COP21, un an après : la résistance à Trump s'organise

Par Dominique Pialot  |   |  888  mots
Un an après l'adoption de l'Accord de Paris, la résistance anti Trump s'organise
Fiers du succès de la COP21, ses principaux acteurs ont voulu célébrer le premier anniversaire de l'Accord de Paris par un colloque dédié aux « leçons de la COP21 pour la gouvernance globale ». En marge de ces débats organisés par l’Académie diplomatique internationale en partenariat avec le Quai d’Orsay, Laurence Tubiana, ambassadrice française pour les négociations climatiques, s’exprime sur les facteurs de résilience du texte face aux derniers événements internationaux .

"Trump, c'est un test de vérité pour l'Accord de Paris, un test qui arrive très tôt."  Ambassadrice française pour les négociations climatiques pour quelques semaines encore, Laurence Tubiana veut croire en la résilience du texte issu de la COP21.

C'est devenu l'objet du colloque de deux jours organisé à Paris par l'Académie diplomatique internationale en partenariat avec le Quai d'Orsay, et auquel participent de nombreuses personnalités, représentant autant de parties prenantes impliquées sur le sujet. Outre Laurence Tubiana elle-même, plusieurs acteurs de premier plan de l'Accord de Paris et de la COP22 (Laurent Fabius, Christiana Figueres, ancienne secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, Hakima El Haite, ministre marocaine de l'Environnement, Patricia Espinosa, secrétaire exécutive de la CCNUCC, Todd Stern, envoyé spécial des Etats-Unis pour le climat) ; des représentants du secteur privé (la coalition We mean business, les entreprises JC Decaux, Amundi, ADP, Suez, EDF ou Vinci) ; des élus tels que Ronan Dantec, sénateur de Loire-Atlantique ou Patrick Klugmann, adjoint à la Maire de Paris en charge des relations internationales et de la francophonie...

De nombreux acteurs non étatiques

C'est précisément sur cette pluralité d'acteurs impliqués dans la mise en œuvre de l'Accord de Paris que mise la diplomatie climatique française pour renforcer la résilience de cet accord. Y compris face aux événements survenus depuis décembre 2015 et auquel personne ne songeait alors : d'abord le Brexit, puis, et surtout, l'élection inattendue de Donald Trump, climato-sceptique revendiqué. Il ne faut pas espérer de conversion soudaine, car « tout l'entourage est très lié aux milieux pétroliers », rappelle Laurence Tubiana.

L'un des éléments fondamentaux de l'Accord de Paris, l'alliance entre les Etats-Unis et la Chine, disparaît de facto. Mais les diplomates français du climat misent sur le caractère « distribué » du leadership à la fois politique et économique entourant cet accord. Aux côtés des Etats, ce sont en effet de nombreuses entreprises et financiers, villes et autres structures infra-étatiques, ONG et autres représentants de la société civile qui se sont mobilisés en amont de la COP21 et continuent de mettre en œuvre les pratiques qui doivent permettre d'atteindre collectivement les objectifs fixés par l'accord. Même si l'on ignore aujourd'hui quelle sera précisément la position américaine (faire profil bas, faire obstruction ou carrément sortir de l'accord), il existe un consensus sur le fait que l'Accord de Paris résistera à l'élection de Trump.

Recréer un leadership autour de la Chine

Dans ce contexte, la lettre ouverte de 360 entreprises américaines appelant Trump à respecter l'Accord de Paris, les engagements des villes du C40 réunies à Mexico il y a quelques jours ou encore les plans climat ambitieux de certains états américains tels que celui de New York ou la Californie, sont autant de signaux positifs. De même que la participation précoce de pays comme l'Iran ou l'Arabie Saoudite à « 2050 pathways », la plateforme regroupant des stratégies de décarbonation à l'horizon 2050 lancée à Marrakech lors de la COP22 par les deux championnes du climat, Laurence Tubiana et Hakima El Haite.

"Les Etats-Unis savent très bien rester neutres - comme ils l'avaient fait à l'époque de Bush - mais il faut les en convaincre." C'est pour cette raison notamment qu'il faut recréer un leadership politique autour de la Chine. Ses dirigeants se sont montrés très clairs sur leur volonté de poursuivre leurs efforts depuis l'élection de Trump, mais elle ne peut agir seule à l'échelle mondiale.

A l'Allemagne de jouer

Or, en Europe, le seul chef d'Etat en mesure de se faire entendre en cette année 2017, c'est la chancelière allemande. D'autant plus que l'Allemagne accueille le prochain G20 de juillet 2017.

"Cela ne coûte rien à Trump de sortir de l'accord, il faut donc lui démontrer le coût politique d'une telle initiative", insiste Laurence Tubiana.

Nourrir les acteurs du changement, développer les arguments économiques soulignant la compétitivité des industries bas-carbone, mettre en lumière les choix de plus en plus clairs des fonds de pension en faveur de cette économie, les effets sur l'industrie de décisions telles que le plan chinois en faveur de la voiture électrique, les progrès des énergies renouvelables qui feront du solaire la source d'énergie la plus compétitive partout dans le monde d'ici cinq à dix ans... telles sont les arguments développés par la diplomatie climatique internationale.

Sensibiliser l'équipe Juncker, aujourd'hui focalisée sur le Brexit, en amont du sommet Europe/Chine prévu en juin prochain pourrait également aider.

En France, où le sujet est jusqu'à présent totalement absent des débats des primaires, il semble y avoir un décalage entre la perception de l'opinion et les positions politiques. Scientifiques et même grands patrons, sans doute du fait de leur immersion dans un écosystème international, sont nettement plus avancés dans leurs réflexions.

"Les six prochains mois sont essentiels pour la résilience de l'Accord de Paris",  conclut Laurence Tubiana.

Avant d'ajouter "en revanche,  une présidence américaine de cette sorte de huit ans risquerait de fermer la porte aux 2°C..."