Elections en Egypte : la guerre à Gaza offre un répit au candidat Sissi

Médiateur clé depuis le 7 octobre entre Israël et les Palestiniens du Hamas, le maréchal-président El Sissi brigue un troisième mandat lors des élections qui se tiennent de dimanche à mardi. Un rôle qui lui permet d'éluder son très mauvais bilan en matière de droits humains ou d'économie et d'obtenir la compréhension de la communauté internationale et du FMI.
Le maréchal Abdel-Fatah el-Sissi, brigue un troisième mandat présidentiel.
Le maréchal Abdel-Fatah el-Sissi, brigue un troisième mandat présidentiel. (Crédits : Reuters)

« Si on entre en guerre, on aura besoin d'un chef militaire, non ? », lance Omar, la cinquantaine. Cet épicier du Caire est convaincu depuis le début du conflit à Gaza de la nécessité de voter pour le maréchal Abdel-Fatah el-Sissi, briguant un troisième mandat présidentiel. Les élections auront lieu de dimanche à mardi. « Il n'est pas question d'abandonner le Sinaï pour la défense duquel nos soldats se sont battus », ajoute-il.

Le raïs a déclaré rejeter catégoriquement la perspective d'un afflux massif de réfugiés palestiniens vers la péninsule frontalière, fuyant les bombardements israéliens et les conditions humanitaires désastreuses dans la bande de Gaza. Les motifs sont notamment sécuritaires, les autorités craignant que la région ne devienne une base arrière du Hamas palestinien pour le lancement d'opérations militaires contre Israël.

Un médiateur privilégié

Pour l'éviter, Le Caire multiplie les contacts diplomatiques avec les belligérants afin de parvenir à une désescalade et œuvrer à un meilleur acheminement de l'aide humanitaire. L'Égypte est en effet un médiateur privilégié dans le conflit en tant que premier pays arabe à avoir reconnu l'État d'Israël en 1978, entretenant des contacts avec les cadres du Hamas à Gaza. Cette réponse fait dans l'ensemble l'unanimité auprès de la population.

« Ce n'est pas la première fois que les Égyptiens se rangent très massivement derrière leur président, c'était déjà le cas en 1967 avec Nasser », rappelle Hanafi, un vendeur de bijoux. A la suite de la défaite de l'Égypte lors de la guerre des Six Jours, le leader démissionna avant de renoncer en raison des manifestations demandant son maintien au pouvoir. Hanafi ne compte cependant pas se rendre aux urnes. D'abord parce qu'il estime que le scrutin n'offre pas de véritable choix. Les trois autres candidats - Farid Zahran, Abdel-Sanad Yamama et Hazem Omar - entretiennent tous des liens de proximité plus ou moins forts avec le pouvoir et restent inconnus du grand public.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2013 par un coup d'État militaire contre l'ancien président de l'organisation des Frères musulmans Mohammed Morsi, « Sissi ne donne à personne l'opportunité de se faire connaître », dénonce Hanafi. « Il n'y a pas de véritable opposition politique en Égypte ». Quelque 60.000 prisonniers politiques sont aujourd'hui détenus par le régime, selon les organisations de défense des droits humains. Les candidats potentiels représentant une menace plus sérieuse ont ainsi été stoppés plus tôt dans la course. Les supporters de l'ex-député Ahmed Tantawy ont ainsi été découragés et intimidés de lui accorder leurs parrainages, finalement déposés en nombre insuffisant pour lui permettre de participer au scrutin.

 Le triplement de la dette en dix ans

Le verrouillage de la campagne et le conflit à Gaza suivis avec la plus grande attention par les Égyptiens ont ainsi permis au maréchal Sissi d'éluder son bilan en matière notamment de droits humains et d'économie. Des chantiers publics pharaoniques financés par l'emprunt, à l'instar de celui de la nouvelle capitale administrative, ont contribué à plus que tripler la dette externe du pays en dix ans, à 165 milliards de dollars, tandis que la dette publique dans son ensemble équivaut désormais à plus de 90% du PIB. Le poids de la dette, alourdi par les répercussions économiques de la guerre en Ukraine, enfoncent depuis mars 2022 l'Égypte dans une crise aux lourdes conséquences sociales. Le pouvoir d'achat des Egyptiens a drastiquement chuté alors que la monnaie locale a été plusieurs fois dévaluée, avec une inflation de 36% sur un an en octobre. Après Gaza, la conjoncture économique est d'ailleurs le deuxième principal sujet de préoccupation d'Omar, l'épicier : « La situation est très difficile ; j'attends du président Sissi qu'il fasse des réformes ».

Les chancelleries occidentales se bousculent auprès du raïs

Le conflit pourrait cependant là-aussi accorder un répit au président Sissi, alors que les chancelleries occidentales se bousculent auprès du raïs, renforcé sur la scène internationale par son rôle clé de médiateur. Le FMI envisage notamment d'augmenter la valeur de son prêt de 3 milliards de dollars sur lequel il s'est engagé en 2022 pour permettre au pays de faire face à la crise, arguant des difficultés économiques supplémentaire occasionnées par la guerre. Ces déclarations marquent un changement de ton, alors que le versement de cette aide était suspendu depuis plusieurs mois en raison du retard pris par les réformes réclamées en contrepartie par l'institution. A plus long terme, le maréchal ne pourra cependant pas éviter de s'atteler à la révision de ses politiques, s'il entend éviter une aggravation du dérapage économique et conserver l'appui d'une partie de la population.

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