Clinton ou Trump : deux programmes économiques, deux Amériques

Peu débattu au cours de la campagne, le programme économique des deux rivaux diverge sur les impôts mais converge sur le commerce international. Bien qu'elle ait mis une dose de "gauchisme" dans son programme pour se concilier les aficionados de Bernie Sanders, la première illustre une continuité du "business as usal", tandis que le second évoque le risque sinon l'inconnu.
Trump veut réduire à 15% le taux de l'impôt sur les sociétés (contre les 39,1% officiels actuels). Pour les grandes entreprises, la candidate démocrate veut contrer les initiatives prises par certaines de déménager leur siège à l'étranger dans le but de payer moins d'impôts, en imposant une « taxe de sortie ».

Poussée par le succès initial de Bernie Sanders aux primaires démocrates, Hillary Clinton a infléchi son discours et son programme afin de les rendre plus « à gauche ». Aujourd'hui, les observateurs se demandent ce qu'il en restera si elle est élue. Dans l'ensemble, ils s'attendent plutôt à une continuité par rapport à l'administration Obama, à part peut-être sur le commerce.

En revanche, de nombreux économistes et hommes d'affaires s'inquiètent des retombées du programme de Donald Trump, moins précis toutefois que celui de sa rivale. Si les propositions de Trump étaient appliquées, notamment les réductions d'impôts et la renégociation, voire l'abandon des traités commerciaux, elles pourraient peut-être doper l'économie à court terme. Mais à long terme, son protectionnisme déprimerait les exports et renchérirait le prix des biens consommés aux États-Unis, tandis que les cadeaux fiscaux creuseraient le déficit. De quoi, selon certains économistes, engendrer une nouvelle récession...

IMPOTS : pas d'accord sur les hauts revenus

Hillary Clinton veut augmenter les impôts fédéraux de 4% pour les ménages les plus fortunés (qui empochent plus de 5 millions de dollars par an), de même qu'elle veut faire en sorte que le taux, pour ceux qui gagnent plus de 1 million de dollars par an, soit au moins de 30% (toutes déductions prises en compte). Pour l'heure, tous ceux qui gagnent plus de 466.951 dollars par an se voient appliquer un taux de base de 39,6 %. Pour les grandes entreprises, la candidate démocrate veut contrer les initiatives prises par certaines de déménager leur siège à l'étranger dans le but de payer moins d'impôts, en imposant une « taxe de sortie ». Autant de mesures qui réduiraient le déficit, en faisant rentrer dans les caisses de l'État plus de 1.000 milliards de dollars sur dix ans, selon les calculs du Tax Policy Center, même si elles rebutent certains contribuables.

Donald Trump veut réduire les tranches d'imposition à trois seulement (contre sept actuellement). Le taux, pour les ménages entrant dans la tranche la plus élevée qu'il prévoit (plus de 225.000 dollars par an) serait de 33%, pour ceux de la tranche suivante (entre 75.000 et 225.000 dollars), le taux serait de 25%, et de 12% pour ceux qui gagneraient moins de 75.000 dollars (contre 15% actuellement pour ces derniers). Par ailleurs, Trump veut réduire à 15% le taux de l'impôt sur les sociétés (contre les 39,1% officiels actuels). Toutefois, selon une étude de Goldman Sachs, le taux réel que paient actuellement les sociétés du S&P 500 se situe plutôt à 29%. Le but de Trump est de doper les investissements des entreprises (et des ménages, surtout les plus fortunés), mais ce plan, selon le Tax Policy Center, réduirait forcément les recettes de l'État. De quoi, conclut l'institut de recherche, accroître la dette à près de 80% du PIB d'ici à 2036 (contre 71,8% actuellement) si rien n'est fait pour réduire les dépenses. Or Trump affirme qu'il veut les augmenter.

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« JE SUPPOSE QUE J'AURAIS PU RESTER À LA MAISON ET FAIRE DES GÂTEAUX. MAIS J'AI DÉCIDÉ D'EXERCER PLEINEMENT UNE PROFESSION. » (Hillary Clinton, le 26 mars 1992, sur la chaîne ABC)

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EMPLOI : investir pour stimuler l'économie

Hillary Clinton veut investir dans les infrastructures et l'industrie manufacturière pour stimuler les créations d'emplois. Son plan sur cinq ans - qui va de la modernisation des aéroports à un meilleur accès au wi-fi dans les zones rurales - implique un investissement de 275 milliards de dollars. Elle veut également modifier les impôts sur les plus-values et offrir des crédits d'impôts pour les embauches et les investissements à long terme.

Donald Trump a déclaré vouloir dépenser quelque 500 milliards de dollars dans les infrastructures pour stimuler l'économie. Il veut également réduire la réglementation concernant le secteur de l'énergie afin de stimuler les créations d'emplois dans les mines, le pétrole et le gaz. Par ailleurs, il soutient que sa politique concernant les traités commerciaux (qu'il veut renégocier, voire annuler) induirait une relocalisation des emplois dans le secteur manufacturier. Enfin, il fait également valoir que l'abandon de la réforme de la santé (Obamacare) serait de nature à sauvegarder 2 millions de postes sur dix ans...

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« EST-CE QUE J'ACCEPTERAI LE RÉSULTAT DU SCRUTIN ? JE VOUS LE DIRAI LE MOMENT VENU. JE GARDE LE SUSPENSE. » (Donald Trump, le 19 octobre 2016, lors du troisième et dernier débat présidentiel à Las Vegas, Nevada)

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COMMERCE : le grand retour du protectionnisme

Hillary Clinton, sous la pression de Bernie Sanders sur sa gauche, a évolué en ce qui concerne le commerce international. Un temps favorable au TransPacific Partnership (TPP), elle se déclare désormais contre.

Donald Trump a adopté une attitude peu partagée au sein du parti républicain, le protectionnisme. Déclarant que le traité de l'Alena (qui abolit les barrières commerciales entre les États-Unis, le Canada et le Mexique) a coûté des millions d'emplois américains, il jure de le renégocier. De même, il s'oppose à la ratification par le Congrès du Trans-Pacific Partnership. Mais s'il est allé jusqu'à jurer à un moment de sa campagne qu'il appliquerait des droits de douane de 45 % aux importations chinoises, accusant Pékin de manipuler sa monnaie, il n'a pas réitéré ses menaces récemment.

RÉGULATION : leur ennemi, c'est la finance ?

Hillary Clinton veut renforcer la réglementation des institutions financières et peser sur le « shadow banking ». Elle propose également de réduire les salaires des dirigeants dans les grandes banques en cas de sanctions sur leurs activités par les autorités de régulation. À noter que parmi les mesures contenues dans le dispositif Dodd-Frank, adopté en 2010 à la suite de la crise financière de 2008 pour limiter les risques pris par les banques, une partie de celles qui concernent la rémunération des dirigeants ne sont toujours pas appliquées.

Donald Trump veut abandonner la loi-cadre Dodd-Frank, qu'il accuse d'empêcher les banques de prêter de l'argent aux ménages. De façon générale, il veut revoir la réglementation financière. Sans doute pour l'alléger, mais le candidat républicain n'a pas été clair sur cette question.

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> MINI-BIOGRAPHIES DES CANDIDATS

  • HILLARY RODHAM CLINTON, 68 ans

Elle est née à Chicago. Brillante étudiante en droit à l'Université de Yale, elle y rencontre son futur mari, Bill Clinton. Celui-ci devient gouverneur de l'Arkansas, de 1979 à 1981 et de 1983 à 1992, puis président des États-Unis, de 1993 à 2001, et elle, first lady et conseillère de son mari. Puis elle se lance elle-même en politique, et devient sénatrice de l'État de New York, de 2001 à 2009. Candidate malheureuse face à Barack Obama pour la nomination démocrate en vue de la présidentielle de 2008, elle devient secrétaire d'État dans l'administration Obama de 2009 à 2013, avant de triompher aux primaires démocrates pour la présidentielle 2016.

  • DONALD TRUMP, 70 ans

Il est né à New York. Pendant ses études d'économie, à la Wharton School (Université de Pennsylvanie), il travaille pour la société immobilière de son père. En 1971, il prend les rênes de la société familiale. Parallèlement à ses affaires, parfois malchanceuses dans les casinos, il se lance dans le télé-réalité avec notamment The Apprentice (de 2004 à 2015). Ses trois mariages, ses commentaires à l'emporte-pièce et son initiative pour priver Obama de la présidence, au prétexte fallacieux que ce dernier ne serait pas né aux Etats-Unis, lui ont valu une forte exposition médiatique, qu'il exploite pour sa candidature républicaine à la présidentielle 2016.

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Par Lysiane J. Baudu. Journaliste spécialiste des États-Unis, elle y a fait ses études et a été la correspondante pour "La Tribune" de 2001 à 2005, à New York.

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Commentaires 11
à écrit le 09/11/2016 à 16:29
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ne serait il pas temps , pour La Tribune , de recruter ...une nvelle correspondante ?

à écrit le 08/11/2016 à 11:42
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C'est bonnet blanc et blanc bonnet !On parle beaucoup de democratie aux USA mais la base de la democratie c'est le taux de participation .Il depasse rarement les 50 % depuis plus de 50 ans c'est à dire qu'un americain sur deux n'en à rien à faire des...

le 09/11/2016 à 15:02
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"c'est à dire qu'un americain sur deux n'en à rien à faire des elections" Certe, mais cela n'empêche pas d'être élu quand même.En France , on annonce que les jeunes votent majoritairement pour le FN mais cela surtout grâce aux 65% d'absention de c...

à écrit le 08/11/2016 à 11:01
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En France nous avons notre Hillary Clinton sous la forme de Hollande et notre Trump sous la forme de Nicolas $arkozy de Nagy Bocsa. Le trait est grossi, mais sur le fond et toute échelle respectée, il s'agit de la même chose. L'affrontement entre nos...

le 08/11/2016 à 13:30
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Notre Trump à nous c'est MLP. Le FN est ce qui se rapproche le plus du tea-party américain. D'ailleurs trump et MLP ont les même références internationales: Poutine, Assad, Hussain et la même sympathie pour les régimes despotiques puisqu'ils confo...

à écrit le 08/11/2016 à 10:45
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Les positions respectives de Trump et Clinton au sujet de la loi Dodd Frank illustrent à merveille le monde qui existe entre eux et dévoile incidemment pour qui roule en fait Trump. La loi Dodd Frank, adoptée par le congrès en juillet 2010, est l...

le 09/11/2016 à 8:33
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Vous avez raison d'évoquer la référence à l'énergie. C'est l'énergie le moteur de l'économie, et pas la finance. Il faudrait développer cette idée. Merci.

à écrit le 08/11/2016 à 10:41
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Exactement comme en France avec le FN, Mélenchon , Montebourg, Dupont Aignan d'un coté et les partisans de la mondialisation et de l' UE de l'autre représentés par les RI Macron et Hollande.

à écrit le 08/11/2016 à 10:14
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Pas mieux que chez nous , le système tente de leur vendre l'élection de Clinton et la tempête suivie du jugement dernier pour Trump , même plus besoin de réfléchir tout est dit simplement à approuver en votant les yeux fermés .

à écrit le 08/11/2016 à 8:34
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Pour Mme Clinton, il ne s'agit pas d'une politique d'ouverture comme on peut l'entendre dire mais d’expansionnisme et d'intervention! Pour Mr Trump, il s'agit d'en faire plus en politique intérieure et non d’isolationnisme!

à écrit le 07/11/2016 à 17:15
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Deux candidats de droite depuis des décennies, tout comme en France où la gouvernance Hollande nous montre que ça y est nous aussi nous y sommes tombés. Mais du coup ce sont les impostures de Clinton et de Hollande qui se voient le plus en perspe...

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