Rachat de logements, réduction de l'apport minimum... Le plan de Pékin pour relancer l'immobilier

Ce vendredi devait se tenir à Pékin une réunion cruciale entre représentants du gouvernement et du secteur immobilier au sujet d'un possible plan de relance de cette activité en crise, selon l'agence Bloomberg. Le secteur est sous forte pression, avec certains promoteurs au bord de la faillite et des prix en chute qui dissuadent les Chinois d'investir dans la pierre.
Certains promoteurs, comme Evergrande, sont au bord de la faillite en Chine. (photo d'illustration)
Certains promoteurs, comme Evergrande, sont au bord de la faillite en Chine. (photo d'illustration) (Crédits : © REUTERS/Tingshu Wang)

[Article publié le vendredi 17 mai à 7h30, mis à jour à 9h15] La Chine veut relancer le secteur de l'immobilier en crise. Le gouvernement chinois a annoncé des mesures en ce sens ce vendredi. Pékin envisage le rachat de logements non vendus ou non livrés et la réduction de l'apport minimum nécessaire à 15% pour un premier achat immobilier.

« Des efforts importants doivent être déployés pour promouvoir le traitement des projets de logements classés comme étant en cours de construction, qui ont été vendus et qui rencontrent des difficultés à être livrés », a déclaré le vice-Premier ministre chinois He Lifeng lors d'une réunion avec des hauts responsables à Pékin, selon Chine Nouvelle.

« Dans les villes où il existe un grand nombre de logements, les autorités peuvent passer des commandes et acheter certains de ces logements à des prix raisonnables afin de les utiliser comme logements abordables », a-t-il ajouté.

Aucun détail n'a été donné sur le nombre de logements qui seraient ainsi rachetés. « Les collectivités locales concernées devraient gérer correctement les propriétés résidentielles inoccupées ainsi transférées en les reprenant, en les achetant (...) afin d'aider les sociétés de logement qui ont des difficultés financières à résoudre leurs problèmes », a plaidé le vice-Premier ministre.

Les mesures les plus ambitieuses adoptées par Pékin

Une autre mesure vise à réduire l'apport minimum nécessaire pour un premier achat immobilier. « Les taux minimaux d'apport pour les prêts hypothécaires aux particuliers seront abaissés à 15% minimum pour l'achat d'un premier logement et à 25% pour l'achat d'un deuxième », a rapporté l'agence d'Etat Chine Nouvelle, citant la Banque centrale et l'Administration nationale de réglementation financière.

Ces mesures apparaissent comme les plus ambitieuses adoptées par Pékin pour tenter de relancer le secteur immobilier, dont la crise pèse sur la relance de son économie.

« Ce sont les taux d'apport et d'intérêt les plus bas de l'histoire », a commenté à l'AFP Yan Yuejin, directeur de recherche de l'Institut de recherche Yiju, un centre de réflexion. « Ces mesures envoient des signaux très positifs et seront très utiles pour relancer l'humeur du marché », a-t-il ajouté, se disant « très optimistes quant aux effets potentiels qu'elles auront sur le marché de l'immobilier ».

Vendredi, une réunion cruciale portant sur la relance de l'immobilier - dont la Chine n'a pas confirmé la tenue - était prévue à Pékin entre représentants du gouvernement et du secteur, avec des régulateurs ainsi que des représentants des banques, des autorités locales et du secteur immobilier, selon l'agence Bloomberg.

Le Conseil d'Etat - plus haute instance gouvernementale chinoise - cherche à consulter les professionnels du secteur avant de finaliser sa stratégie, alors que de nombreux promoteurs sont en difficultés financières.

Le secteur « dans une période d'ajustement »

Les actions des promoteurs chinois ont grimpé à Hong Kong ces derniers jours dans l'espoir de nouvelles mesures permettant de relancer ce secteur qui a longtemps représenté au sens large plus du quart du PIB de la Chine ainsi qu'un important vivier d'emplois.

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Le secteur immobilier chinois « est toujours dans une période d'ajustement », a reconnu vendredi, lors d'une conférence de presse, Liu Aihua, porte-parole et cheffe économiste du Bureau national des statistiques (BNS). Les chiffres officiels publiés vendredi ont d'ailleurs montré que les prix et le volume de ventes dans le pays ont continué de baisser en avril.

L'immobilier souffre depuis 2020 d'un durcissement par les autorités des conditions d'accès au crédit pour les promoteurs immobiliers, afin de réduire leur endettement. Le secteur est sous forte pression, avec certains promoteurs au bord de la faillite (Evergrande, Country Garden...) et des prix en chute qui dissuadent les Chinois d'investir dans la pierre.

Le FMI appelle des « mesures énergiques »

Les mesures de soutien de Pékin au secteur n'ont eu pour le moment que peu d'effets. Les autorités ont levé les restrictions qui pesaient sur l'achat de logements dans certaines régions, notamment dans les grandes villes de Hangzhou (est) et de Xi'an (nord), afin de stimuler les achats immobiliers.

Le mois dernier, le Fonds monétaire international (FMI) a estimé que Pékin devrait prendre des « mesures énergiques » pour réduire la quantité de logements inachevés et donner plus de place aux « corrections basées sur le marché », dans un secteur immobilier lourdement endetté.

Beaucoup de villes chinoises ont mis en place des réglementations très strictes depuis une dizaine d'années dans le but de calmer la fièvre spéculative immobilière qui régnait alors. Mais elles reviennent petit à petit sur ces mesures sur fond de crise des géants du secteur entre faible demande et chute des prix.

Les ventes de détail ralentissent en avril

Cette profonde crise du secteur immobilier pénalise l'économie du géant asiatique. La production industrielle en Chine a accéléré en avril, à +6,7% sur un an, mais les ventes de détail ont ralenti à +2,3%, symptôme d'une reprise encore difficile dans la deuxième économie mondiale, selon les chiffres officiels publiés vendredi.

Les chiffres des ventes sont « déprimés par les prix bas à la consommation et la poursuite de la baisse des ventes de logements », observe Dan Wang, économiste en chef à la Hang Seng Bank China. « La confiance des entreprises et des consommateurs restera faible sans un soutien politique ciblant directement les revenus des familles et les biens durables », estime-t-elle.

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« La production industrielle est restée forte mais la consommation a ralenti » car « la demande intérieure reste atone », souligne l'économiste Zhiwei Zhang, du cabinet Pinpoint Asset Management.

« Cet ensemble de données macroéconomiques, combiné à la faiblesse des données sur le crédit en avril, pourrait inciter les décideurs politiques à prendre des mesures plus énergiques pour stimuler la demande intérieure », ajoute-t-il, estimant que « la probabilité d'une réduction des taux au deuxième trimestre augmente ».

La croissance pourrait s'essouffler à cause de l'immobilier

Pékin s'est fixé cette année un objectif « d'environ 5% » de croissance de son PIB, loin des progressions à deux chiffres des dernières décennies. Ce rythme, qui ferait bien des envieux dans la plupart des grandes économies, n'en serait pas moins le plus faible pour la Chine depuis 1990 (3,9%), hors période de Covid.

Le FMI, qui maintient une prévision de croissance inférieure à celle du gouvernement chinois (4,6%), met toutefois en garde contre un « essoufflement » de la reprise économique en Chine en raison de la crise de l'immobilier.

« A défaut d'une réponse d'ensemble au secteur immobilier en difficulté, la croissance pourrait s'essouffler », prévient le FMI, alors que ce secteur a longtemps représenté au sens large plus du quart du PIB de la Chine.

(Avec AFP)

Commentaires 5
à écrit le 17/05/2024 à 11:37
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La Chine est dans la nasse parce qu'elle veut tout faire en même temps et donc elle le fait mal. Pour que les Chinois achètent il leur faut des perspectives à long terme une hausse des salaires incompatible avec la volonté du PCC d'inonder le Monde ...

le 17/05/2024 à 12:04
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C'est tout à fait ça. La seule chose qui les sauve c'est des millions d'entrepreneurs dynamiques (et une sélection naturelle impitoyable avec des centaines de concurrents dans des secteurs comme l'automobile, les logiciels, le solaire etc...) qui n'o...

le 17/05/2024 à 12:08
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Ce n'est pas tant une question de politique que de problématique de fin de rattrapage, la situation chinoise n'étant pas sans faire penser à celle au Japon foudroyé par l'éclatement d'une gigantesque bulle d'actifs en 1990, à côté, la débâcle du Créd...

à écrit le 17/05/2024 à 10:45
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Pour mieux connaître la Chine, lisez les trois récits de Jean Tuan : "Un siècle chinois" (chez CLC Éditions) évoque le parcours de son père chinois arrivé en France en 1929, leur voyage en Chine en 1967 lors de la Révolution culturelle et les incroya...

à écrit le 17/05/2024 à 8:19
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"et des prix en chute qui dissuadent les Chinois d'investir dans la pierre" Ben tant mieux puisque c'est bien l'investissement dans la pierre qui a crée cette crise, si l'immobilier se contentait de loger les gens il n'y aurait jamais de crise. Mais ...

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