L'Inde sera bientôt la nouvelle usine du monde devant la Chine

Le géant asiatique affiche la meilleure croissance dans le monde ces dernières années : 5,5% en moyenne, et elle devrait passer à la vitesse supérieure avec son urbanisation et sa modernisation. Mais pour l'assurer, le pays doit investir dans ses infrastructures, à hauteur de 840 milliards de dollars, estime la Banque mondiale. C'est la condition pour attirer les capitaux et les investissements des entreprises étrangères, et profiter à plein des opportunités du numérique et de la transition énergétique.
Robert Jules
L'Inde est également sur le point de devenir la nouvelle usine du monde.
L'Inde est également sur le point de devenir la nouvelle usine du monde. (Crédits : Reuters)

En 2023, l'Inde deviendra le pays le plus peuplé du monde devant la Chine avec 1,4 milliard de personnes, selon l'Onu. Et son PIB dépassera celui du Japon et de l'Allemagne en 2027, selon la banque américaine Morgan Stanley, ce qui fera de la patrie de Gandhi la troisième puissance économique du monde derrière les Etats-Unis et la Chine. En 2022, son économie devrait croître de 6,8%, selon le Fonds monétaire international (FMI), soit une croissance deux fois plus rapide que l'économie mondiale (+ 3,2%). Last but not least, c'est aussi la quatrième puissance militaire du monde.

Mais ce rôle de premier plan oblige le géant asiatique à relever plusieurs défis. L'un des plus importants est celui du développement rapide de l'urbanisation. Car l'Inde reste encore une économie émergente majoritairement rurale. 64,61% de la population indienne vit hors des grandes villes contre 37,49% pour la Chine, selon les données de 2021 de la Banque mondiale.

600 millions de citadins indiens en 2036

L'institution internationale évalue d'ailleurs à 840 milliards de dollars les investissements nécessaires à la modernisation du pays dans les 15 prochaines années, dans un rapport qu'elle vient de publier. En 2036, 40% de la population, soit 600 millions d'individus vivront dans des méga-cités. « Cela va probablement mettre une pression supplémentaire sur les infrastructures et services urbains déjà sous tension des villes indiennes, avec une hausse de la demande pour l'accès à l'eau potable, une fourniture d'énergie fiable, un réseau routier efficace et sécurisé parmi d'autres demandes », souligne Sohaib Athar, Roland White et Harsh Goyal, les rédacteurs du rapport.

Or aujourd'hui, l'Etat indien et les Etats régionaux supportent l'effort d'investissement  dans les infrastructures urbaines à hauteur de 75%, complété à 15% par les municipalités et les collectivités locales (« Urban Local Bodies »). A peine 5% sont financés par le secteur privé. En 2018, le gouvernement y a consacré un maximum de 16 milliards de dollars. L'appel au financement privé pour bâtir les nouvelles infrastructures est donc nécessaire. Ce qui passe, selon les auteurs du rapport, par des réformes structurelles menées par le gouvernement, notamment en matière de fiscalité, pour assouplir le cadre législatif permettant aux collectivités locales, notamment les mairies des grandes villes, de pouvoir lever des fonds sur les marchés privés. Parmi les autres pistes proposées, il y a l'augmentation de la taxe foncière, qui en Inde ne représente que 0,15% du PIB alors qu'elle atteint en moyenne 0,3 à 0,6% du PIB dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.

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Une telle réforme devrait booster le marché des capitaux, mais aussi celui des investissements des entreprises étrangères. L'Inde reste encore un pays très administré, dans le dernier rapport (2020) de Doing Business, elle ne se classait que 63e sur 190, alors que la Chine occupait, elle, le 31e rang. D'autant que les grandes entreprises internationales lorgnent déjà ces marchés potentiels. 75% d'entre eux comptent investir en Inde dans les 5 prochaines années, et 96% se montrent optimistes sur les perspectives de croissance du pays, selon un récent sondage réalisé par le cabinet d'études international EY, qui évalue à 475 milliards de dollars le montant qui pourrait s'investir dans le pays d'ici 2027. « Nous pensons que cette augmentation des investissements en capital contribuera à déclencher un cercle vertueux créant plus d'emplois et générant plus de revenus et d'épargne et, par conséquent, plus d'investissements », indique, pour sa part, Girish Achhipalia, analyste chez Morgan Stanley, dans une note sur les perspectives économique du pays.

Un PIB qui pourrait doubler d'ici 2031

La tendance n'est pas nouvelle. Durant la dernière décennie, l'Inde a affiché la croissance la plus rapide du monde avec un rythme moyen annuel de 5,5%. Elle est surtout bien placée pour tirer profit des « megatrends » : la délocalisation mondiale de certaines activités, ainsi que la numérisation et la transition énergétique qui seront complètement intégrées dans les futures infrastructures. Le PIB indien pourrait ainsi plus que doubler, de 3.500 milliards de dollars aujourd'hui à 7.500 milliards de dollars d'ici 2031, selon les projections de la banque américaine. Sa part des exportations mondiales pourrait également de doubler au cours de cette période, tandis que la Bourse de Bombay pourrait afficher une croissance annuelle de 11 %, atteignant une capitalisation boursière de 10.000 milliards de dollars dans la prochaine décennie.

Le géant asiatique pourrait aussi profiter du fait que nombre d'entreprises se détournent de la Chine, beaucoup plus focalisée sur le développement de son marché local plutôt dominé par des entreprises chinoises. En 2020, déjà, la part des investissements directs étrangers (IDE) en Inde représentait 2,4% du PIB contre 1,7% en Chine alors qu'elle était respectivement de 1,6% et 4% dix ans auparavant.

« L'Inde sera l'une des trois seules économies au monde à pouvoir générer une croissance annuelle de la production économique de plus de 400 milliards de dollars à partir de 2023, et celle-ci passera à plus de 500 milliards de dollars après 2028 », affirme Chetan Ahya, économiste en chef pour l'Asie chez Morgan Stanley.

Une croissance qui devrait profiter largement de l'externalisation des services d'entreprises du monde entier, comme le développement de logiciels, le service client et l'externalisation des processus métier, des activités où l'Inde est déjà le leader mondial en matière de back-office. « Dans un environnement post-Covid, les PDG sont plus enclins à accepter le télétravail à domicile ou depuis l'Inde », remarque Ridham Desai, stratégiste sur les marchés actions chez Morgan Stanley Asia. Au cours de la prochaine décennie, note-t-il, le nombre de personnes employées en Inde pour occuper des postes situés hors du pays devrait au moins doubler, atteignant plus de 11 millions, alors que les dépenses mondiales d'externalisation passeront de 180 milliards de dollars par an à environ 500 milliards de dollars d'ici 2030.

La nouvelle usine du monde

L'Inde est également sur le point de devenir l'usine du monde, car les réductions d'impôt sur les sociétés, les incitations à l'investissement et les dépenses d'infrastructure contribuent à stimuler les investissements en capital dans le secteur manufacturier. La part du secteur manufacturier dans le PIB pourrait passer de 15,6 % actuellement à 21 % d'ici 2031, en faisant doubler la part de marché à l'exportation de l'Inde.

Cette dynamique va également être soutenue par la numérisation initiée par le gouvernement il y a plus de dix ans à travers le programme national d'identification appelé Aadhaar. Chaque habitant est doté d'identifiants biométriques uniques qui, outre sa carte d'identité dématérialisée, vont lui faciliter les paiements de la vie quotidienne. Ce programme relève d'un service public, décentralisé, India Stack, offrant un système complet d'identité numérique, de paiement et de gestion des données à faible coût pour faciliter l'inclusion sociale et numérique de cette population de 1,4 milliard d'habitants. « IndiaStack est susceptible d'entraîner un changement massif dans la façon dont l'Inde dépense, emprunte et accède aux soins de santé », affirme Ridham Desai. IndiaStack compte de nombreuses applications, dont certaines rendant les prêts plus accessibles et abordables pour les consommateurs et les entreprises. « L'Inde est actuellement l'un des pays les plus sous-endettés au monde », souligne le stratégiste. Ainsi, la dette publique est équivalente à 89% du PIB, un niveau largement inférieur à celui de la France, par exemple.

Cette croissance économique potentielle va permettre d'élever le pouvoir d'achat des ménages indiens dont les dépenses pourraient passer de 2.000 milliards de dollars en 2022 à 4.900 milliards de dollars d'ici la fin de la décennie. Les secteurs du commerce de détail non alimentaire et celui des loisirs devraient en profiter.

Car même si la croissance réelle de la consommation de l'Inde est déjà la troisième derrière les Etats-Unis et la Chine, son potentiel est plus prometteur. « Les marchés américains et chinois sont plus importants mais sont relativement saturés avec une croissance relativement plus faible. L'Inde présente, elle, des opportunités de relais de croissance pour les entreprises multinationales dans la prochaine décennie », indiquent les experts de EY, estimant que sur le seul segment de l'économie digitale le marché pèsera à lui seul 800 milliards de dollars en 2030,  soit une multiplication par 10 par rapport à 2020.

Les besoins énergétiques vont augmenter de 60% en 10 ans

L'autre domaine de développement est l'énergie, vital pour favoriser l'éducation, la productivité, la communication, le commerce et la qualité de vie. Aujourd'hui, une large partie des villages, quelque 600.000, ont accès à l'électricité, grâce au développement du réseau et des infrastructures. Avec le développement économique, la consommation énergétique quotidienne du pays devrait augmenter de 60 % au cours de la prochaine décennie.

Si l'Inde utilise du charbon, les deux tiers de la nouvelle consommation d'énergie proviendront néanmoins d'énergies renouvelables telles que le biogaz et l'éthanol, l'hydrogène, l'énergie éolienne, solaire et hydroélectrique, estiment les experts de Morgan Stanley. Lors de la COP27, l'Inde a été en pointe pour que le monde s'engage à sortir rapidement de la production d'énergie à partir des hydrocarbures. New Delhi veut réduire rapidement ses importations de pétrole et de gaz, car l'enjeu de la santé est vital, le pays abritant aujourd'hui 21 des 30 villes les plus polluées au monde, contre seulement 1 en Chine.

Car même si des différences importantes existent entre les deux pays, ne serait-ce que le système politique, l'expansion économique de l'Inde a des similitudes avec celle de la Chine, notamment en termes d'investissement dans les infrastructures, de productions manufacturières, d'implantation d'activités de multinationales. « La prochaine décennie de l'Inde pourrait ressembler à la trajectoire de la Chine de 2007 à 2012 », prédit Chetan Ahya, économiste pour l'Asie chez Morgan Stanley. Et transformer l'Inde en nouvelle locomotive de l'économie mondiale.

Robert Jules
Commentaires 22
à écrit le 21/11/2022 à 10:44
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Vous voudriez accélérer, alors que face au mur, le frein est de rigueur ! Il faudra sortir de cette "politique de l'offre" reconnaissable par ses éternelles publicités et reverdir nos campagnes si l'on veut encore "manger" ! ;-)

à écrit le 21/11/2022 à 9:06
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La prochaine usine du monde, c'est l'Europe, où l'industrie redevient chic et de bon ton. Même en France, pays d'intellectuels où seul compte vraiment la capacité à se gargariser de rhétorique. Mais c'est bientôt fini : on n'a plus d'argent pour le...

à écrit le 20/11/2022 à 14:48
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Ni Inde, ni chine, ni allemagne et encore moins hongrie qui sont des pays aux jeux troubles traitres avide de pognon sale pour financer le guerre meurtrière sanguinaire des mafias meuteurs menteuses russes contre l'Ukraine

à écrit le 20/11/2022 à 10:31
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Il est urgent d’attendre pour voir si l’Inde est vraiment capable d’occuper cette place d’ « usine du monde » à la place de la Chine tant les infrastructures lui manquent. Ce Pays va rester pour un moment encore complémentaire de la Chine………

le 21/11/2022 à 14:58
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Il y a 41 ans exactement, Time magazine titrait a la Une "India, The Next Super Power". Suivi de plusieurs pages plus de 20 au total avec maintes details pour prouver que l'Inde sera la prochaine super puissance economique, militaire, financiere, ...

à écrit le 19/11/2022 à 21:02
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Comme d'habitude nos instruits et nos capitalistes primaire n'ont rien compris. Après la Chine, l'Inde et après qui? Une fois que l'Europe deviendra une zone de sous développer et que nos cupides ce feront déposséder de leurs fortune il viendront...

à écrit le 19/11/2022 à 19:55
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Bonjour, Ils est certain que le capitalisme trouvera toujours qu'elle que individus a exploitée... Après avoir enrichi la Chine est créé un géant économique et militaire, le capitalisme se réoriente pour éviter d'est pris dans le piège communistes....

à écrit le 19/11/2022 à 18:21
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On sait maintenant qui fabriquera la nouvelle mascotte pour la coupe du monde de foot 2026.

à écrit le 19/11/2022 à 16:22
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Votre article est un tissu de mensonge anticommuniste. L'inde n'a aucune planification ni aucune politique industrrielle. Elle n'a que ses vaches sacrées, la misère et le nazi Modi..... L'avenir du monde est à la Chine communiste.

à écrit le 19/11/2022 à 12:40
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L'inde va devoir ramer sévère pour s'affranchir des paramètres que sont son système de caste féodal.. sa bureaucratie étouffante.. son manque total de ressource en eau ( à Chenaï qui se voudrait la terre promise de la production hi-tech vampirisant l...

le 19/11/2022 à 15:49
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Commentaire ridicule qui accuse le blanc de tous les maux.Ces pays ont plusieurs milliers d'années d'existence et leur pauvreté n'est dû qu'à eux-mêmes, à la sur natalité . c'est bien l'homme blanc qui s'est développé bien plus vite que les autres to...

le 20/11/2022 à 11:52
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Vous avez une grille de lecture quelque peu sectaire.. la Chine a toujours été LA première puissance mondiale ( économique/culturelle ) depuis le début de l'humanité et cela c'est effondré quand les occidentaux sont venus imposés, à la force du can...

le 21/11/2022 à 9:00
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En France aussi, il y a un système de castes un peu féodal sur les bords. Et ça quand, même, finalement. N'en déplaise à tous les râleurs, et aux Tartuffes redresseurs de torts.

le 21/11/2022 à 9:06
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En France aussi, il y a un système de castes un peu féodal sur les bords. Et ça quand, même, finalement. N'en déplaise à tous les râleurs, et aux Tartuffes redresseurs de torts.

à écrit le 19/11/2022 à 10:36
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"Les besoins énergétiques vont augmenter de 60% en 10 ans".Le charbon a de beau jour devant lui " le pays abritant aujourd'hui 21 des 30 villes les plus polluées au monde, contre seulement 1 en Chine." Ah mince, le charbon ça pollue ?

à écrit le 19/11/2022 à 10:13
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En gros, l'introduction du raisonnement c'est "En 2023, l'Inde deviendra le pays le plus peuplé du monde devant la Chine avec 1,4 milliard de personnes, " Super.

à écrit le 19/11/2022 à 10:06
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Il ne faut plus partir du principe de "croissance pour la croissance" pour prévoir l'avenir ! La "Demande" devra être en baisse drastique pour pouvoir simplement vivre sur notre planète ! "Sobriété et résilience" en sont les maîtres mots ! ;-)

à écrit le 19/11/2022 à 5:08
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C'est le principal trait de valbel. Aucun recul sauf celui du mec qui a un avis sur tout. Le franchouillard jamais sorti de son hexagone.

à écrit le 18/11/2022 à 22:44
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L'inde sera l'usine et que sera l'europe ?

à écrit le 18/11/2022 à 21:13
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A priori, l'Inde est une démocratie. La Chine, on est sûr que ce n'en est pas une. Alors, à priori, je préfère l'Inde.

le 19/11/2022 à 4:26
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tu transposes un mode de gouvernance qui n'est même pas homogène (il y a aussi l'illusion de la démocratie par le suffrage, il n'y a pas une démocratie mais des démocraties....) sur d'autres civilisations ce qui est une forme d'impérialisme ou d'idéo...

le 20/11/2022 à 9:13
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Une démocratie à base de castes : On associe souvent les castes en Inde au modèle des quatre "varna" (ou "couleurs") du système brahmanique : les Brahmanes (prêtres), les Kshatriyas (guerriers), les Vaishyas (commerçants), et enfin les Shudras (trav...

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