La Fed coincée entre l'inflation et le risque de récession aux Etats-Unis

La Réserve fédérale qui a réuni son comité devrait annoncer mercredi une nouvelle hausse de ses taux directeurs, de 75 points de base, selon le consensus des analystes. Si le but est d'enrayer une inflation dont le rythme s'est accéléré ces derniers mois, l'institution monétaire doit également veiller à ne pas plonger la première économie mondiale en récession.
Robert Jules
Jerome Powell, président de la banque centrale des Etats-Unis.
Jerome Powell, président de la banque centrale des Etats-Unis. (Crédits : Reuters)

Comment calmer une hausse des prix (CPI) qui s'est affichée à 9,1% en juin aux Etats-Unis, au plus haut depuis plus de 40 ans, en évitant que l'économie américaine ne tombe en récession ? Tel est le dilemme récurrent que doit résoudre le comité de politique de la Réserve fédérale américaine (FOMC). Réunis mardi et mercredi, ses membres devraient relever - pour la quatrième fois cette année - de 75 points de base les taux des fonds fédéraux. C'est du moins ce sur quoi tablent les marchés. Dans ce cas, les taux se situeraient dans une fourchette de 2,25% à 2,5%.

La croissance économique fortement révisée à la baisse

Le scénario d'un relèvement de 100 points de base ne semble plus être de mise, les risques de récession s'étant éloignés ces derniers jours. Si dans ses nouvelles prévisions sur l'économie mondiale publiées ce mardi, le Fonds monétaire international (FMI) a révisé fortement à la baisse ses projections d'avril, l'institution table néanmoins sur une croissance des Etats-Unis de 2,3% (-1,4 point) en 2022 et 1% en 2024 (-1,3 point), même si le chef économiste du FMI, Pierre-Olivier Gourinchas avertit que "l'environnement actuel suggère que la possibilité que les Etats-Unis échappent à la récession est en effet étroite".

Pour sa part, la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, affirmait dimanche sur la chaîne NBC qu'"une récession est une contraction généralisée qui affecte de nombreux secteurs de l'économie. Nous n'avons tout simplement pas ça », faisant valoir que "le marché du travail est maintenant extrêmement solide". Le taux de chômage en juin s'établissait à 3,6% pour le troisième mois consécutif, au plus bas depuis février 2020. Toutefois, "nous sommes dans une période de transition où la croissance ralentit. Et il est nécessaire (...) de croître à un rythme régulier et durable", a-t-elle ajouté.

Lors de sa conférence de presse, mercredi, Jerome Powell, le président de la banque centrale américaine, devrait lui aussi présenter les perspectives de l'institution sur l'économie américaine, et préciser la façon dont les membres de l'institution envisagent la poursuite du resserrement monétaire. "Sa 'fonction de réaction', c'est-à-dire le cadre d'analyse des données économiques, a été assez erratique et changeante ces derniers temps. Récemment, la Fed semblait mettre davantage d'emphase sur l'inflation en temps réel - forcément choquante à plus de 9% - ainsi que sur les anticipations - erratiques - d'inflation des ménages, tout en balayant les prévisions de ses économistes internes montrant une forte baisse de l'inflation dans les prochains mois, ou les anticipations du marché obligataire, qui prévoient également une forte baisse", relève Thomas Costerg, économiste chez Pictet Wealth Management.

Dans ces conditions, même si de nouvelles hausses de taux sont probables cette année, le président de la banque centrale américaine pourrait se montrer beaucoup moins précis sur le rythme et le niveau de ces relèvements. "Même s'il y a beaucoup d'incertitude quant au niveau exact du taux des Fed Funds compatible avec une politique neutre, c'est-à-dire une politique qui n'est ni restrictive ni accommodante, ce qui est clair, c'est que le niveau actuel est toujours accommodant, et qu'il est de plus en plus en décalage avec les fondamentaux économiques, y compris le niveau élevé de l'inflation", estime pour sa part Tiffany Wilding, économiste chez PIMCO.

Un sujet hautement politique

L'inflation est devenue également un sujet hautement politique aux Etats-Unis. Le mécontentement des ménages américains qui perdent du pouvoir d'achat pourrait se traduire dans les urnes lors des élections de mi-mandat en novembre, avec le risque pour Joe Biden de perdre sa courte majorité démocrate au Congrès. L'indice de  confiance des consommateurs aux Etats-Unis publié ce mardi s'est affiché à 95,7 points en juillet (-2,7 points par rapport à juin). C'est le troisième mois consécutif de baisse, en raison des craintes persistantes de récession.

Lundi, le président américain exhortait à nouveau les élus à voter le plan, toujours bloqué, d'un montant de 52 milliards de dollars pour investir dans la production de semi-conducteurs aux Etats-Unis. Ces puces électroniques sont indispensables aux fonctionnement de nombreux produits, notamment des automobiles dont la production a été freinée par les pénuries de ces composants vitaux.

Joe Biden cherche à relancer à tout prix la machine économique américaine, ce qui n'est pas sans conséquence. "Sans le dire, la Fed est également sous pression politique intense de l'administration Biden qui elle-même cherche les solutions à cette inflation, alors même que ses racines sont justement surtout budgétaires, commerciales et géopolitiques. On pourrait se demander si la Fed néanmoins ne conduit pas trop sa politique "au rétroviseur", considère ainsi Thomas Costerg.

Dans ces conditions, Jerome Powell pourrait se montrer mercredi lors de sa conférence de presse plutôt évasif sur son calendrier et renvoyer à la réunion de septembre pour clarifier les futures actions de la politique monétaire.

Robert Jules
Commentaires 3
à écrit le 27/07/2022 à 12:09
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Bienvenu en 1984... L'inflation n'a rien à voir avec les émissions monétaires... ni le fait que les entreprises surendettés aux prets covid doivent rembourser un pret qui ne leur a procuré aucune productivité supplémentaire... En temps de guerre com...

à écrit le 27/07/2022 à 8:02
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En coupant les relations énergétiques entre la Russie et l'Europe, les USA se sont tirés une balle dans le pied en affaiblissant l'économie européenne qui est sa principale source de richesse. Quand l'Europe va mal, les USA s'écroulent, et cela depui...

à écrit le 26/07/2022 à 19:55
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Ce n'est pas la FED, qui est coincée, c'est Joe Biden. C'est lui qui a ordonné à la FED, il y a six mois, qu'elle n'augmente pas ses taux d'intérêts, raison pour laquelle elle est obligée de le faire en catastrophe aujourd'hui. Joe Biden est le seul ...

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