
Et si les vastes plans de financements des Etats pour verdir l'économie et les industries entrainaient des distorsions de concurrence ? C'est, en substance, ce qu'a laissé entendre la ministre des Affaires étrangères et de l'Europe Catherine Colonna, en visite vendredi à Washington. Selon la cheffe de la diplomatie française, le plan américain d'investissement sur le climat - une enveloppe de 430 milliards de dollars -, promulgué par Joe Biden risque de créer une concurrence déloyale entre l'Europe et la première économie du monde.
Voté à l'été dernier et présenté comme une victoire du camp démocrate, le plan climat de Joe Biden introduit notamment une nouvelle fiscalité pour les entreprises. Mais le texte va aussi produire de fortes incitations à investir dans le solaire et l'éolien afin d'en finir avec l'électricité produite à base de charbon. Par exemple, une prise en charge jusqu'à 7.500 dollars en crédits d'impôts est créée pour l'achat d'une voiture électrique. L'installation de panneaux solaires sur son toit sera prise en charge à 30%.
Aussi, plusieurs milliards de dollars de crédits d'impôts seront également proposés aux industries les plus polluantes afin de les aider dans leur transition énergétique. C'est sur ce type de mesure, qui concerne des secteurs stratégiques, que la Française voit une menace à l'équilibre commercial.
Ce programme, « selon notre point de vue, a pour conséquence de ne pas mettre sur un pied d'égalité les Etats-Unis et les acteurs européens », a déclaré Mme Colonna, qui s'exprimait devant le Center for Strategic and International Studies, un cercle de réflexion de la capitale américaine.
Toutefois, interrogée sur le risque d'un nouveau conflit commercial du type de celui qui a opposé Airbus et Boeing, Catherine Colonna a tempéré: « Nous n'appelons sûrement pas de nos voeux une guerre (commerciale) ».
La fuite des cerveaux risque de s'accélérer
Ses remarques ont fait écho à d'autres préoccupations similaires récentes de responsables français ou allemands, qui redoutent notamment une fuite des investisseurs et des entreprises vers les États-Unis, attirés par les 370 milliards de dollars de cette enveloppe historique dédiés à l'environnement (et 64 milliards à la santé).
L'Allemagne a ainsi appelé mercredi à une « réponse forte » de l'Union européenne au gigantesque plan d'investissement américain sur la transition climatique, qui « ne doit pas détruire les règles du jeu équitables entre nos deux économies », a averti le ministre allemand de l'Economie, Robert Habeck. D'autant que, dans le même temps, l'Allemagne est contrainte de revenir sur un certain nombre de ses engagements climatiques (charbon et nucléaire en tête) face à la guerre énergétique tracée par la Russie en guerre en Ukraine et qui étrangle la première économie européenne.
Son homologue français Bruno Le Maire a confié partager les mêmes craintes que le plan américain puisse « mettre en péril l'égalité de traitement » entre les deux continents.
Catherine Colonna a par ailleurs reconnu que l'Union européenne avait longtemps attendu des Etats-Unis des mesures audacieuses sur le climat. « Nous n'allons pas nous plaindre que vous ayez enclenché la vitesse supérieure, qui était nécessaire », a-t-elle souligné.
(Avec AFP)
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