
Quelques heures à peine après la publication du rapport des experts climat de l'Onu (Giec), qui mettent en garde contre un réchauffement pire et plus rapide que prévu, le Premier ministre australien Scott Morrison a clairement averti qu'il ne souhaitait pas fixer d'objectifs en matière de neutralité carbone. "L'Australie fait sa part", a-t-il estimé, avançant qu'"en l'absence de projets, (il) ne signerait pas un chèque en blanc au nom des Australiens afin d'atteindre ces objectifs", a-t-il mis en garde.
Pourtant, le pays compte parmi ceux qui subissent le dérèglement climatique. Les récents incendies, la sécheresse et les cyclones d'une rare intensité qui ont ravagé le pays sont aggravés par le changement climatique, estiment les scientifiques.
Neutralité carbone "dès que possible"
A quelques mois d'un sommet international sur le climat, la COP26, qui se tiendra à Glasgow en novembre 2021, la voix du Premier ministre conservateur australien détonne, en rejetant les appels - notamment des États-Unis, pourtant allié - à fixer un objectif officiel de réduction ou de compensation des émissions de carbone. Et ce, alors que le pays indique vouloir atteindre des émissions de carbone nulles "dès que possible", et de préférence d'ici 2050.
Pour y parvenir, Scott Morrison compte sur les progrès technologiques capables de répondre à cet impératif. "Nous devons adopter une approche différente. Nous devons nous concentrer sur les avancées technologiques nécessaires pour changer le monde et notre mode de fonctionnement", a-t-il déclaré.
En attendant, la position tranchée du Premier ministre est surtout à mettre en lien avec le poids du secteur des combustibles fossiles dans l'économie du pays. L'immense île-continent est en effet un des plus importants exportateurs au monde de charbon et de gaz naturel, dont la combustion participe largement au dérèglement climatique.
Selon le BP Statiscal Review, l'Australie était en 2020 le 6e producteur mondial de gaz naturel (avec une part de 3,7%) mais le premier exportateur mondial gaz naturel liquéfié (GNL) avec 21,8% des exportations mondiales. Quant au charbon, le pays se classait au troisième rang mondial en matière de production (7,8%), derrière la Chine et l'Indonésie mais devant les Etats-Unis, et surtout premier exportateur mondial de la houille avec une part de 29,1%.
Une électricité locale très dépendante du charbon
Pourtant les revenus générés par ces ventes internationales ne représentent plus une part importante de l'ensemble de l'économie australienne. Pour le seul charbon, le secteur a payé 5,2 milliards de dollars de taxe au gouvernement, selon le Minerals Council of Australia, pour 20,6 milliards de dollars de vente pour le charbon thermique et 34,6 milliards pour le charbon coke. Le secteur employait en 2019-2020 environ 50.000 personnes directement et générait 120.000 emplois indirects.
Surtout, et c'est le problème pour réduire ses émissions, la production d'électricité du pays est très dépendante des combustibles fossiles. En 2019, le charbon représentait une part de 68,6 %, le gaz naturel 9,1%, l'hydraulique 6,7%, et les renouvelables (solaire et éolien) 15,9%.
De fait, l'importance du secteur repose aussi sur son lobbying. Selon l'AFP, de nombreux responsables politiques de la coalition conservatrice du Premier ministre entretiennent des liens étroits avec l'industrie minière et nient l'existence du changement climatique ou cherchent à en minimiser les risques. Même le parti travailliste, dans l'opposition, est favorable à la poursuite de l'exploitation des mines de charbon.
Le plus mauvais élève de l'OCDE
Selon l'Institut australien, un think tank basé à Canberra, l'Australie a été le pays qui a le moins fait pour lutter contre le réchauffement climatique puisqu'elle a notamment augmenté sa dépendance aux combustibles fossiles entre 2005 et 2019. "La performance globale de l'Australie en matière de transition énergétique a été pire que celle des 22 autres économies de l'OCDE et de la Russie", souligne le think tank dans une étude sur le sujet publié lundi 9 août.
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