Transition énergétique : la nécessaire et difficile désintoxication du charbon

L'Agence internationale de l'énergie (AIE) alerte à nouveau sur la nécessité d'accélérer la baisse de l'utilisation du charbon dans la production d'électricité et dans l'industrie (acier et ciment). Alors que la production et la consommation de charbon sont concentrées dans quelques économies émergentes, il est nécessaire d'aider ces pays à financer leur transition énergétique pour atteindre les objectifs de neutralité carbone à l'horizon 2050.
Robert Jules
Une mine de charbon en Indonésie.
Une mine de charbon en Indonésie. (Crédits : Reuters)

Pour réussir la transition énergétique à l'échelle du monde, la réduction de l'utilisation du charbon est « une étape clé », a averti ce mardi Fatih Birol, le directeur exécutif de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), en présentant le nouveau rapport de l'agence sur le charbon : « Coal in Net Zero transitions ». Sa combustion en fait le premier contributeur aux émissions de CO2, avec 15 milliards de tonnes rejetées en 2021, sur un total de 36,3 milliards de tonnes. Mais c'est aussi le carburant numéro 1, à 36%, pour produire de l'électricité dans le monde. Sa réduction est donc un enjeu majeur pour la planète.

Sans aucune action, l'objectif de contenir le réchauffement climatique sous le seuil des 1,5 degré, avant 2100 ne sera pas atteint. Or, alerte l'AIE, il y a urgence. « 95% de la consommation de charbon provient de pays qui se sont engagés à atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 », constate Fatih Birol. Si rien n'est fait, 330 milliards de tonnes de CO2 seront rejetés dans l'atmosphère.

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Une électricité totalement décarbonée d'ici 2040

Pour inverser la tendance, l'AIE se base sur plusieurs scénarios et mesures. Selon celui de l'APS (Announced Pledges Scenario), basé sur les engagements pris par les gouvernements, la demande mondiale de charbon doit baisser de 70% d'ici 2050 et celle de pétrole et du gaz de 40%. Dans le scénario plus ambitieux NZE (Net Zero Emissions), qui vise à la neutralité carbone en 2050, cette demande doit chuter de 90% d'ici 2050. Quant à la production d'électricité, elle doit être complètement décarbonée d'ici 2035 dans les économies développées, et d'ici 2040 à l'échelle mondiale.

Or sur les 9.000 centrales électriques au charbon actives aujourd'hui dans le monde, 75% sont installées dans les économies émergentes, avec la particularité d'être en fonctionnement en moyenne depuis 15 ans, contre 40 ans dans les pays développés. Il en est de même pour le secteur industriel (ciment, acier...) qui consomme un tiers du charbon. Les besoins des économies émergentes pour leur développement économique ont fait passer leur part dans la consommation mondiale de charbon de 50% en 2000, à 80% (50% pour la seule Chine) en 2020. Parmi celles-ci, on compte l'Indonésie, la Mongolie, la Chine, le Vietnam, l'Inde et l'Afrique du Sud.

Or, outre le prix compétitif du charbon, les gouvernements de ces pays doivent prendre en compte l'emploi dans le secteur de la houille. Si, en moyenne, à l'échelle nationale, il ne représente que 1%, en revanche, il s'élève entre 5 et 8% dans les régions productrices comme le Shanxi en Chine ou le Mpumalanga en Afrique du Sud, faisant de lui un enjeu social majeur.

A l'échelle mondiale, 8,4 millions de personnes travaillent dans le secteur, dont 6,3 millions dans l'extraction minière, la transformation et le transport, et 2,1 millions dans les centrales électriques à charbon. Dans le scénario APS de l'AIE, cet effectif pourrait être ramené à 6,1 millions d'ici 2030, par l'amélioration de la productivité et les départs à la retraite non remplacés.

Des emplois qui basculent du charbon aux métaux stratégiques

L'agence note par exemple que 40% des employés dans le charbon vivent à moins de 200 km d'un site minier, et 99% des employés des mines de charbon vivent dans des pays produisant des métaux stratégiques (cuivre, nickel, lithium...). En conséquence, nombre d'employés pourraient basculer dans l'exploitation de métaux stratégiques, dont la demande va fortement augmenter dans les prochaines années pour répondre aux besoins en batteries pour véhicules électriques, et à l'extension des réseaux électriques.

L'autre piste, c'est l'investissement massif dans les énergies renouvelables. Dans le scénario APS, 6.000 milliards de dollars seront nécessaires pour réduire les émissions, dont 90% doivent être consacrés aux énergies renouvelables (solaire, éolien, nucléaire), les 10% restant dans les capacités de stockage et dans les réseaux. Dans le scénario NZE, le montant s'élève à 9.500 milliards de dollars.

Flécher les investissements vers les énergies renouvelables

L'AIE note que l'application des plans permettrait de flécher vers les énergies renouvelables des investissements prévus aujourd'hui pour le charbon. Elle l'évalue à 1.000 milliards de dollars. Le développement des énergies renouvelables est source de créations d'emplois où ils devraient passer de 32 millions en 2019, à 54 millions en 2030, selon l'AIE.

Par ailleurs, le financement peut être innovant, à l'exemple du mécanisme du « Partenariat pour une transition énergétique juste ». Ainsi, Fatih Birol a salué l'accord de ce type annoncé ce mardi à la COP 27 par l'Indonésie, qui va lui permettre d'obtenir 20 milliards de dollars de la part des économies développées pour l'aider à financer sa transition énergétique. Le géant asiatique, troisième producteur de charbon et premier exportateur de charbon, est le deuxième pays à bénéficier de ce mécanisme après l'Afrique du Sud. Ce type de partenariat à toutefois fait l'objet de critiques car il est constitué principalement de prêts, augmentant la dette des pays concernés, et marginalement de subventions pour fermer des mines hautement productives.

C'est d'ailleurs l'autre élément clé de l'application de ces mesures : la volonté politique des gouvernements et des institutions internationales. Un bon test concerne précisément l'arrêt des projets prévus, alors que 175 GW sont encore en construction, une étape majeure dans le scénario NZE. Mais c'est fort improbable. Les quelque 100 institutions participant au financement des projets de centrales au charbon depuis 2010 n'ont pas manifesté vouloir y renoncer, constate l'AIE.

Robert Jules
Commentaire 1
à écrit le 16/11/2022 à 2:02
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Les médias nous présentent le « Partenariat pour une transition énergétique juste » comme une sortie du charbon : ce n'est pas forcément le cas. Le contrat avec l'Afrique du sud n'est pas centré sur le charbon. Entre emploi et balance commerciale, le...

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