Hausse des taux : les pays les moins avancés sont asphyxiés par le poids de leur dette

A ce jour, « 52 pays sont soit surendettés, soit au bord du surendettement et potentiellement en défaut de paiement », selon les Nations Unies. Or, la hausse des taux d'intérêt alourdit encore plus la charge de leur dette souveraine. De quoi les empêcher durablement - en plus de l'aggravation des troubles sociaux - d'opérer toute transition alors que le contexte de guerre en Ukraine a augmenté l'importance de l'indépendance énergétique, souligne l'ONU.
Selon le PNUD, 25 pays sur 52 utilisent « un cinquième du budget de leur gouvernement pour payer les intérêts de leur dette ».
Selon le PNUD, 25 pays sur 52 utilisent « un cinquième du budget de leur gouvernement pour payer les intérêts de leur dette ». (Crédits : ALEXANDER ERMOCHENKO)

Alors que les pays développés s'interrogent sur les conséquences à long terme de la hausse des taux opérée par les banques centrales depuis l'été 2022, les pays pauvres se préparent, eux, au pire. Pandémie, guerre en Ukraine, crise alimentaire, négligence des riches : une cinquantaine de pays en développement sont surendettés. Une dette qui, avec la hausse des taux d'intérêt, les rapproche encore plus de la catastrophe, c'est-à-dire du défaut de paiement.

Environ 15% des pays à faible revenu sont en situation de « surendettement », selon le FMI. Un nombre record de 349 millions de personnes dans 79 pays sont ainsi confrontées à une « insécurité alimentaire aiguë », a écrit l'institution basée à Washington.

Or, certains pays dépensent déjà 20% de leur budget pour rembourser les intérêts de leur dette, selon l'ONU.

Le chef du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), Achim Steiner, a expliqué que la hausse chronique des taux d'intérêt épuisait les finances de pays déjà accablés par la crise du Covid-19, les conséquences de la guerre en Ukraine et leurs difficultés structurelles. La situation pour eux « en termes de dette souveraine est vraiment très sérieuse », a-t-il expliqué dans une interview à l'AFP à Doha, en marge d'un sommet des Pays les moins avancés (PMA).

Payer les intérêts de la dette publique

Selon une étude du PNUD parue le mois dernier, « 52 pays sont soit surendettés, soit au bord du surendettement et potentiellement en défaut de paiement », a-t-il indiqué.

Et 25 de ces 52 pays utilisent « un cinquième du budget de leur gouvernement pour payer les intérêts de leur dette », a-t-il ajouté. "Ce n'est pas tenable".

Ces économies « ne comptent que pour 3% de la dette mondiale, ce qui explique pourquoi les marchés ne s'en préoccupent pas autant qu'ils le devraient, mais elles représentent 40% des pauvres dans le monde et un sixième de la population mondiale ».

Plusieurs chefs d'Etat et de gouvernement, dont le président du Timor-Oriental ont dénoncé « l'extrême insensibilité de taux d'intérêts de rapaces ». La dette des PMA a plus que quadruplé en une décennie pour atteindre 50 milliards de dollars en 2021.

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L'inflation fait monter les taux d'intérêt

Le chiffrage de la dette publique mondiale est complexe, du fait de l'émergence de la Chine sur ce marché relativement récent et parce que plus de 60% de celui-ci sont entre les mains d'acteurs privés, a souligné Achim Steiner.

L'emprunt souverain avait déjà explosé avec la pandémie de coronavirus. « Maintenant, il y a la guerre en Ukraine, l'impact sur les cours mondiaux de l'alimentation et de l'énergie », a ajouté le cadre onusien, rappelant que l'inflation faisait monter les taux d'intérêt.

Or, les pays occidentaux ne jouent pas leur rôle, a-t-il dénoncé. En 2020, le G20 était convenu d'un cadre commun pour la restructuration de la dette des PMA, mais sa mise en œuvre piétine depuis.

Les vingt pays les plus riches du monde « peinent à avancer en partie à cause de divisions géopolitiques et c'est évidemment une source d'inquiétude », a-t-il noté, relevant que ceux à qui plus personne ne veut prêter de l'argent devaient accepter des taux éreintants de 12 à 14%.

Dans le même temps, des pays africains comme le Nigeria, le Mali ou le Burkina Faso ont reculé de 10 à 20 ans en termes de développement, notamment sous le poids des violences politiques et attaques jihadistes. Avec à la clé « l'effondrement de la gouvernance et, au final, de la plateforme économique sur laquelle un pays doit opérer ».

Au-delà des seuls PMA, la conjoncture mondiale affaiblit aussi la capacité des pays à revenus intermédiaires à investir dans les énergies renouvelables, a estimé Achim Steiner.

Or la guerre en Ukraine a considérablement augmenté l'importance de l'indépendance énergétique, ce qui devrait se traduire par une « augmentation exponentielle » des investissements dans les énergies propres dans les trois à cinq prochaines années, a-t-il noté.

Une transition énergétique que le Nord doit accompagner. Mais « en période de crises, au moins dans certains pays développés, il y a un recul de l'engagement d'investir l'un chez l'autre ». « C'est regrettable, c'est sérieux ».

(Avec Lynne AL-NAHHAS, AFP)

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Commentaires 6
à écrit le 07/03/2023 à 9:14
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Qui va payer la dette quand la France n'existera plus ? Nous sommes en bonne voie de disparaitre ! Non? ,-)

à écrit le 06/03/2023 à 12:07
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M. Steiner, pourquoi voukez-vous absolument que l'on investisse dans ces pays? ils se débrouillent et ils prennent leur avenir en mains.

à écrit le 06/03/2023 à 11:49
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Bien évidemmennt la France ne fait pas partie des 52 surendettés, car nous sommes riches, surtout de notre endettement, avec ees taux d'intérêts à 3% nous allons payer en 2023 l'équivalent de l'I.R. rien qu'en intérêts, oublions le capital.

à écrit le 06/03/2023 à 8:17
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le ghana a sa ligne en cours a l'isda, a la saint modeste la grece a (du je sais pas en fait) rembourser l'échéance de la première des restructurées de 2012, en chiffres, leur situation est pire qu'en 2012, bref ça va pas tarder a revenir. En plus du...

à écrit le 05/03/2023 à 22:13
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Tous ces pays surendettés sont victimes avant tout de leur surnatalité

à écrit le 05/03/2023 à 22:12
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Quand je pense qu'il aura fallu 40 ans pour oser dire que d'être endetté c'est pas top ! 40 ans à entendre des économistes télévisuels de tout poil dire que l'homme du peuple ne pouvait comprendre la science économique dans sa complexité donc, nous n...

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