La vente d'une usine du fabricant Elmos, basée à Dortmund dans l'ouest de l'Allemagne et qui produit des semi-conducteurs essentiellement destinés à l'industrie automobile, n'est pas une surprise puisque connue depuis fin 2021. L'entreprise avait en effet annoncé céder son usine pour 85 millions d'euros au suédois Silex Microsystems, propriété du groupe chinois Sai MicroElectronics. Sauf que cette reprise devrait être rejetée ce mercredi sur proposition du ministère de l'Économie lors du conseil des ministres allemand, selon une source gouvernementale.
Selon cette source, il s'agit de décider qui garde la main sur la production de "wafers", ces tranches de silicium très fines utilisées pour fabriquer des composants de microélectronique. L'acquisition « constituerait une menace pour l'ordre public et (...) la sécurité », a expliqué la source pour justifier le veto.
Fin octobre, l'Allemagne avait suscité la controverse en autorisant un investissement chinois dans un terminal portuaire de Hambourg (premier port de commerce allemand et troisième européen), même si la part cédée avait été limitée afin d'empêcher toute influence dans les décisions stratégiques de la société. Il y a actuellement 44 projets d'investissements étrangers en Allemagne à l'examen, dont 17 proviennent de Chine, indique-t-on dans l'entourage du ministère de l'Économie.
L'Allemagne veut réduire sa dépendance à la Chine
La dépendance économique de l'Allemagne à la Chine, son premier partenaire commercial, est remise en question à Berlin, dans le contexte de montée des tensions géopolitiques entre Pékin et les Occidentaux.
Si le chancelier Olaf Schoz n'entend pas tourner le dos au géant asiatique, comme l'a illustré son récent déplacement en Chine, il souhaite « des relations économiques équitables, avec une réciprocité » notamment dans les « investissements », a-t-il dit à Pékin.
La nouvelle stratégie de Berlin consiste à « réduire les dépendances unilatérales, devenir plus indépendant, empêcher la fuite des technologies clés et protéger l'infrastructure et les capacités de production propres », selon la source gouvernementale.
L'Europe face au défi de rester unie
Les relations entre les Occidentaux et la Chine sont tendues depuis la suspension de l'accord de protection des investissements à cause des violations des droits de l'homme en Chine et à Hong Kong. Mais le positionnement des Européens est rendu difficile à cause de ses dépendances en termes de semi-conducteurs, de terres rares et de minerais stratégiques.
Or, dans une période de grande tension sur les marchés de l'énergie et au moment où l'UE doit s'habituer à se priver de gaz russe bon marché, la gestion de la relation avec la Chine sera déterminante pour la sécurité économique et géostratégique de l'UE, avertissent les services de la diplomatie européenne.
Dans ce contexte, certains Européens pourraient être tentés de se jeter dans les bras des États-Unis et de rallier la stratégie d'affrontement contre Pékin en échange de la sécurité militaire et des fournitures d'énergie et de minerais par Washington. Une dangereuse, selon la mise en garde de diplomates européens.
« Il faut sortir des dépendances, pas leur substituer d'autres dépendances », avertissait le mois dernier un responsable européen à Bruxelles.
Reste à savoir si, face à cette nouvelle ère qui s'annonce, les Européens résisteront à la tentation d'avancer en ordre dispersé.
« L'UE et les États membres doivent lutter contre les tentatives de la Chine de mettre en œuvre sa tactique de "diviser pour régner" (...) et se tenir à l'écart d'initiatives isolées et non coordonnées qui affaibliraient notre position commune », préviennent les diplomates européens.
(Avec AFP)