Israël fâché mais pas lâché

L’abstention des États-Unis lors du dernier vote du Conseil de sécurité de l’ONU ne remet pas en question la dépendance économique et militaire de l’État hébreu.
Joe Biden et Benyamin Netanyahou le 18 octobre 2023, à Tel Aviv.
Joe Biden et Benyamin Netanyahou le 18 octobre 2023, à Tel Aviv. (Crédits : © LTD / Brendan SMIALOWSKI / AFP)

« Israël alone ». La couverture choc du 23 mars de l'hebdomadaire britannique The Economist montrant un drapeau israélien pris dans une tempête de sable sur une plage de Gaza avait déjà fortement déplu. L'abstention des États-Unis au Conseil de sécurité de l'ONU lors du vote sur une résolution présentée par des membres non permanents appelant à un cessez-le-feu immédiat dans l'enclave palestinienne a enfoncé le clou, Washington ayant mis son veto par trois fois à des résolutions similaires depuis l'attaque du Hamas le 7 octobre.

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Ulcéré, Benyamin Netanyahou a annulé la délégation de haut rang qui devait se rendre à Washington pour convaincre l'administration Biden, réticente à l'offensive terrestre à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. Le Premier ministre israélien n'avait déjà pas apprécié quelques jours plus tôt les critiques de Chuck Schumer sur sa gestion de la guerre à Gaza. Le chef de file démocrate au Sénat américain avait fustigé les éléments extrémistes de son gouvernement et appelé à la tenue d'élections.

Une crise « marginale »

Toutefois, pour de nombreux analystes, ce coup de froid est un clash de façade, car il ne change rien sur le fond. Washington « continue de soutenir le droit d'Israël à se défendre », a rappelé un haut responsable de la Maison-Blanche, ajoutant : « L'aide conditionnelle n'est pas notre politique. » Citant des sources du Pentagone, le Washington Post a révélé vendredi que l'administration Biden avait approuvé le transfert de plusieurs milliards de dollars de matériel militaire à Israël, un « package » comprenant plus de 2 300 bombes ainsi que des avions de combat furtifs F-35.

Pour de nombreux analystes, le coup de froid entre les deux pays est un clash de façade, car il ne change rien sur le fond.

La colère du chef du Likoud (droite) n'a d'ailleurs pas duré longtemps. L'envoi de la délégation israélienne à Washington pourrait se concrétiser en ce début de semaine. D'autant que les deux alliés échangent via d'autres canaux. Présent ces derniers jours à Washington, le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a ainsi rappelé « être là pour souligner l'importance des relations » avec les États-Unis. « Nous partageons 100% de nos valeurs et 99% de nos intérêts avec les États-Unis », a-t-il assuré mardi. Le ministre de la Défense aurait même discuté de la création d'une force militaire multinationale, dont celles des pays arabes, initiative soutenue par les États-Unis, chargée de contrôler l'ordre public à Gaza et d'escorter les convois d'aide humanitaire.

Quant à l'opération terrestre à Rafah voulue par Netanyahou, qui supposerait d'évacuer des centaines de milliers de réfugiés palestiniens, l'allié étatsunien a exprimé des doutes. « Un pays qui ne parvient pas à acheminer 50 camions de nourriture dans le nord de la bande de Gaza sera-t-il capable d'évacuer, de loger et de nourrir 1 million de personnes ? » a ironisé un responsable de la Maison-Blanche, même s'il n'y a pas, a priori, d'opposition de principe.

Il eût été préférable que cette crise ne se produise pas ; en tout état de cause, elle est marginale

Zohar Palti, ex-chef du bureau politique du ministère israélien de la Défense

« Il eût été préférable que cette crise ne se produise pas ; en tout état de cause, elle est marginale, décrypte pour sa part, Zohar Palti, ancien chef du bureau politique du ministère israélien de la Défense. Israël et les États-Unis partagent les mêmes valeurs démocratiques. Les relations de défense sont stratégiques et la sécurité nationale d'Israël repose sur la relation spéciale avec les États-Unis », faisant référence au plan annuel d'aide militaire alloué à Israël d'un montant de 3,8 milliards de dollars approuvé par l'administration américaine. Cette enveloppe comporte aussi un budget pour la défense antimissile et la coopération pour l'interception des drones. « De manière regrettable, la résolution de l'ONU met la pression sur Israël et sur le Hamasconfie de son côté le député du Likoud Boaz Bismuth. Mais il y a eu d'autres précédents de tensions entre les dirigeants des deux pays. Rien de grave. Israël ne peut pas finir cette guerre sans éradiquer le Hamas. » Et de rappeler que les États-Unis sont en année électorale : « Joe Biden fait campagne pour la Maison-Blanche et Netanyahou, lui, fait campagne pour défendre notre maison. »

Isolement diplomatique

De son côté, Donald Trump a déclaré, lundi, dans le quotidien Israel Hayom qu'Israël « devait être prudent dans la guerre qu'il mène actuellement contre Gaza, car [le pays] est en train de perdre une grande partie du soutien du monde ». L'État hébreu « devait mener à terme sa guerre contre Gaza et s'engager dans un plan de paix afin de rétablir une vie normale en Israël », a-t-il suggéré, tout en signalant que les scènes de destruction à Gaza représentaient « un tableau terrible » et « une très mauvaise image pour le monde ».

L'isolement diplomatique du pays et le coup de sang du Premier ministre à l'égard de son allié historique ne laissent toutefois pas indifférent en Israël. Sur X (ex-Twitter), Amir Tibon, journaliste du quotidien de gauche Haaretz, commentait la séquence : « Mercredi après-midi : Netanyahou se vante lors d'une conversation avec un sénateur républicain : "J'ai annulé une délégation à Washington pour transmettre un message au Hamas" (logique tordue). Jeudi après-midi : Netanyahou admet qu'une délégation se rendra à Washington. Le message au Hamas : un charlatan capricieux dirige Israël. »

Dans l'émission de télé satirique phare du pays, Eretz Nehederet (« un pays merveilleux »), on préférait rire de la séquence. Mercredi soir, les Israéliens ont pu découvrir en prime time un sketch mettant en vedette des membres du gouvernement de Benyamin Netanyahou qui ont interprété une version revisitée de la chanson caritative de 1985 We Are the World, avec de nouvelles paroles illustrant la détérioration de la position internationale de la coalition au pouvoir. Son refrain : « Sans le monde [without the world], tout ira bien ».

Commentaires 3
à écrit le 01/04/2024 à 8:09
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Génocide non mais conflit avec principalement des victimes civiles comme en Ukraine au Soudan au Yémen etc.

à écrit le 31/03/2024 à 20:40
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Dire qu en 45 ce genre de régime a fini a Nuremberg , autre temps autres moeurs

à écrit le 31/03/2024 à 19:53
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Personne n’est dupe du double jeu des USA, on fait mine de vouloir brider son allié Israël tout en continuant à fournir le matériel nécessaire à ce qui ressemble de plus en plus à un genocide.

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