faut désormais, pour combler ce retard, « réussir les transformations d'avenir », en matière d'emploi et de transition numérique et climatique. Pour cela, il faut maîtriser les déficits et la dette publique, ce qui « s'impose d'abord pour la France », souligne-t-il, celle-ci faisant partie des mauvais élèves de l'UE avec un déficit creusé à 5,5% du PIB l'an dernier.

Mais c'est « toute l'Europe » qui doit « recréer des marges pour financer les dépenses supplémentaires » liées aux transformations, ou à la défense, selon le gouverneur. « A cette condition, la création d'une capacité budgétaire  commune serait un atout supplémentaire des Européens », avance-t-il.

« Rendre le marché unique aussi attractif que le marché américain »

Pour le gouverneur, il faut également « approfondir le marché unique pour viser de le rendre aussi attractif que le marché américain ». Les prévisions du Fonds monétaire international (FMI) pour l'année 2024 montrent l'écart entre les deux rives de l'Atlantique, avec une croissance anticipée à 2,7% aux Etats-Unis contre seulement 0,8% pour la zone euro, après respectivement 2,5% et 0,4% en 2023.

Lire aussiLe déficit public s'élève à 5,5 % du PIB, Bruno Le Maire maintient son objectif de repasser sous 3% de PIB en 2027

Il salue à cet égard le rapport remis la semaine dernière au sommet européen par l'ancien Premier ministre italien Enrico Letta, qui pourrait faire « gagner plusieurs points de croissance » à l'Europe, notamment par sa recommandation de mobiliser les 300 milliards annuels d'excédents de l'épargne privée européenne pour financer des investissements verts et numériques. « La France et l'Europe doutent aujourd'hui de leur avenir économique », mais « l'autoflagellation et le chacun pour soi ne sont en rien vecteurs de dynamisme économique », prévient  François Villeroy de Galhau.

« Un atterrissage en douceur » de l'économie grâce aux banques centrales

D'autant que « l'action crédible » des banques centrales pendant la crise inflationniste a favorisé « un atterrissage en douceur » de l'économie, bientôt conforté, souligne-t-il depuis plusieurs semaines, par une première baisse de taux de la BCE en juin. Sauf nouveaux chocs géopolitiques, « 2025 devrait voir le retour de l'inflation à 2% et marquer la reprise de la croissance, en France comme en Europe », estime-t-il.

Par ailleurs, dans une interview aux Echos publiée dimanche soir, le gouverneur remarque que « le problème spécifique de la France, c'est que le même modèle social - auquel je crois - nous coûte nettement plus cher qu'aux autres pays européens ». « L'objectif, selon lui, devrait être de stabiliser enfin en volume les dépenses publiques », un effort qui pourrait être favorisé par « l'assouplissement monétaire » qui s'annonce. Pour lui en effet, « il faut sortir de l'illusion récurrente que c'est la croissance qui va régler le problème de déficits publics.»

Il attend de voir « la composition » des plans d'économies annoncés par le gouvernement pour 2024 et 2025. « De bons choix qualitatifs peuvent limiter l'effet restrictif sur l'activité », estime-t-il. Alors que le gouvernement refuse des hausses d'impôts générales pour combler le déficit, le gouverneur estime qu'en effet, « la fiscalité n'est pas un élément central de la solution, mais (qu') il ne faut pas exclure à titre complémentaire des mesures fiscales ciblées ».

Le FMI plaide pour un marché unique plus efficace

La France « n'a pas les moyens de faire de nouvelles baisses d'impôt non financées », déclare-t-il, jugeant « envisageable d'élargir l'assiette de certains impôts sur les ménages et les entreprises, et de revoir sans tabou certaines 'niches' ».

Le ton est le même du côté du FMI. Dans un entretien accordé vendredi à l'AFP,  Alfred Kammer, directeur de la région Europe de l'institution, avance  même que si l'UE était en capacité de réduire de 10 points de pourcentage les barrières toujours existantes au sein du marché unique, cela améliorerait son PIB de 7%. « L'énorme avantage dont disposent les Etats-Unis » comparé à l'UE, « c'est qu'il s'agit d'un marché unique à grande échelle », rappelle le directeur, au dernier jour des réunions de printemps du FMI et de la Banque mondiale, qui se sont tenues toute la semaine.

Pour l'Europe, rattraper une partie de son retard ne demande pas d'énormes évolutions, selon lui : « Améliorer les investissements aux frontières, avancer sur l'union bancaire, l'union financière, faire en sorte que les retraites soient portables (d'un Etat membre à l'autre), faciliter les mouvements des travailleurs, permettre la reconnaissance des diplômes » entre Etats membres.

Mais les pays européens doivent également mener des réformes structurelles, en réaccordant de la place à l'éducation et la formation, tant initiale que tout au long de la carrière, dit-il. « Afin de renforcer les compétences, en particulier avec l'arrivée de l'IA, nous aurons besoin de flexibilité et d'adaptabilité dans l'approche au travail. »

Reste que l'un des principaux défis pour les pays européens, en terme de productivité, est le vieillissement de la population, déjà marquée dans l'est du continent où les populations baissent. « Le vieillissement de la population ne vient pas seulement réduire votre main d'œuvre, cela vient aussi réduire votre productivité », souligne Alfred Kammer.

S'il reconnaît que le contexte politique n'est pas favorable à un renforcement de l'intégration au sein de l'UE, il dénonce néanmoins la responsabilité des Etats en la matière qui « font systématiquement de Bruxelles le bouc émissaire de ce qui ne va pas dans leur pays. Il est temps de changer de discours ». « La réalité est que les pays ont beaucoup gagné à être dans l'UE et son marché unique, en particulier les pays contributeurs nets » au budget européen, rappelle le responsable du FMI.

Les nouvelles règles budgétaires de l'Union européenne, soumises au vote des eurodéputés mardi

Les nouvelles règles budgétaires de l'Union européenne, soumises au vote des eurodéputés mardi, prévoient des trajectoires adaptées à chaque Etat membre afin de redresser leurs comptes publics tout en accordant un peu plus de souplesse pour investir. Ces règles, rassemblées dans le Pacte de stabilité et de croissance, ont été suspendues entre 2020 et 2023 afin d'éviter un effondrement de l'économie européenne après la pandémie de Covid-19 puis la guerre en Ukraine. Face à une récession historique, il fallait laisser filer les déficits.

La réforme permet des trajectoires budgétaires plus adaptées à la situation de chaque pays. Concrètement, les États membres présenteront un plan sur quatre ans qui devra assurer la « soutenabilité » de leur dette et ramener leur déficit sous 3% du PIB, conformément à une trajectoire de référence calculée par la Commission. Les efforts de réformes et d'investissements des Etats membres seront récompensés par la possibilité d'allonger la période d'ajustement budgétaire à sept ans, au lieu de quatre, pour qu'elle soit moins brutale.

(Avec AFP)

Commentaires 28
à écrit le 23/04/2024 à 15:56
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Dans son 2e et dernier mandat, il commence enfin , mais timidement, à se lâcher le gouverneur. Allez, encore un petit effort Monsieur le Gouverneur, proposez haut et fort la sortie de l'Euro et le rétablissement du Franc français. Nous pourrons alors...

à écrit le 23/04/2024 à 8:48
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"invite la France" Le gars qui se prend déjà pour le directeur de la BCE ou du FMI ! LOOOL ! ^^

à écrit le 23/04/2024 à 8:18
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Tant que nous sommes incapables de faire le bon constat: les prestations sociales et la redistribution sont à des niveaux insoutenables en France, et il va falloir les réduire, nous continuerons sur l’autoroute du déclassement en France.

à écrit le 22/04/2024 à 14:20
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Selon l'édition 2023 des « Statistiques des recettes publiques » que vient depublier l'OCDE, la France est redevenue en 2022 championne du monde des impôts, avec un taux de prélèvements obligatoires représentant 46,1 % du PIB, contre 45,2 % en 2021....

le 23/04/2024 à 14:13
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Ce qui coûte le plus cher en France, ce n'est pas le mille-feuilles, mais la prise en charge de nos 18 millions de retraités et les subventions à des canards boiteux du privé et je ne compte que les subventions officielles car le mille-feuille sert ...

à écrit le 22/04/2024 à 12:11
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Quand il dit que « il faut sortir de l'illusion récurrente que c'est la croissance qui va régler le problème de déficits publics» il a raison, parce que après 44 ans de déficits et médiocre croissance on devrait avoir compris que la nature de notre ...

le 22/04/2024 à 14:14
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A ceci près que l'austérité en Grèce a fait baisser le PIB de 35/40%, il n'a guère remonté depuis et le chômage n'a baissé qu'en raison d'un exode massif des jeunes, accélérant le vieillissement de la population active et limitant donc la capacité à ...

le 22/04/2024 à 14:28
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Nous n'avons pas besoin de coupes aussi grandes qu'en Grèce. Pour nous 5% du pib c'est suffisant.

le 22/04/2024 à 18:42
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@AdieuBCE : les premières coupes en Grèce étaient modestes, mais elles avaient suffi pour déclencher une réaction en chaîne. C'est pour ça que nos gouvernants n'osent pas baisser les dépenses, d'autant plus qu'on a en France un précédent historique o...

à écrit le 22/04/2024 à 11:35
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[ Villeroy de Galhau invite la France à "stabiliser enfin en volume les dépenses publiques" ] Et en retour la France devrait surtout l'inviter à prendre un départ immédiat à la retraite à l'âge de 65 ans au regard de sa rémunération abracadabra...

à écrit le 22/04/2024 à 11:11
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Concernant la France, le PIB par habitant est plus de 15 % en dessous de celui de l’Allemagne et juste dans la moyenne Européenne. C’est le résultat de la désindustrialisation du Pays et du manque de compétitivité de ce qui reste d’industries, par ex...

le 22/04/2024 à 12:46
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Oui, c'est la tendance depuis 43 ans.

le 22/04/2024 à 14:10
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@AdieuBCE : le choix de la désindustrialisation a été arrêté au milieu des années 70, pendant la présidence de VGE, la présidence de Mitterrand s'inscrivant dans le prolongement et l'accompagnement car les choix au temps de VGE faisaient rapidement a...

le 22/04/2024 à 14:33
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Quand on met la retraite à 60 ans on ruine un pays et son industrie et on rend les plus de 50 ans pratiquement inemployables. Et c'est seulement une des mesures adoptés par la coalition démago-populiste de tonton. C'est bien plus que une simple conti...

le 23/04/2024 à 11:17
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@AdieuBCE : oh, dans certaines branches, c'est dès 35 ans qu'on est jugé inemployable... C'est d'ailleurs pour ça qu'il faut créer des emplois dans le public car le marché est déjà saturé d'indépendants et 40 ans, c'est un peu jeune pour partir en re...

à écrit le 22/04/2024 à 10:45
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⚠️ 💣Ce sont les dépenses de type communiste de l'État qui nous ruinent ‼️ Les haut-fonctionnaires créent toujours plus de dépenses artificielles pour arroser leurs copains gauchistes (strates administratives, services publiques inutiles, élus, associ...

à écrit le 22/04/2024 à 9:36
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Monsieur de Galhau à raison, il faudrait une task-force pour réduire le train de vie de l’État et certaines dépenses des services publics : doublons administratifs, subventions (La Lanterne cette garçonnière de la république), tous ces immeubles moul...

le 22/04/2024 à 12:37
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@Albert. Je vous rejoins totalement

le 22/04/2024 à 12:50
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Totalement d'accord. En plus pour donner l'exemple et rendre plus acceptable ces décisions, un nouveau président devrait baisser sa remuneration de 30% et celle des membres du gouvernement de 20% et des parlementaires de 10%. Et il devrait donner l'...

à écrit le 22/04/2024 à 9:12
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Un Inspecteur des Finances, comme son nom l'indique, inspecte et, donc, constate. Il est clair, comme l'Histoire nous le montre, que des Enarques, formés à l'administration et, donc, à l'application de règlements et, hélas, à l'art de défendre TOUT e...

le 22/04/2024 à 9:46
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En fait, c'est à Sciences Po qu'on apprend à dire tout et son contraire et un des gros problème de l'ENA n'est pas tant le contenu que la surreprésentation de diplômés de Sciences Po Paris dans le cortège des reçus, d'où la connivence entre politique...

le 22/04/2024 à 11:24
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Vous faites une fixette sur les hauts fonctionnaires en ignorant ou oubliant qu'ils occupent de plus en pus l'espace que les politiques leur laissent par paresse ou opportunisme suivant l'adage que la nature a horreur du vide !! Exemple : un problème...

à écrit le 22/04/2024 à 9:10
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Point de vue du nouveau candidat à la tête de la banque centrale helvétique (BNS) [https://michelsanti.fr/capitalisme/orthodoxie-economique] sur les ravages du dogmatisme économique ("Le déclin de l'empire européen").

à écrit le 22/04/2024 à 8:45
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Dans un pays où la culture de la fraude par les cols blancs eSt vue comme une Stimulation et compétition intellectuelle et un statut social fait oas s étonner … que les grosses boites et les. Millionnaires payent ce qu ils doivent ça fera baisser le...

le 22/04/2024 à 11:34
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Faites comme moi et tant d'autres. Tirez vous tant qu'il est temps. Le monde est vaste et les opportunites ne manquent pas. Certes, il faut du courage et bcp de volonte. Vivre debout ou a genoux ? Demandez a lemaire, lui sait....

à écrit le 22/04/2024 à 8:45
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Il faudrait déjà stopper net toutes les mesures natalistes, allocations familiales, aides au logement, habitations a loyer modéré trop grandes

à écrit le 22/04/2024 à 8:40
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50 ans qu on entend le même discours .. des élites politiques au logiciel inadaptés sur le sujet européen, sur le sujet des 55 conflits mondiaux actuels soit 3 fois plus que dans les années 50… clientélismes des droites comme de gauche jamais provis...

à écrit le 22/04/2024 à 8:19
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Ben ouais mais il fait quoi le Villeroy !? Nous on n'y peut strictement rien ! Nos dirigeants sont nuls. "« Rendre le marché unique aussi attractif que le marché américain »" Encore des déclarations ridicules, des mythomanes en plus.

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