La crise climatique s'aggravera, même à +1,5°C, alerte le GIEC

Le dérèglement climatique empire dans toutes les régions du globe, et à des niveaux sans précédent, alerte dans un nouveau rapport le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), qui fait référence en la matière. Sans réduction globale, massive et immédiate des émissions anthropiques de gaz à effet de serre, le phénomène s'accélèrera tout au long du siècle, avec des conséquences irréversibles sur la planète.
Marine Godelier
Le changement climatique induit par l'homme affecte déjà de nombreux phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes dans toutes les régions du monde. (Photo d'illustration: les feux de forêt se multiplient en Grèce cet été, cette photo a été prise samedi 7 août au village de Vasilika dévasté par les flammes, sur l'île d'Eubée.
Le changement climatique induit par l'homme affecte déjà de nombreux phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes dans toutes les régions du monde. (Photo d'illustration: les feux de forêt se multiplient en Grèce cet été, cette photo a été prise samedi 7 août au village de Vasilika dévasté par les flammes, sur l'île d'Eubée. (Crédits : Alexandros Avramidis / Reuters)

Ce n'est pas la première fois qu'il tire la sonnette d'alarme, mais cet avertissement sonne plus que jamais comme un ultime appel à l'action, dernière chance à saisir avant qu'il ne soit trop tard. Car l'actualisation des connaissances sur la science du climat par le GIEC (Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat), publiée ce lundi à 10 heures, étaye encore les prévisions désastreuses sur un dérèglement climatique aux conséquences désormais imminentes. Et envoie un message clair à l'humanité, à moins de trois mois de la COP26 à Glasgow : afin de respecter l'accord de Paris et limiter le réchauffement « bien en-deçà » de +2°C, si possible +1,5°C, d'ici à la fin du siècle par rapport à l'ère pré-industrielle, une seule réponse est possible. Celle de réduire immédiatement, drastiquement, et à grande échelle les émissions anthropiques de gaz à effet de serre - sans quoi, l'objectif sera définitivement hors de portée. Et ce, alors même que chaque fraction de degré supplémentaire « aura des effets clairs » pour « toutes les régions du monde ».

De fait, les impacts se font déjà sentir. En témoigne le contexte catastrophique dans lequel tombe ce nouveau rapport, marqué par une succession d'événements extrêmes - des incendies géants en Grèce et en Californie aux pluies diluviennes en Allemagne ou en Chine.

« Le changement climatique induit par l'homme affecte déjà de nombreux phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes dans toutes les régions du monde. Les preuves des changements observés dans les extrêmes tels que les vagues de chaleur, les fortes précipitations, les sécheresses et les cyclones tropicaux, et, en particulier, leur attribution à l'influence humaine, se sont renforcées depuis AR5 [le dernier rapport du GIEC publié en 2014, Ndlr] », soulignent ainsi les auteurs du document.

La faute, affirment-ils, au réchauffement du climat, alors que celui-ci a déjà gagné 1,1°C en moyenne sur la dernière décennie par rapport à 1850-1900. Car les observations ne laissent plus de place au doute : « Chacune des quatre dernières décennies a été successivement plus chaude que toutes les décennies qui l'ont précédée depuis 1850 », « la température de surface mondiale a augmenté plus rapidement depuis 1970 qu'au cours de toute autre période de 50 ans au cours des 2.000 dernières années au moins » et « en 2019, les concentrations atmosphériques de CO2 étaient plus élevées qu'à tout autre moment depuis au moins 2 millions d'années », rapportent les scientifiques du GIEC.

À cause des effets systémiques, chaque fraction de degré compte

Surtout, la situation ne va pas aller en s'arrangeant : indépendamment des émissions futures, la température de la surface mondiale « continuera d'augmenter au moins jusqu'au milieu du siècle », notent les auteurs. « En moyenne, le niveau de réchauffement va atteindre ou dépasser les +1,5°C sur le court terme, entre 2021 et 2040 », précise Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue et coprésidente du groupe 1 du GIEC depuis 2015. Et même à +1,5°C, prévient le GIEC, les canicules, inondations et autres événements extrêmes vont augmenter de manière « sans précédent » en termes d'ampleur, de fréquence, d'époque de l'année où elles frapperont et de zones touchées.

Lire aussi 7 mnL'humanité peut-elle encore enrayer le dérèglement climatique ?

Mais si cette hausse du mercure est inévitable, son niveau sera déterminant : chaque 0,5°C supplémentaire provoquera des augmentations « clairement perceptibles » de l' « intensité et de la fréquence » des événements extrêmes - vagues de chaleur, précipitations et sècheresses.

Concernant les pluies torrentielles, par exemple, « pour chaque degré de plus, la quantité de pluie supplémentaire augmentera d'environ 7% », explique la climatologue française. Même chose pour les sècheresses : tandis que leur durée moyenne autour de la Méditerranée s'élève à 40 jours par an environ (soit 50% de plus par rapport au 20e siècle), ce chiffre sera porté à 60 jours dans un monde à +1,5°C, et à 70 jours si les +2°C étaient atteints. Par ailleurs, au-delà des événements extrêmes, le degré de hausse des températures déterminera l'évolution de composantes lentes, comme la montée du niveau de la mer, qui a progressé « plus rapidement depuis 1900 qu'au cours de tout autre siècle précédent au cours des 3.000 dernières années au moins » - à cause notamment de la fonte des glaces. Au cours des 2.000 prochaines années, le niveau moyen mondial de la mer devrait ainsi augmenter d'environ 2 à 3 mètres si le réchauffement est limité à +1,5 °C, de 2 m à 6 mètres s'il est limité à +2 °C et de 19 à 22 mètres avec un réchauffement de +5 °C.

Réduction drastique, soutenue, et extrêmement rapide

Bonne nouvelle : l'homme peut encore agir sur le niveau de hausse des températures, et ainsi limiter le dérèglement et ses conséquences. En cas d'émissions de gaz à effet de serre faibles dès aujourd'hui, « un réchauffement global de +2°C est peu susceptible d'être dépassé », avancent les scientifiques. Concrètement, un tel scénario conduirait à des effets « perceptibles en quelques années » sur les concentrations de gaz à effet de serre et d'aérosols, et sur la qualité de l'air, « par rapport aux scénarios d'émissions de GES élevées et très élevées ».

« D'un point de vue purement physique, même si c'est impossible en pratique, en arrivant à net zéro d'émissions aujourd'hui, on pourrait stabiliser l'augmentation de la température à peu près au niveau où il est actuellement. Mais un scénario de réduction drastique, soutenue et extrêmement rapide des émissions permettrait tout de même d'arriver à seulement quelques dixièmes de degrés de réchauffement en plus d'ici à 2100 », fait valoir Sophie Szopa, co-autrice et chercheuse en chimie de l'atmosphère.

En plus des émissions de dioxyde de carbone (CO2), le rapport s'attarde sur le méthane (CH4), deuxième contributeur au dérèglement climatique - un gaz moins concentré que le CO2 mais au pouvoir réchauffant 25 fois plus puissant. Car, contrairement au dioxyde de carbone, qui, une fois dégagé dans l'atmosphère, y reste pendant des centaines voire des milliers d'années, le méthane a une courte durée de vie. « Si on abaisse drastiquement ses émissions, on peut espérer faire baisser ses concentrations, et ainsi limiter l'effet du réchauffement et améliorer la qualité de l'air », affirme Sophie Szopa.

Certains changements déjà irréversibles, d'autres imprévisibles

Reste que certains changements sont déjà considérés comme irréversibles, peu importe l'action humaine. Acidification des océans, fontes des calottes glaciaires et montée de la mer : pour plusieurs composantes, le train est lancé pour au moins des siècles, voire des millénaires.

« Les glaciers de montagne et polaires sont déterminés à continuer de fondre pendant des décennies ou des siècles », « la perte de carbone après le dégel du permafrost est irréversible à des échelles de temps centenaires » et « le niveau de la mer est déterminé à augmenter », précise le rapport.

Lire aussi 5 mnLes plans de relance ont investi six fois plus dans les énergies fossiles que dans les renouvelables

Et les conséquences sur le long terme sont difficiles à appréhender. Des résultats à faible probabilité, tels que l'effondrement de la calotte glaciaire, des changements brusques de la circulation océanique, certains événements extrêmes composés et un réchauffement nettement plus important que la plage très probable évaluée de réchauffement futur font partie de l'évaluation des risques.

« Une instabilité des calottes de glace peut survenir dans un scénario d'émissions élevées, et aurait des effets importants sur le niveau de la mer. Mais il est très difficile de l'établir aujourd'hui », avance Gerhard Krinner, directeur de recherche au CNRS et auteur principal du chapitre sur l'océan, la cryosphère et le changement du niveau de la mer.

Par ailleurs, le GIEC n'exclut pas la possibilité d'un réchauffement plus fort que prévu, entraînant des « réactions brutales » et des « points de basculement » du système climatique. D'autant que des événements naturels imprévisibles et rares non liés à l'influence humaine sur le climat peuvent toujours arriver, comme une séquence de grandes éruptions volcaniques explosives, provoquant d'importantes perturbations climatiques mondiales et régionales sur plusieurs décennies.

Des avancées "spectaculaires" dans la science du climat

Après deux semaines de réunion à huis clos et en virtuel, 195 pays ont approuvé vendredi cette évaluation complète du GIEC, dont le résumé pour les décideurs a été négocié ligne par ligne et mot par mot. Un travail titanesque, mobilisant des centaines de rédacteurs et étayé de plus de 178.000 commentaires. Il actualise les avancées des connaissances scientifiques sur le climat depuis la publication du cinquième rapport d'évaluation, en 2014. Et celles-ci ont été « spectaculaires », salue la paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte.
Concrètement, deux méthodes indépendantes ont été utilisées, dont les résultats convergent : des études d'attribution, qui consistent à simuler l'évolution du climat avec et sans influence humaine, et des études fondées sur la compréhension de l'effet de chaque composé sur le bilan d'énergie de la Terre et sur le climat. Grâce à ces outils, les scientifiques ont par exemple montré que la canicule extraordinaire au Canada de cette année, en juin 2021, avec des températures frôlant les 50°C, aurait été « presque impossible » sans le changement climatique. Ainsi, le résumé pour décideurs « fournit une information, région par région, sur un ensemble de caractéristiques dont on sait qu'elles conduisent aujourd'hui à des impacts, des tendances et des valeurs au-dessus de la tolérance », afin d'anticiper et d'aiguiller la prise de décision, explique Valérie Masson-Delmotte. Pour le compléter, deux autres volets de l'évaluation du GIEC devront être publiés en 2022, l'un sur les impacts, et l'autre sur les solutions pour réduire les émissions en pratique.  M. G.

Marine Godelier

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 16
à écrit le 11/08/2021 à 18:31
Signaler
Oui oui bien sur... Étonnamment, les climatologues proches du GIEC n’ont admis que la semaine dernière que la nouvelle génération de modèles climatiques AR6 « surchauffait » et était donc trop alarmiste. Cet aveu soulève également des questions sur ...

à écrit le 11/08/2021 à 12:43
Signaler
@Citoyen blase. Tu sais quoi ? tu me gonfles avec ta rethorique de bazar.

le 12/08/2021 à 7:56
Signaler
"avec ta rethorique de bazar." C'est pas parce que tu ne la comprend pas, ou plutôt que tu ne veux pas la comprendre parce que trop logique et ça bouscule le petit confort intellectuel dans lequel tu t'es installé que c'est du "bazar". C'est just...

à écrit le 10/08/2021 à 13:11
Signaler
des parasites de la societe voila le giec des nantis qui souhaite garder leur privilege comme traverser la planete en jet tous les fin de semaine

à écrit le 10/08/2021 à 11:41
Signaler
Les feux, ça ne part pas toujours tout seul. Cherchons à qui le crime profite. A ceux qui nous vendent le réchauffement planétaire sur tous les tons de la gamme ?

à écrit le 10/08/2021 à 8:21
Signaler
Et pendant ce temps là, les milliardaires exploitent leurs esclaves dans leurs usines et leurs entrepôts comme M.Bezos, et surtout, vont polluer l'atmosphère et l'espace juste pour leur plaisir ... 😁 tout va bien !

à écrit le 10/08/2021 à 1:42
Signaler
Apparemment le GIEC alimente les incendies sociaux (e.g. gilets jaunes) en brassant du vent climato-apocalyptique...

à écrit le 09/08/2021 à 19:57
Signaler
La solution, la guerre. Désolé on n'y échappera pas.

le 10/08/2021 à 8:46
Signaler
Tu préfères la guerre à consommer moins donc, c'est profondément triste, penses aux jeunes stp au lieu de penser à toi quand même histoire de voir si cela n'influencerait pas ta pensée vers une direction plus sereine.

à écrit le 09/08/2021 à 14:47
Signaler
Le problème est que tandis que le Titanic coule l'orchestre continue de jouer, même si les Etats Unis et maintenant la Chine viennent d'humilier cette sale vieille TINA, responsable de l'accélération de ce désastre, confier la planète aux multimillia...

à écrit le 09/08/2021 à 14:18
Signaler
Nous allons nous apercevoir, un peu tard, que nous ne sommes que du bétail apeuré... qui ne veut que gérer les conséquences d'un problème, mais ne pas faire de remise en cause!

à écrit le 09/08/2021 à 12:23
Signaler
Pendant que des milliers d'hectares brûlent en Europe, les pompiers français sont mis à contribution pour contrôler les pass sanitaires dans les aéroports et autres. Ils semblent plus utiles là qu'à aider nos voisins avec les flammes. Logique non ?

à écrit le 09/08/2021 à 11:34
Signaler
Il faut en finir avec ces prévisions de catastrophisme. le réchauffement climatique n'est pas uniquement à cause humaine. Stop aux punitions. Diminuer de 1,5° par une série sans fin de punition quand on atteint des 50°, passer de 50° à 48,5°. Parfait...

à écrit le 09/08/2021 à 10:55
Signaler
"La crise climatique" : Ce n'est pas une crise. Une crise, c'est quelque chose de soudain, et passager. Là, c'est tout le contraire : Le réchauffement climatique, c'est quelque chose de progressif, de définitif, et surtout, inéluctable. Aucune des so...

le 10/08/2021 à 5:18
Signaler
@ Charlie. Parlez pour vous.

le 10/08/2021 à 8:47
Signaler
@ matins calmes: non mais t'inquiètes on avait bien compris que tu ne pensais qu'à toi hein ^^

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.