Infrastructures : la dette cachée des pays pauvres envers la Chine épinglée par une étude

Le programme chinois des « Nouvelles routes de la soie », déployé depuis 2013 en vue de de créer des infrastructures dans les pays en développement, serait un gouffre financier pour les pays bénéficiaires, selon une étude publiée par l'institut américain AidData. Ces Etats, désormais endettés auprès de la Chine via des financements indirects complexes et opaques, ne connaissent même pas le montant exact dont ils doivent s'acquitter. La somme pourrait approcher les 330 milliards d'euros.
(Crédits : Bobby Yip)

C'est un paradoxe. Le programme chinois de déploiement d'infrastructures, connu sous le nom de « Nouvelles routes de la soie », censé aider les pays en développement, semble au contraire les asservir. C'est en tous cas ce qu'affirme ce mercredi une étude américaine publiée par AidData, un institut de recherche de l'université américaine William and Mary, qui œuvre pour plus de transparence en matière de financement du développement. Précisément, ce rapport fait état d'une « dette cachée » atteignant la somme colossale de 385 milliards de dollars (soit 330 milliards d'euros).

Selon ce rapport, la Chine a réalisé, depuis le lancement en 2013 de l'initiative des « Nouvelles routes de la soie » à l'initiative de Xi JinPing - afin d'étendre l'influence internationale de l'Empire du Milieu -, des investissements massifs dans de nombreux pays en développement, notamment en Afrique et en Asie, mais aussi en Amérique Latine.

Des prêts contractés avec des acteurs non-gouvernementaux

Problème : la plupart des gouvernements pauvres dans lesquels la Chine a souhaité s'implanter ne pouvaient se permettre de contracter des prêts supplémentaires, puisqu'ils étaient déjà très endettés envers Pékin. La Chine a donc trouvé un moyen détourné de développer ses infrastructures dans ces pays : des prêts ont été accordés à une « constellation d'acteurs autres que les gouvernements centraux » des ces Etats. Mais ces emprunts étaient assortis d'une clause obligeant les gouvernements à rembourser si le signataire n'était pas en mesure de le faire, explique Brad Parks, le directeur exécutif d'AidData à l'AFP.

Concrètement, la Chine a dépensé des sommes considérables, en l'occurrence 85,4 milliards de dollars par an en moyenne de 2013 à 2018, pour construire des routes, ports, ponts, stades ou encore des hôpitaux. En pratique, des accords « opaques » ont été conclus entre des banques ou des entreprises d'Etat chinoises et des acteurs locaux non-gouvernementaux, comme des co-entreprises (entre des entreprises chinoises et des partenaires locaux).

Une dette "opaque" de 330 milliards d'euros

Conséquence: « les gouvernements eux-mêmes ne connaissent pas aujourd'hui l'exact montant qu'ils doivent à la Chine », explique ainsi M. Parks, d'AidData. En effet, de part ce financements indirects, des dizaines d'Etats se trouvent accablés de dettes qui n'apparaissent pas dans leurs bilans.

Et le montant n'est pas anodin : ces « dettes cachées » atteindraient au total la somme de 330 milliards d'euros, selon AidData. L'étude répertorie ainsi 45 pays à revenu faible ou intermédiaire qui sont aujourd'hui confrontés à des risques de crédit, avec un niveau d'endettement envers la Chine désormais supérieur à 10% de leur PIB national.

Méfiance croissante des autres pays en développement

Cette situation d'endettement opaque suscite la méfiance d'autres pays étrangers, freinant de fait leur engouement pour les investissements chinois. Selon le directeur exécutif d'AidData Brad Parks:

« De nombreux dirigeants étrangers, dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, qui étaient à l'origine impatients de sauter dans le train des Nouvelles routes de la soie, suspendent voire annulent désormais des projets d'infrastructure chinois en raison des craintes quant à la viabilité de la dette ainsi que de la corruption ».

AidData fait ainsi état de nombreux projets qui ont été annulés sur la période 2013-2021. En Malaisie, par exemple, des projets d'investissement chinois à hauteur de 11.58 milliards de dollars ont été résiliés. Le manque de confiance envers la Chine s'est également fait ressentir au Kazakhstan - qui a abrogé des projets d'investissement chinois prévus à 1,5 milliard de dollars -, ainsi que dans plusieurs pays d'Amérique latine comme le Costa Rica ou encore la Bolivie, qui a précisément suspendu un projet à 1 milliard de dollars.

L'étude menée par l'institut de recherche américain AidData relève également que plus d'un tiers des projets menés dans le cadre des « Nouvelles routes de la soie » sont au cœur de problèmes de « corruption, violations des droits des travailleurs et pollution environnementale ».

De leur côté, les Etats-Unis, qui ont investi deux fois moins que les Chinois dans les infrastructures des pays en développement de 2013 à 2018, ont annoncé en juin lors du sommet du G7 qu'ils prévoient de lancer - avec leurs alliés - une initiative concurrente aux « Nouvelles routes de la soie » chinoises, baptisée « Build Back Better ».

Commentaires 5
à écrit le 30/09/2021 à 10:32
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des insinuations encore.....C'est vrai vous ne voyez que des avantages a ce que les USA ou L’Europe prêtent et aident les autres pour vous... eux sont des pays clean pas hypocrites et corrects, pas comme la Chine, dans les affaires.... la campagne...

à écrit le 29/09/2021 à 19:00
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Chouette, enfin un complot crédible

à écrit le 29/09/2021 à 18:13
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Bah ils n'ont qu'à pas rembourser, personne ne leur en voudra et ça sera gagnant / gagnant, le Chinois ne sachant que faire de leur cash

le 29/09/2021 à 20:44
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Vu la réaction de l'Europe en ce qui concerne l'Ukraine, je n'ai aucun doute sur le fait que si la Chine ne se fait pas payer il y aura soit des disparitions subites (renseignez vous) soit intervention armée...

à écrit le 29/09/2021 à 18:10
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La finance a trusté le pouvoir politique via ce moyen en UE il est bien évident que c'est tentant surtout de la part d'une puissante dictature, c'est plus facile pour se faire payer quand on est brutal ou du moins quand on a les mains plus libres.

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