À Jackson Hole, les banques centrales coincées entre l'inflation galopante et l'économie asphyxiée

Durcir la politique monétaire contre l'inflation, mais pas trop pour éviter de mettre l'économie à terre: ce défi, auquel font face les banquiers centraux, devrait être au centre des débats de leur grand raout, jeudi et vendredi dans l'ouest américain, à Jackson Hole.
(Crédits : Reuters)

Comment éviter un atterrissage brutal de l'économie ? Entre l'inflation galopante et le spectre de la récession, les banques centrales sont sur une ligne de crête. Après deux longues années de pandémie et six mois après le début de la guerre en Ukraine, les banquiers centraux doivent se réunir jeudi et vendredi dans l'ouest américain, à Jackson Hole. Les majestueuses montagnes du Grand Teton (Wyoming) accueillent tous les ans cette réunion, sous la houlette de la Banque centrale américaine (Fed), depuis l'ère de son ancien président, Paul Volcker.

Le moment le plus attendu de ce "symposium" sera le discours du président de la Banque centrale américaine (Fed), Jerome Powell, vendredi à 14H00 GMT. La présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, ne fera en revanche pas le voyage aux Etats-Unis. Mais Isabel Schnabel, membre allemande du directoire de la BCE, s'y rendra, et participera à un panel le samedi.

Andrew Bailey, le gouverneur de la Banque d'Angleterre (BoE), a lui confirmé qu'il serait présent à Jackson Hole, mais uniquement pour observer les discussions, sans y participer. "Il y a juste un an, lors du précédent symposium de Jackson Hole, Jerome Powell s'était montré trop complaisant quant à la gravité du risque inflationniste. Avec le recul, c'était une erreur. Pour tenter de limiter les dommages pour sa crédibilité anti-inflationniste, la Fed a depuis lors opéré un virage abrupt de sa politique monétaire mais l'erreur ne sera pleinement effacée que lorsque l'inflation sera revenue près de 2%", a estimé l'économiste en chef d'Oddo, Bruno Cavalier dans une récente note. La perspective d'une politique plus stricte de la Banque centrale américaine a fait remonter les taux, grimper le dollar et baisser les actions en fin de semaine dernière, les places boursières occidentales brisant une série de hausses hebdomadaires.

 "Transition"

Cette réunion se déroule au moment où les Banques centrales, un peu partout dans le monde, resserrent leurs politiques monétaires pour lutter contre l'inflation. Au risque cependant de plomber la reprise. La puissante Réserve fédérale américaine a déjà relevé ses taux à quatre reprises depuis mars. D'abord de l'habituel quart de point de pourcentage, avant d'accélérer le rythme.

Et l'inflation a entamé en juillet un ralentissement bienvenu, à 8,5% sur un an, après avoir battu en juin un record de hausse des prix depuis plus de 40 ans, à +9,1%.

Les regards sont désormais tournés vers la prochaine réunion monétaire, les 20 et 21 septembre, pour laquelle une nouvelle forte hausse est sur la table, un demi ou même trois quarts de point de pourcentage.

"Il est peu probable que la conférence de Jackson Hole (...) apporte de vraies nouvelles sur les plans de la Fed pour les futures hausses de taux", selon Carola Binder. Les taux se situent entre 2,25 et 2,50%, frôlant le niveau dit "neutre", qui ne stimule ni ne ralentit l'économie, évalué entre 2,00% et 3,00%.

Jerome Powell, lors de son discours, "voudra mettre l'accent sur la transition probable qui va se produire avec la politique monétaire à l'avenir. Une chose qu'ils veulent absolument communiquer, c'est qu'ils restent très concentrés sur les problèmes de stabilité des prix", note Jonathan Millar, économiste pour Barclays.

Crédibilité

"Jackson Hole pourrait être très important pour nous éclairer" sur l'hypothèse de conserver des taux élevés, malgré un ralentissement économique, anticipe également Mazen Issa, spécialiste du marché des changes pour TD Securities.

Le PIB américain s'est, d'ores et déjà, contracté lors des deux premiers trimestres, ce qui correspond à la définition classique de la récession. Mais selon les économistes, ce n'est pourtant pas le cas aujourd'hui aux Etats-Unis, en raison notamment de la solidité du marché de l'emploi, qui a retrouvé en juillet son niveau d'avant la pandémie, avec un taux de chômage à 3,5% et tous les emplois détruits désormais recréés.

Il y a encore un an, lors de ce "symposium", Jerome Powell évoquait des "facteurs transitoires" et mettait en garde contre les risques d'un resserrement prématuré. Mais depuis, l'inflation s'est avérée plus coriace que prévu, battant en brèche les prévisions des banquiers centraux. Dans la zone euro, la hausse des prix a battu un nouveau record, à 8,9%, et l'Angleterre connaît même une inflation à deux chiffres (10,1%).

Lire aussiL'inflation au Royaume-Uni à son plus haut depuis 1982

Commentaires 4
à écrit le 22/08/2022 à 11:23
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Jackson hole est en limite du parc Yellowstone et Grand téton (evidemment, nom donné par des trappeurs d'origine française...) dans le Wyoming. C'est un très gros courchevel a la sauce US avec un style montagnard revisité.. mais le principal intérê...

à écrit le 22/08/2022 à 8:00
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La Fed a été bien manipulé par le gouvernement américain pendant deux ans, maintenant, elle revient à son état normal, et l'économie aussi

à écrit le 22/08/2022 à 1:17
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L’inflation a pour buts de réduire l’endettement, redonner de la compétitivité aux entreprises en baissant de facto salaires et prestations sociales. Et cela se fait sans modifier un seul contrat. C’est une excellente nouvelle qui montre l’une forme ...

le 22/08/2022 à 18:27
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En fait, l'inflation peut donner des marges salariales aux entreprises en difficulté qui ne veulent pas licencier : cela induit une baisse généralisée des salaires, sans négociations... Le problème, c'est que cela baisse aussi le salaire des direc...

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