
Nouvel ultimatum de la Russie. Le pays menace de nouveau de suspendre l'accord sur les exportations de céréales ukrainiennes si les ventes de produits agricoles russes restent entravées. Pour rappel, « l'Initiative céréalière de la mer noire », signée en juillet 2022 avec l'Ukraine et la Turquie, avec l'aide de l'ONU, permet l'exportation de tonnes de maïs, de blé et autres céréales depuis les ports ukrainiens.
Cet accord a été prolongé de 120 jours en novembre puis de seulement 60 en mars. La Russie n'a pas accepté plus, mécontente de l'application d'un deuxième accord devant faciliter ses propres exportations d'engrais. Théoriquement, ces exportations, indispensables pour l'agriculture mondiale, ne tombent pas sous le coup des sanctions imposées par les pays occidentaux depuis le début de la guerre, mais sont de facto bloquées par les banques.
En contrepartie de ces entraves, Moscou exige la reconnexion au système bancaire international SWIFT de la banque russe spécialisée dans l'agriculture Rosselkhozbank, la reprise des livraisons en Russie d'engins et pièces détachées agricoles, l'annulation des entraves pour assurer des navires et accéder aux ports étrangers. Elle a également demandé le dégel des actifs de sociétés russes liées au secteur agricole situés à l'étranger et la reprise du fonctionnement du pipeline Togliatti-Odessa, qui relie la Russie à l'Ukraine et permet la livraison d'ammoniac, un composant chimique très utilisé en agriculture.
« Sans progrès pour régler ces cinq problèmes systémiques (...) il ne peut être question d'évoquer un prolongement de "l'Initiative de la mer Noire" au-delà du 18 mai », a indiqué la diplomatie russe dans un communiqué.
Moscou maintient la pression
Ces menaces ont déjà été prononcées à plusieurs reprises par la Russie. Encore récemment, la semaine dernière, par le chef de la diplomatie russe. « S'il n'y a aucun progrès dans la levée des obstacles aux exportations d'engrais et de céréales russes, alors nous nous demanderons si cet accord est nécessaire », a prévenu Sergueï Lavrov lors d'une visite à Ankara, à l'issue d'un entretien avec son homologue turc Mevlüt Cavusoglu, dont le pays s'est beaucoup investi dans la conclusion de cet accord.
Selon le ministre turc, « les États-Unis et le Royaume-Uni ont pris des mesures en termes de paiement et d'assurance, mais des problèmes persistent. Certaines banques n'ont pas fait le nécessaire ». Et d'appuyer : « Des mesures ont été prises pour réexpédier de l'ammoniac et des engrais russes des pays occidentaux vers les pays africains, mais le problème n'est pas résolu ».
L'ONU a affirmé qu'elle ferait tout son possible pour sauver le mécanisme sur les céréales. Depuis l'été 2022, il a permis d'exporter plus de 27 millions de tonnes de produits agricoles et aussi d'apaiser la flambée des prix induite par la guerre.
L'Afrique bénéficiaire en cas de non-accord
Le chef de la diplomatie russe a par ailleurs dénoncé la semaine dernière l'inégalité des exportations ukrainiennes entre pays riches et pauvres. Selon le Centre de coordination conjointe chargé de superviser l'accord international, 56% des exportations étaient destinées aux pays en développement, et 5,7% ont concerné les pays les moins avancés, qui totalisent plus de 12% de la population mondiale.
La Russie a d'ailleurs promis en mars qu'elle livrerait l'Afrique en céréales si l'accord de la Mer Noire n'était pas reconduit. « Si nous décidons en fin de compte de ne pas prolonger cet accord dans 60 jours, alors nous sommes prêts à livrer depuis la Russie gratuitement tout le volume qui était destiné ces derniers temps aux pays les plus nécessiteux d'Afrique », avait déclaré Vladimir Poutine lors d'un discours à Moscou devant des responsables africains.
Le président russe avait alors une nouvelle fois réitéré ses critiques envers les Européens, les accusant de s'accaparer les céréales qui quittent les ports ukrainiens.
(Avec AFP)
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