Le monde post-Covid va accentuer la pauvreté

La pandémie a jeté une part croissante de travailleurs dans la pauvreté et renforcé, dans certains pays, les inégalités les hommes et les femmes, selon l'ONU. S'il faut attendre 2023 pour retrouver le niveau d'emploi d'avant-crise, l'organisation internationale met en garde contre les nouveaux jobs disponibles : ils risquent d'être moins productifs et de mauvaise qualité, particulièrement dans les pays à faibles revenus.
Alors que la croissance semble repartir dans de nombreuses économies, ce déficit persistant d'emplois devrait laisser sur le côté de la route de nombreux travailleurs.
Alors que la croissance semble repartir dans de nombreuses économies, ce déficit persistant d'emplois devrait laisser sur le côté de la route de nombreux travailleurs. (Crédits : RUPAK DE CHOWDHURI)

C'est un chiffre massif et un propos inquiétant qui révèlent une nouvelle fois les dégâts économiques et sociaux causés par la pandémie dans le monde. La crise du Covid-19 a plongé 108 millions de travailleurs de plus dans la pauvreté, relève l'ONU dans un rapport publié le 2 juin. Cela veut dire qu'eux-mêmes et les membres de leur famille doivent vivre avec moins de 3,20 dollars par jour en termes de parité de pouvoir d'achat. 

"Les progrès pour éradiquer la pauvreté au travail ont été réduites à néant, puisque les taux de pauvreté des travailleurs sont revenus à leur niveau de 2015", s'alarme l'Organisation internationale du travail (OIT), une délégation de l'instance onusienne.

Ce creusement de la pauvreté s'explique par la destruction des heures de travail, conséquence du blocage mondial de l'économie depuis début 2020. "8,8% du total des heures de travail ont été perdues en 2020, soit l'équivalent des heures travaillées en un an par 255 millions de travailleurs à plein temps", précise le document. Un chiffre dû pour moitié à la réduction du temps de travail de ceux qui ont conservé leur emploi pendant la crise, et pour l'autre moitié, aux destructions sèches d'emplois.

Un déficit de 144 millions d'emplois dans le monde sur 2020

Par rapport à 2019, le nombre total d'emplois a chuté de 114 millions en raison de l'entrée de travailleurs dans le chômage ou de leur sortie de la vie active. A ces 114 millions, l'organisme international rajoute 30 millions d'emplois qui auraient dû être créés sans l'épisode sanitaire, pour aboutir à un déficit de 144 millions d'emplois sur l'année écoulée.

Les estimations pour 2021 n'appellent pas à l'optimisme : si la perte sèche d'emploi devrait être de l'ordre de 14 millions d'unités, le déficit atteindrait 75 millions en prenant en compte les emplois non créés. En 2022, le déficit se réduirait à 23 millions d'emplois. L'OIT espère un retour à l'équilibre en 2023.

Alors que la croissance semble repartir dans de nombreuses économies, ce déficit persistant devrait laisser sur le côté de la route de nombreux travailleurs. C'est notamment le cas des personnes sorties du marché du travail ou les personnes sans emplois pendant la pandémie. Mais aussi les jeunes : la part des jeunes sans emploi et ne suivant ni étude ni formation a augmenté entre 2019 et 2020 dans 24 des 33 pays disposant de données. Résultat, le nombre de chômeurs dans le monde - estimé à 187 millions en 2019 - explosera ses deux prochaines années, tutoyant les cimes de l'année 2013 :

  • 220 millions de chômeurs dans le monde en 2021
  • 205 millions de chômeurs dans le monde en 2022

De futurs emplois moins productifs et de mauvaise qualité

Le rapport note toutefois de fortes disparités dans la reprise. Elle devrait être plus rapide dans les pays à revenu élevé, alors que dans les pays "à revenu faible et intermédiaire, l'accès plus limité aux vaccins et les contraintes plus fortes sur les dépenses budgétaires freineront la relance de l'emploi.

De plus, les caractéristiques de ces nouveaux emplois disponibles est une autre problématique soulevée. Ils devraient être de mauvaise qualité et à faible productivité, particulièrement dans les pays aux revenus intermédiaires et faibles. "Dans ces pays, la croissance annuelle moyenne de la productivité du travail devrait passer d'un taux déjà modeste de 0,9% pour la période 2016-2019 à un taux négatif de -1,1% pour 2019-2022". Or, c'est la productivité du travail qui permet une création de richesse et donc de tirer vers le haut les revenus des travailleurs, selon l'ONU. "Cette évolution alarmante rend l'objectif d'éradication de la pauvreté d'ici à 2030 encore plus insaisissable", déplorent les auteurs du rapport annuel.

L'OIT soutient une restructuration des dettes des pays pauvres

Autre élément d'inquiétude, la crise a entraîné un recul en matière d'égalité entre les sexes. Cette perspective s'est d'autant plus accentuée dans les pays où l'écart homme-femme était déjà important, notamment dans les pays aux revenus faibles. "L'emploi des femmes (dans le monde NDLR), a diminué de 5% en 2020, contre 3,9% pour les hommes. De plus, 90% femmes qui ont perdu leur emploi en 2020 ont quitté la vie active".

Pour éviter cette aggravation des inégalités entre les pays les plus riches et ceux les plus pauvres, l'OIT appelle "à une action politique internationale [est] nécessaire pour garantir un accès mondial aux vaccins et une aide financière pour les pays en développement - notamment par la restructuration de la dette."

Lire aussi Revenus, pauvreté...les chiffres affolants de l'Insee

 

Commentaires 5
à écrit le 03/06/2021 à 11:18
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Ce n'est que l'emploi lier a "l'offre" qui est détruit! Mais "la demande", au contraire, favorise un nombre incalculable d'heure de travail! C'est simplement une différence de vision !

à écrit le 03/06/2021 à 10:12
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la qualité et/ou le niveau de l'emploi était déjà médiocre avant la Covid. y compris dans les pays "riches". 15% ou plus de travailleurs bas salaires chez Autriche, Allemagne, Pays-Bas, Irlande, UK, USA, Canada, Corée Sud ou Australie (Eurostat ;...

à écrit le 03/06/2021 à 9:14
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Pauvreté qui augmente et donc démographie qui augmente, ils ne sont même pas logiques avec ce qu'ils pensent et prêchent nos dirigeants nous rabachant sans cesse qu'il y a trop de gens et faisant tout pour accélérer les naissances.

à écrit le 03/06/2021 à 9:12
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Pauvreté qui augmente et donc démographie qui augmente, ils ne sont même pas logiques avec ce qu'ils pensent et prêchent nos dirigeants...

à écrit le 03/06/2021 à 9:08
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La pandémie n'a appauvri absolument personne, c'est la manière dont l'élite a voulu la gérer, qui a créé cet appauvrissement. Faut-il rappeler, qu'en 2020, les taux de mortalité par tranche d'âge, en France, ont étés sensiblement les mêmes qu'en 2015...

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