Présidentielle américaine : Dallas, nouveau champ de bataille démocrate

[ 7/10 ] A l'occasion de la campagne de l'élection présidentielle aux États-Unis, "La Tribune", le journal des métropoles, propose de vous embarquer pour un "road movie" à travers plusieurs villes pour aller à la rencontre des citoyens d'un pays en plein changement. Aujourd'hui, Dallas.
A Dallas, le 16 juin 2016, la police montée surveille des manifestants qui proteste contre Donald Trump qui tient un meeting ce soir-là dans le fief texan du parti républicain. Dans cet Etat, le lobby pétrolier tout-puissant a fourni quelque 100 millions de dollars au camp républicain l'an dernier, avant même les primaires.

Depuis l'élection de Barak Obama en 2008, en pleine crise économique, l'Amérique a changé. Si, en huit ans, elle s'est relevée, tous les Américains ne ressentent pas de la même façon les effets de la croissance retrouvée. Perte de repères, anxiété face à la menace - devenue réalité pour certains - d'un déclassement économique et social, violence et racisme renouvelés, irruption du terrorisme "local", paralysie à Washington et polarisation politique, sans oublier les problèmes d'immigration, de santé, d'éducation, de droit à l'avortement et de droits civiques : l'Amérique traverse une crise existentielle. Nous l'avons parcourue, de ville en ville, pour prendre son pouls et battre la campagne avec les deux candidats à la présidentielle. Une femme, Hillary Clinton, attendue au tournant de sa longue carrière politique - y compris par certains électeurs démocrates qui ne lui font pas confiance -, face à un milliardaire, que de nombreux républicains bon teint détestent, mais qui a réussi à battre tous les candidats de l'establishement lors de la primaire. Oui, décidément, l'Amérique change. L'Amérique est "on the move", même si nul ne sait où elle arrivera le 8 novembre prochain, à l'occasion de la première élection "post-American dream".

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[ DALLAS, FIEF REPUBLICAIN ET TROISIEME VILLE DU TEXAS ]

Si l'argent qui jaillit des champs de pétrole abonde toujours les caisses républicaines, les démocrates ne perdent pas espoir : le Texas pourrait être disputé lors de cette élection présidentielle - et  même basculer dans le camp démocrate à la prochaine...

Ils vont être sanctionnés. La douzaine de policiers qui portaient une casquette estampillée « Make America Great Again », le slogan de Donald Trump, alors qu'ils devaient veiller à la sécurité du candidat républicain lors de sa visite au Texas, à la mi-octobre, n'ont pas le droit, lorsqu'ils sont en uniforme, de faire état de leurs convictions politiques. Les électeurs, eux, n'en ont jamais fait mystère. Ils n'ont pas voté en faveur d'un candidat démocrate à la Maison-Blanche depuis Jimmy Carter, en 1976...  Les plus fortunés (qui hissent Houston et Dallas à la 9e et 11e place du classement des villes les plus riches des Etats-Unis) utilisent l'or noir pour soutenir les campagnes républicaines.

Le lobby pétrolier a donné 100 millions de dollars au camp républicain

L'an dernier, avant même les primaires, les millionnaires du pétrole avaient envoyé plus de 100 millions de dollars (35% du total récolté) aux candidats pressentis. C'est bien cet argent que Trump est venu chercher. N'avait-il pas juré plus tôt qu'il n'avait nul besoin d'aide financière extérieure ? Et, tout en bénéficiant de l'action de plusieurs "super-pac", ces comités d'action politique sans plafond pour les dons, n'avait-il pas critiqué le rôle de l'argent dans la campagne ? Trump est clairement en difficulté. Autre signe, encore plus évident que son manque de liquidités, son dérapage dans les sondages. A l'image de ce qui se passe dans le reste du pays, Trump a perdu 4 points au Texas, avec aujourd'hui 47% d'intentions de vote, contre 43% pour sa rivale Hillary Clinton - et une marge d'erreur de 4%... La candidate démocrate est même en tête dans la ville universitaire d'Austin (capitale de l'Etat) et à San Antonio (la 2e ville la plus peuplée). Au point que certains, dans son parti, se prennent à rêver.

Trump insulte le républicain Ted Cruz et perd des voix au Texas

Et si Hillary Clinton réussissait à ravir les 38 grands électeurs du Texas, les plus nombreux après les 55 grands électeurs de la Californie ? Les démocrates n'épargnent pas leurs efforts pour tenter d'y parvenir. Dès 2012, un membre de la campagne Obama fondait l'organisation "Battleground Texas", dans le but, précisément, de changer la couleur de l'état pour l'élection de 2016 ou la suivante. Kenneth Grasso, doyen de la faculté de sciences politiques à l'Université du Texas, n'est pas convaincu d'un succès démocrate imminent. Cela dit, il admet volontiers que cette année, le résultat sera nettement plus serré que lors des précédents scrutins.

« N'oubliez pas que c'est Ted Cruz, sénateur du Texas, qui a gagné la primaire ici, et nombre d'électeurs lui restent fidèles, d'autant que Trump l'a insulté », dit-il.

C'est donc plus la personnalité de Trump qui explique, selon ce politologue, son essoufflement au Texas que les efforts démocrates ou l'évolution démographique de l'Etat. « Nous assistons à un phénomène identique en Géorgie et dans l'Utah, des Etats encore plus républicains que le Texas et qui n'ont pas été ciblés par les démocrates », relève-t-il.

Le vote hispanique prend de l'importance (40% de la population)

Aux efforts de Battleground Texas s'ajoutent ceux de la communauté hispanique. Ses membres (près de 40% de la population de l'Etat), qui disposent cette année de quelque 5 millions d'électeurs potentiels (le plus gros contingent après la Californie), se mobilisent. A l'initiative de l'organisation civique Mi Familia Vota, on voit même depuis quelques semaines dans les rues de Houston des "taco trucks", qui offrent, en plus du menu, des formulaires d'inscription sur les listes électorales. Les critiques de Trump envers les Hispaniques les ont pris à rebrousse-poil, et le mur qu'il promet de faire construire le long de la frontière avec le Mexique les inquiète.

Le « Libérer l'énergie » de Trump séduit le lobby des énergies fossiles

Les millionnaires du pétrole, eux, se concentrent sur la politique énergétique des candidats. Trump propose de « libérer l'énergie américaine », en produisant plus de pétrole, de gaz et de charbon, sans protéger l'environnement ni l'Alaska. Trump l'a martelé lors du deuxième débat télévisé entre les deux rivaux, le 9 octobre dernier:

« L'administration Obama met l'industrie énergétique en état de siège. Et l'Agence de protection de l'environnement lamine littéralement les entreprises du secteur. »

Malgré quelques allers et retours, en particulier sur le projet Keystone (un pipeline qui devait transporter le pétrole canadien jusqu'aux raffineries texanes, finalement rejeté en 2015 par l'administration Obama), Hillary Clinton est maintenant fermement ancrée dans le camp des protecteurs de l'environnement, et soutient les énergies renouvelables. Les deux candidats poursuivent le même but, l'indépendance énergétique des Etats-Unis, objectif national depuis Richard Nixon... La candidate démocrate est d'ailleurs allée un peu vite en besogne en assurant, lors du deuxième débat télévisé, que, pour la première fois de leur histoire, les Etats-Unis bénéficiaient aujourd'hui de cette indépendance. En fait, malgré une forte progression de la production, notamment de gaz de schiste, ils consomment plus d'énergie (11%) qu'ils n'en produisent, et ne passeront pas du statut d'importateur net à celui d'exportateur net avant les années 2020 ou 2030, selon les projections. Leur premier fournisseur extérieur est le Canada.

Tensions avec l'Arabie Saoudite

Cela tombe bien que ce soit le grand voisin du nord, ce premier fournisseur, car la relation avec l'Arabie saoudite traverse une mauvaise passe. Dernier accroc en date, la décision du Congrès de passer outre le véto du président Obama sur la possibilité, pour les citoyens américains, de poursuivre en justice des Etats étrangers qui soutiendraient le terrorisme. Plusieurs élus accusent l'Arabie Saoudite de faire le lit du djihad, et pointent ses manquements en matière de droits humains. Ajoutés à des désaccords anciens sur Israel, ou plus récents, sur le rapprochement entre Washington et Téhéran et l'implication militaire saoudienne au Yemen, les sources de tensions sont désormais nombreuses entre les deux pays, pourtant alliés depuis 70 ans. Seul élément qui les lie encore, selon certains : les ventes d'armes américaines au royaume wahhabite. Entre 2009 et 2015, les Etats-Unis ont fourni pour plus de 100 milliards de dollars d'armes aux Saoudiens. Ce ne sont sans doute pas le 37,5% de propriétaires d'armes à feu du Texas (contre 20% en Californie) qui s'en plaindront...

Par Lysiane J. Baudu

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