Les investissements en faveur du climat en France sont encore très insuffisants

Si les investissements en faveur du climat ont fortement progressé l'an dernier en France, cette tendance, selon le Panorama annuel de l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE), risque de se tasser tant les sommes engagées restent encore loin d'être suffisantes. Mi-août, le Conseil constitutionnel avait déjà souligné que l'urgence d'une crise ne devait pas justifier des mesures aggravant le réchauffement climatique.
Avec la crise énergétique et la guerre en Ukraine, la France « risque d'investir davantage dans des infrastructures lui permettant d'assurer son approvisionnement en énergies fossiles, en particulier en gaz naturel ».
Avec la crise énergétique et la guerre en Ukraine, la France « risque d'investir davantage dans des infrastructures lui permettant d'assurer son approvisionnement en énergies fossiles, en particulier en gaz naturel ». (Crédits : HANNIBAL HANSCHKE)

La France investit-elle assez pour le climat ? Ce n'est, du moins, pas ce qui ressort du Panorama annuel de l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE). Ce dernier prévoit, en effet, pour 2022 et 2023 des investissements climat en augmentation plus modérée et craint notamment l'effet de la fin du plan de relance post-covid. Il faudrait ainsi investir, chaque année d'ici 2030, entre 13 et 30 milliards d'euros de plus en faveur du climat, selon que l'on met en œuvre une transition plutôt « frugale » (avec une réduction radicale de la demande énergétique et en biens) ou « technologique » (avec une préservation des modes de vie actuels et une sophistication croissante des biens et services).

Point positif néanmoins, les investissements climat des ménages, des entreprises et des administrations publiques ont augmenté fortement à 84 milliards d'euros en 2021, soit 18 milliards de plus qu'en 2020. Ces sommes d'argent, qui doivent permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre du pays, sont ainsi allées vers les véhicules électriques et hybrides, les énergies renouvelables ou la rénovation énergétique des bâtiments. « Ce sursaut s'explique par le décalage des projets retardés en 2020, mais aussi par la réglementation, surtout dans l'automobile et par les soutiens publics accrus, notamment grâce au plan de relance », notent les auteurs. « On a un bond des investissements climat, mais si on ne veut pas que ce soit un feu de paille, on va avoir besoin que l'Etat et les collectivités locales musclent leur jeu dès 2023 et dans les années qui viennent », a souligné Damien Demailly, directeur adjoint de l'institut, lors d'une présentation à la presse.

Recul des investissements « fossiles »

Le panorama se penche également sur les investissements « fossiles », qui ont pour leur part reculé à 62 milliards d'euros en 2021 (contre 65 milliards en 2020), tirés à la baisse par le recul des immatriculations dans les voitures thermiques. Là encore, la tendance est positive, mais les efforts sont insuffisants : les investissements fossiles devraient encore être divisés par deux d'ici 2030 pour atteindre les objectifs climatiques nationaux.

« Les premiers indicateurs révèlent que les investissements fossiles continueraient à se contracter légèrement à court terme », estiment les auteurs, citant notamment des réglementations restrictives pour les voitures thermiques ou le chauffage. « Cependant, les conditions d'un rebond au milieu de la décennie sont toujours possibles », mettent-ils en garde. Avec la crise énergétique et la guerre en Ukraine, la France « risque d'investir davantage dans des infrastructures lui permettant d'assurer son approvisionnement en énergies fossiles, en particulier en gaz naturel ».

Le Conseil constitutionnel a déjà lancé un avertissement au gouvernement

I4CE a par ailleurs publié un rapport distinct consacré aux collectivité locales, concluant que ces dernières devraient plus que doubler leurs investissements pour le climat et ainsi ajouter 6,5 milliards annuels de dépenses d'ici 2030.  Le besoin d'accroissement des investissements est identifié dans les aménagements cyclables (+2,3 milliards annuels nécessaires) et dans la rénovation énergétique des bâtiments publics (1,4 milliard), mais aussi dans le ferroviaire et dans l'efficacité énergétique de l'éclairage public.

Mi-août, le Conseil constitutionnel avait déjà lancé un avertissement au gouvernement : l'urgence d'une crise ne doit pas justifier des mesures aggravant le réchauffement climatique. Les membres du Conseil, saisis par plus de 120 députés et sénateurs de gauche, rappelaient alors pour la première fois que « la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la nation ». Le Conseil constitutionnel donnait, pour la première fois, une autorité à la Charte de l'Environnement, voulue par le président Jacques Chirac, intégrée dans la Constitution française en 2005.

« Si le climat était au CAC 40, on l'aurait déjà sauvé »

Le préambule de la Charte, qui jusque-là n'avait qu'une valeur symbolique, entre ainsi dans la course à la transition écologique, à un moment où les scientifiques n'en finissent plus d'alarmer sur les ravages du réchauffement climatique.

Ces insuffisances ont été dénoncées par des dizaines de jeunes militants de la Nupes qui ont déversé jeudi des centaines de factures devant le siège d'Engie à La Défense. « Si le climat était au CAC 40, on l'aurait déjà sauvé » pouvait-on lire sur une pancarte. « Le gouvernement fait des coups de com' avec des cols roulés alors que des millions de jeunes doivent faire avec leur 10 m2 sous-chauffé », a dénoncé au micro Sybille Douvillez (Place publique Jeunes). Cette action visait aussi à faire la promotion de la « marche contre la vie chère et l'inaction climatique », organisée par la gauche politique et associative dimanche à Paris.

Ajoutons que fin septembre, en prévision de la Cop27 qui doit se tenir en Egypte le mois prochain, des ONG ont menacé les Etats de poursuites juridiques en cas d'inaction climatique.

(Avec AFP)

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Commentaires 3
à écrit le 14/10/2022 à 16:37
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Ce n’est vraiment pas les seuls Français qui, en étant frugaux, régleront le problème d’émission de gaz à effet de serre sur la planète ! Pour y parvenir, il faut transformer toute notre consommation d’énergies fossiles en consommation d’énergie éle...

à écrit le 14/10/2022 à 10:58
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Si les générations actuelles étaient réellement soucieuses de l'avenir de leurs enfants leur premier souci serait de leur fournir une bonne éducation, mais non elles sous-traitent cela à un tiers ( l'école) pour lequel elle n'ont aucun respect. En r...

à écrit le 14/10/2022 à 8:00
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Et une grève générale empêchant les français de consommer du carburant, c'est une action suffisante, pour être en faveur du climat ? Ou il vous en faut encore ?

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