Dette responsable : le volet social prend le dessus sur le climat, du fait de la pandémie

La crise sanitaire semble bénéficier au volet social, reléguant en seconde place le volet climatique. Mais la situation pourrait s'inverser prochainement.
Le vert a par contre connu un trou d'air, qui ne devrait être que momentané, selon les spécialistes.
Le vert a par contre connu un trou d'air, qui ne devrait être que momentané, selon les spécialistes. (Crédits : Dado Ruvic)

Jusqu'ici star incontestée dans la galaxie de la dette responsable, le climat a été un peu éclipsé par le volet social du fait de la pandémie.

Petit tour d'horizon des mutations à l'œuvre dans ces fonds affectés à des projets durables, régis par des critères dits ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) et outils clés pour financer une relance verte.

Lire aussi : UE: les critères pour définir un investissement vert définivement adoptés

La dette "sociale" en orbite

La première réponse de la finance responsable à la crise est passée par des emprunts, dits "sociaux", spécialement calibrés pour contrer les dégâts de la pandémie.

Au niveau mondial, "historiquement nous avions plutôt 80% d'émissions de dette verte et 20% pour le reste. Aujourd'hui nous sommes à environ 50-50, avec 30% pour le social. Un gros changement s'est donc opéré en quelques mois", résume auprès de l'AFP Agnès Gourc, coresponsable finance et investissement durable à BNP Paribas CIB.

"Dans une crise comme celle que nous vivons, il n'est pas surprenant d'assister à une ascension du social", souligne Orith Azoulay, responsable mondial de la finance verte et durable à la Banque de grande clientèle de Natixis, qui a travaillé sur les opérations de l'Unédic - détenteur du record absolu à l'échelle mondiale avec un premier emprunt de 4 milliards en mai, suivi d'un deuxième du même montant en juin.

Le vert provisoirement en pause

Le vert a par contre connu un trou d'air, qui ne devrait être que momentané, selon les spécialistes.

"Il y a clairement eu un ralentissement", observe Manuel Adamini, responsable du Programme de sensibilisation des investisseurs de la Climate Bonds Initiative (CBI), organisme international de référence.

Mais selon lui, "le changement climatique n'est absolument pas sorti des priorités".

"Il y a eu un rebond en mai avec 14,6 milliards de dollars de dette verte levée, portant le total à 845 milliards [émis depuis la naissance de ce type d'émission il y a douze ans]. En dépit d'une baisse de 53% sur un an, ce chiffre reflète une stabilisation après le plongeon du mois de mars."

Investisseurs dans les starting-blocks

L'enthousiasme des investisseurs ne connaît en revanche pas la crise.

"Je suis surpris de trouver les gens très optimistes, avec même encore plus d'appétit pour la dette verte", relate Manuel Adamini, qui a fait le tour des acteurs du marché pour prendre la température.

"Du point de vue des investisseurs", observe Noémie de la Gorce, analyste Finance Durable chez S&P Global Ratings, il est encore plus évident que "les entreprises qui ont mis en place des dispositifs de gestion des dimensions sociales et environnementales sont mieux en mesure de s'adapter".

Transparence renforcée

"La crise a entraîné un surcroît de volonté de transparence, de 'redevabilité' et de recherche d'impact", observe Mme Azoulay. "Il est frappant de voir que la dette responsable s'avère être un instrument très prisé dans ce contexte."

La base d'un emprunt responsable est de déterminer à l'avance à quoi serviront les fonds. De plus en plus d'acteurs s'engagent en outre à en évaluer l'impact, même si aucune régulation ne les y oblige et que cette science jeune s'ajuste encore.

Pour la dette levée par l'Unedic, un dispositif complet est ainsi prévu et mesure par exemple le nombre d'emplois préservés grâce au chômage partiel, illustre Mme Azoulay.

Disparité géographique

D'un continent à l'autre, la situation est différente.

"Le risque est moindre en Europe où il y a une vraie volonté collective d'avancer", estime Christian Deseglise, chargé de la Finance et des Investissements Durables au sein de la banque d'investissement et de marchés du Groupe HSBC.

Aux États-Unis, le niveau fédéral ne favorise pas le climat, mais les collectivités locales sont très impliquées.

"C'est plus compliqué pour le monde émergent qui est en train d'affronter des risques sanitaires, économiques et financiers, sans Fed ou BCE pour les aider", note aussi M. Deseglise.

Le monde d'après

L'après Covid-19 sera-t-il plus vert? La question n'est pas tranchée, mais la tonalité parmi les experts est plutôt optimiste.

Lire aussi : En France, la transition énergétique à un tournant ?

"Je pense que le risque que la reprise ne soit pas verte existe", reconnaît M. Deseglise, "mais il y a eu une véritable prise de conscience que le coronavirus est un avant-goût de ce qui peut se passer en matière climatique et qu'il faut éviter que la reprise bénéficie à des secteurs qui rendraient ce risque plus important".

Commentaire 1
à écrit le 21/06/2020 à 10:44
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Dette responsable d'une humanité tirée vers le bas.

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