Climat : malgré la contribution de l'Inde, l'objectif des 2°C reste dur à atteindre

Par Giulietta Gamberini  |   |  1023  mots
"Nous nous rapprochons du scénario qu'on est en train de rechercher", estime néanmoins Laurence Tubiana, négociatrice française dans les discussions pour la conclusion d'un accord mondial à Paris en décembre.
En vue de la conférence internationale qui se tiendra à Paris en décembre sur le climat, 146 pays ont déjà déclaré comment ils comptent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Ces contributions dans leur ensemble devraient permettre de limiter le réchauffement avant la fin du siècle à 2,7°C, loin de l'objectif fixé à 2°C.

Tant attendue, la contribution de l'Inde à la lutte contre le réchauffement climatique a enfin été déposée. Le quatrième émetteur mondial de gaz à effet de serre a promis de réduire son "intensité carbone" -à savoir ses émissions de dioxyde de carbone (CO2) par point de PIB- de 35% d'ici 2030 par rapport au niveau de 2005.

Pour ce faire, il a assuré vouloir produire 40% de son électricité à partir d'énergies décarbonées (renouvelables et nucléaire) avant la fin 2030, "grâce à des transferts de technologies et à un financement international à bas coût", pour atteindre un objectif de 175.000 mégawatts. Il prévoit également de renforcer à la même échéance sa couverture forestière, ce qui permettra de capturer l'équivalent de 2,5 à 3 milliards de tonnes de CO2 supplémentaires.

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Le charbon toujours au centre de la politique énergétique

L'Inde, qui compte encore plus de 300 millions d'habitants sans électricité et  produit 60% de son électricité à partir du charbon, ne renonce pas pour autant au charbon. Afin de satisfaire son économie qui connaît une croissance de 7%, New Delhi prévoit au contraire de doubler sa production de charbon d'ici 2020, à plus d'un milliard de tonnes.

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Un choix considéré "déroutant" par l'ONG Greenpeace qui, tout en saluant les promesses indiennes en matière de renouvelables, observe: "Le développement des centrales au charbon va freiner les perspectives de développement de l'Inde". D'autant plus que, souligne la Fondation Nicolas Hulot, l'objectif d'une réduction de l'intensité carbone lui-même, calculé en termes relatifs et non absolus, "couplé à une forte croissance (PIB multiplié par 3,7) conduit à une multiplication par environ 2,5 des émissions de gaz à effet de serre (hors puits de carbone)".

Le Brésil et le Costa Rica élèves modèles

La déclaration d'intention du géant asiatique s'ajoute ainsi aux "contributions nationales envisagées" (INDC) désormais déposées par 146 pays (147 avec l'Union européenne), totalisant 87% des émissions mondiales, devant le secrétariat de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), en charge de les synthétiser avant le 1er novembre, en vue de la Conférence des parties qui se tiendra en décembre à Paris. Les Nations unies avaient fixé au 1er octobre l'annonce des objectifs nationaux des pays. Une cinquantaine de pays manquent encore à l'appel, dont un seul membre du G20, l'Arabie Saoudite. Parmi les autres absents de renom figurent le Qatar et l'Iran.

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Les Etats étant laissés libres de déterminer le contenu de leur INDC, la précision et le niveau d'ambition des contributions se révèle être très inégal. Parmi les "bonnes surprises" relevées dans la toute dernière analyse de la Fondation Nicolas Hulot (publiée le 2 octobre 2015) apparaît le Brésil qui, promettant de réduire ses émissions de 43% en 2030 par rapport à 2005, "va beaucoup plus loin que prévu". Le Costa Rica est aussi cité : il vise des émissions limitées à 1,7 tonnes de CO2 équivalent par habitant en 2030, et une neutralité carbone (grâce aux puits de carbone forêt) dès 2021.

D'autres pays, au contraire, déçoivent, selon la même fondation : la Turquie notamment, qui "prévoit de plus que doubler ses émissions totales d'ici 2030", pour atteindre plus de 10 tonnes de CO2 équivalent par habitant et l'Argentine, qui "envisage d'augmenter ses émissions par personnes pour qu'elles atteignent entre 10 et 12,2 tonnes de CO2 équivalent en 2030".

L'objectif des 2°C encore lointain

Malgré ces engagement, on est encore loin du compte face à l'objectif de contenir le réchauffement en dessous des 2° par rapport à l'ère préindustrielle, fixé en 2009 à Copenhague. Selon une étude publiée jeudi 1er octobre par l'ONG Climate Action Tracker (qui prend en compte l'Inde en se fondant sur ses déclarations d'intention), sur le fondement des contributions déposées le réchauffement climatique devrait atteindre en 2100 les 2,7°. Si "c'est la première fois depuis 2009, date à laquelle le CAT a commencé ses évaluations, que le réchauffement attendu passe sous 3°C, l'objectif des 2° reste néanmoins lointain.

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"Ces ambitions divergentes (des Etats, NDLR) ont des effets qui s'annulent", explique la Fondation Nicolas Hulot. Elle estime pour sa part que "les émissions mondiales totales en 2030 restent proches de 56 milliards de tonnes de CO2 équivalent en 2030, ce qui est largement trop haut et conduit à une hausse supérieure à 3 degrés d'ici à la fin du siècle".

"A noter que la contribution indienne pourrait faire augmenter ce chiffre à 60 milliards de tonnes de CO2 équivalent", note par ailleurs la fondation.

La question des règles de progression au centre des négociations

"Nous nous rapprochons du scénario qu'on est en train de rechercher", estime néanmoins Laurence Tubiana, négociatrice française dans les discussions pour la conclusion d'un accord mondial à Paris en décembre, citée par l'AFP. Se réjouissant du nombre d'Etats ayant joué le jeu des contributions, elle souligne, concernant l'écart persistant avec l'objectif affiché de 2°, que l'accord de Paris "devra fixer les règles permettant aux pays de progresser dans le temps".

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"A l'avenir, les pays pourront être plus ambitieux, car les technologies vont progresser, les coûts vont baisser, comme cela s'est passé dans l'énergie solaire", espère cette économiste.

Les INDC présentées par 31 pays en développement (dont 15 parmi les pays les moins avancés), qui compteront pour 800 millions d'habitants en 2020, montrent par ailleurs que les  besoins d'investissement pour réduire les effets du réchauffement climatique représentent entre 6 et 7 % du PIB de ces pays, soit  autour de 76 dollars par an par habitant, analyse enfin la Fondation Nicolas Hulot. Les 100 milliards de dollars par promis à Copenhague à partir de 2020 par les pays développés à ceux en voie de développement représenteraient, eux, un montant moyen de 40 dollars an et par habitant.