Alexeï Navalny, principale voix de l'opposition, nouvelle victime du régime russe

La mort de l'opposant emblème de la liberté d'expression emporte l’espoir d’un changement en Russie.
Hommages à Alexeï Navalny.
Hommages à Alexeï Navalny. (Crédits : © Artem Priakhin/SOPA via Reuters)

Fleurs, bougies, photos d'Alexeï Navalny... Depuis la nouvelle de son décès vendredi 16 février, des mémoriaux spontanés ont été érigés dans des dizaines de villes en Russie à des endroits symboliques, notamment autour des monuments dédiés aux victimes de la répression politique.

Malgré leurs destructions régulières par des agents des services publics ou des inconnus en civil, les citoyens continuaient de venir rendre hommage samedi à l'opposant politique âgé de 47 ans. « Alexeï a donné sa vie pour nous. Et nous ? C'est le moins que nous puissions faire », a témoigné un habitant de la région d'Irkoustk, en Sibérie, cité par un média russe indépendant. Vendredi, les autorités de la capitale ont mis en garde contre tout rassemblement « non autorisé » et une centaine de personnes ont été arrêtées dans la nuit de vendredi à samedi.

Un colonie pénitentiaire parmi les plus dures

Emprisonné depuis janvier 2021, condamné à 19 ans de prison, le militant anti-corruption avait été transféré en décembre 2023 dans une des colonies pénitentiaires les plus dures du pays, érigée sur un ancien goulag dans le district autonome de Iamalo-Nénétsie, aux confins de l'Arctique. Son décès a été annoncé par un communiqué de quelques lignes. « Le 16 février 2024, dans le centre pénitentiaire numéro 3, le prisonnier Navalny A. s'est senti mal après une promenade et a presque immédiatement perdu connaissance », écrit l'administration pénitentiaire précisant que les médecins urgentistes dépêchés sur place n'avaient pas réussi à le réanimer. « Si c'est vrai, alors ce n'est pas "Navalny est mort" mais "Poutine a tué Navalny", avait rapidement réagi Leonid Volkov, son chef de cabinet sur X (ex-Twitter). Samedi, les proches de l'opposant ont confirmé officiellement son décès demandant que « le corps d'Alexeï Navalny soit immédiatement remis à sa famille »

Alors que la nouvelle de sa mort suscite des milliers de réactions dans le monde entier et bouleverse une partie de la population russe, les chaînes de télévision publiques ignorent le plus possible l'évènement. Vendredi soir, les journaux d'informations n'ont consacré pas plus de 40 secondes chacun à la mort de celui qui était considéré comme la bête noire du Kremlin. En visite dans une usine dans la région de Tcheliabinsk vendredi, Vladimir Poutine a été informé de la nouvelle mais ne l'a pas commenté.

Infatigable opposant, Alexeï Navalny s'est battu toute sa vie pour une « Russie libre ». Empoisonné en août 2020 en Sibérie, il est transféré dans le coma dans un hôpital de Berlin, où il suivra une longue convalescence. Connaissant les risques pour sa vie, il décide tout de même de rentrer en Russie quelques mois plus tard pour continuer sa lutte de l'intérieur. Il est incarcéré dès son arrivée puis condamné à de multiples reprises.

Un tournant historique dans l'histoire de la Russie

Même en prison, en dépit d'une santé fragilisée par l'empoisonnement et par des conditions de détention extrêmement difficiles, il continue à critiquer le régime, appelant à la fin de la corruption et dénonçant la guerre en Ukraine. Plusieurs analystes politiques craignent aujourd'hui que sa disparition marque un tournant dans l'histoire de la Russie et fasse perdre tout espoir à ceux qui espéraient le changement. « Je ne sais pas ce qui prévaudra : la rage ou le désespoir. En tant que personne, j'espère que la rage l'emportera. En tant que chercheur qui suit depuis longtemps ce qui se passe en Russie, je peux malheureusement supposer que le sentiment de désespoir sera plus fort », estime Graham Robertson, professeur à l'Université de Caroline du Nord dans une interview pour le journal russe en exil Meduza.

Un désespoir qui pourrait être accentué dans le contexte de la guerre en Ukraine. « Une défaite russe » est «  impossible », a affirmé Vladimir Poutine début février lors de l'entretien de plus de deux heures qu'il a accordé au journaliste américain controversé Tucker Carlson, ex-présentateur vedette de Fox News. « Ça n'arrivera jamais. » Dans les faits, « l'opération militaire spéciale » lancée par le Kremlin dure depuis deux ans sans que la Russie ait pu prendre l'avantage.

Une économie dopée au complexe militaro-industriel

Or, le conflit pèse sur le quotidien des Russes et une majorité d'entre eux souhaite qu'il prenne fin le plus rapidement possible. Chaque semaine, des femmes de mobilisés appellent au retour à la maison de leurs maris. Au niveau économique, le président russe se targue régulièrement des belles réussites de son pays, notamment une croissance du PIB évaluée à 3,5 % en 2023, mais celle-ci est largement dopée par le complexe militaro-industriel. Les ménages de leur côté ont de plus en plus de difficultés avec l'inflation galopante. Des préoccupations dont Vladimir Poutine, tout à sa guerre en Ukraine, n'a cure.

Commentaires 3
à écrit le 18/02/2024 à 13:07
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Je pensais la Russie comme un pays fermé et le goulag comme un coffre fort, mais je constate que l'information a été bien rapide et qu'on l'a fait "monter en neige" en notre période troublée !

à écrit le 18/02/2024 à 9:48
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Je pensais la Russie comme un pays fermé et le goulag comme un coffre fort, mais je constate que l'information a été bien rapide et qu'on l'a fait "monter en neige" en notre période troublée !

à écrit le 18/02/2024 à 8:05
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Il est mort d'abord et avant tout ce qui ne rassure pas du tout en ce qui concerne l'état d'esprit de Poutine.

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