Le Venezuela, un pays de plus en plus pauvre avec un sous-sol si riche

Le pays, qui détient les plus importantes réserves de pétrole au monde, est sévèrement affecté par la chute des cours du brut. Alors qu'il espère encore un rééquilibrage des fondamentaux du marché mondial dans les prochains mois, facteur de remontée des prix, le Venezuela cherche à endiguer les effets de la crise économique. Sans succès.
Sarah Belhadi
Le Venezuela, géant pétrolier qui s'enlise dans le chaos politique et économique, a décuplé le prix de la farine de maïs, un ingrédient de base dans ce pays. Photo : la Tour David, un immeuble de 45 étages à Caracas transformé en squat, finalement évacué à l'été 2014.
Le Venezuela, géant pétrolier qui s'enlise dans le chaos politique et économique, a décuplé le prix de la farine de maïs, un ingrédient de base dans ce pays. Photo : la Tour David, un immeuble de 45 étages à Caracas transformé en squat, finalement évacué à l'été 2014. (Crédits : Reuters)

Le Venezuela serait-il amnésique ? En 1999, l'année d'arrivée au pouvoir de Hugo Chavez, la chute des cours avait engendré une grave crise économique. Si le nouveau président engage alors des réformes sociales pour lutter contre la pauvreté, aucune leçon n'est tirée de la nécessité de diversifier l'économie d'un pays qui tire 96% de ses revenus de l'or noir. De fait, depuis bientôt deux ans, avec un baril qui a chuté jusqu'à 30 dollars, le pays s'est enfoncé dans une grave crise économique qui menace de tourner au chaos sur fond d'affrontements violents entre opposants et partisans du gouvernement socialiste de Nicolas Maduro.

Un pays malade de son inflation

Un chiffre symbolise les difficultés, celui des des revenus du pays, qui ont fondu de 80 milliards de dollars en 2013 à 20 à 25 milliards de dollars en 2015 (selon les estimations). La dette publique, elle, frôle les 60% du PIB. Depuis des mois, pour tenter de résorber le déficit, la banque centrale vénézuélienne (BCV) fait tourner la planche à billets, à tel point que le pays détient désormais le record mondial d'inflation : plus de 180% en 2015, et le Fonds monétaire international (FMI) table sur une inflation de 700% cette année. La masse monétaire augmente, et les prix grimpent de façon vertigineuse.

Le 30 avril, le président Nicolas Maduro a annoncé une augmentation du salaire minimum de 30% pour redonner un peu d'oxygène à la population et pour ralentir l'escalade de la grogne sociale. Depuis plusieurs mois, l'opposition dénonce l'incurie de Nicolas Maduro et réclame sa démission. Quant à la population, 68% des Vénézuéliens souhaitent désormais que le président quitte son poste.

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Des partisans de l'opposition, brûlent des pneus et réclament un référendum pour écarter du pouvoir le président Nicolas Maduro. Manifestation à San Cristobal , au Venezuela , le 18 mai 2016.(Photo Carlos Eduardo Ramirez, Reuters)

Arrivé au pouvoir en 2013 à la mort de l'icône Chavez, emporté par un cancer, le président s'accroche à son siège, et espère que les prix du brut grimpent de nouveau. Mais contrairement à son prédécesseur qui tapait régulièrement du poing sur la table pour un relèvement des prix, Maduro peine à s'imposer au sein de l'Opep dont le pays est membre. En attendant, il improvise.

>>>LIRE AUSSI : L'opposition déterminée à déloger Nicolas Maduro

Trois semaines après les annonces de majoration de salaires, Maduro cède à la pression des industriels qui demandent une revalorisation des prix de vente des denrées alimentaires contrôlés par l'Etat. Lundi 23 mai, le prix de la farine de maïs a été multiplié par dix. Gelé depuis 15 mois, cet ingrédient de base est passé de 19 bolivars le kilo à 190 bolivars. Quant au prix du poulet, gelé depuis février 2015, il a été multiplié par 13 : de 65 à 850 bolivars.

Les rayons des magasins désespérément vides

Si les prix des produits de première nécessité atteignent des sommets, ils deviennent aussi de plus en plus rares. Les queues pour acheter des denrées alimentaires dans des magasins d'Etat sont interminables. Mais les étals des magasins sont vides, et les 30 millions de Vénézuéliens peinent a se nourrir à leur faim.

Venezuela

Venezuela

Un supermarché de Caracas, 9 janvier 2016 (photos Jorge Silva, Reuters)

Un sondage réalisé en avril, rapporté par le Miami Herald, avance que seulement 54% des interrogés mangent trois fois par jour. Depuis des mois, ces graves pénuries alimentaires engendrent émeutes et pillages, voire des lynchages.

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Toute la nourriture d'Antonio Torres et sa famille est étalée sur une table, dans leur maison. Caracas,vendredi 22 avril (photo Carlos Garcia Rawlins)

Les entreprises sont quant à elles à l'arrêt. Faute d'approvisionnement en sucre, le géant américain Coca-Cola a annoncé la suspension de sa production cette semaine. La liste s'allonge : Kraft Heinz, Clorox. En avril, le producteur vénézuélien de bière Empresas Polar SA avait aussi annoncé l'arrêt de ses activités en raison du manque de malt d'orge.

Pour quelques dollars de plus...

Certes, la baisse des prix du pétrole a accentué la crise économique, mais la population paye aussi les conséquences de son système de changes. Le taux officiel (1 dollar pour 6,30 bolívars), censé s'appliquer aux biens prioritaires importés (denrées alimentaires, médicaments), ne correspond pas à la réalité du marché. Un autre taux est appliqué aux entreprises et aux particuliers (471 bolivars pour le taux légal).

Mais dans un contexte où le Venezuela ne produit rien et importe tout (option beaucoup plus rentable en période de prospérité économique), le billet vert est très convoité. Avec la chute des prix du pétrole, les réserves en dollars ont fortement diminué, et le gouvernement impose des restrictions encore plus sévères que d'ordinaire en contrôlant les opérations de changes. Pour trouver des dollars - mission quasi impossible de façon officielle -, la population a recours au marché noir, mais les taux pratiqués y sont extrêmement élevés.

Sur le site DolarToday qui répertorie les cours du marché parallèle (hébergé à l'étranger car interdit au Venezuela...), le dollar s'échangeait plus de 1.000 bolívars mercredi 25 mai. Alors que les niveaux d'inflation sont incontrôlables, le billet vert est la valeur refuge. Mais les distorsions économiques et sociales s'accentuent entre ceux qui peuvent y avoir accès, et les autres.

Sarah Belhadi
Commentaires 18
à écrit le 16/09/2017 à 1:51
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Quand un pays est dirigé par des économistes amateurs voila le résultat !

à écrit le 31/05/2016 à 10:05
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Zut alors et moi qui croyait qu'il suffisait de lire Alternatives Economiques ou de faire la révolution citoyenne avec Jean-Luc Mélenchon !

à écrit le 30/05/2016 à 11:16
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Nos Melenchon et autres Martinez n'aurons jamais l'honnêteté de dénoncer ce désastre humanitaire directement causé par le dogme socialiste. Ou alors ils vont nous expliquer que c'est parce que le Venezuela n'a pas été assez socialiste ...

à écrit le 30/05/2016 à 9:36
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Voilà ce qui se passe lorsque l'on suit une logique similaire à celle du Zimbabwe qui n'arrive toujours pas à se relever. On peut cependant espérer que la remontée du prix du baril puisse les aider à améliorer la situation. Néanmoins, plutôt que d...

à écrit le 29/05/2016 à 20:07
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Une honte d'affamer ainsi son peuple ! Ces financiers politiques qui se gavent doivent être mis au ban de l'humanité et condamnés !

à écrit le 29/05/2016 à 10:12
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le Venezuela est l'un des rares pays producteurs de pétrole à ne pas avoir investi dans le raffinage, à un point tel que l'essence abondamment consommée ( en raison d'un prix de vente ridiculement bas largement inférieur au prix de revient) doit être...

à écrit le 29/05/2016 à 7:57
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Voir "la cigale et la fourmi" qui va être la fourmi?

à écrit le 29/05/2016 à 1:14
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Une bonne gestion socialiste ça vous transforme un pays structurellement riche en pays de misère. Oui, mais la morale est sauve!!!!! L'humanisme lumineux reste de rigueur!!!!!!

le 29/05/2016 à 9:57
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"Le vice inhérent au capitalisme consiste en une répartition inégale des richesses. La vertu inhérente au socialisme consiste en une égale répartition de la misère" (Churchill). Encore qu'en socialisme, une petite nomenklatura d'obligés et de zélateu...

à écrit le 28/05/2016 à 18:00
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Le Venezuela est aujourd'hui une véritable dictature. Avec Chavez il restait une démocratie très dirigiste et clientéliste. Un populisme autocratique avec un leader charismatique. Le choses ont changé . L'opposition a largement gagné les législati...

le 29/05/2016 à 9:51
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Si Chavez n'était pas mort, nul doute que devant le fiasco économique réduisant à néant la possibilité de clientélisme, le régime aurait évolué de la même façon dans le sens autoritaire. C'est EXACTEMENT le même schéma qu'a connu l'Europe de l'Est (n...

le 29/05/2016 à 14:50
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@bruno_bd Le but de Chavez était clairement de s'imposer comme dictateur, son parcours le prouve. Mais c'est Maduro, "l'héritier" improvisé, emmené par le mouvement, qui y est arrivé. Il n'y a pas de gentil et de méchant. Seulement la poursuite du p...

le 29/05/2016 à 17:32
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j'aime vraiment votre commentaire. Vous êtes JUSTE

à écrit le 28/05/2016 à 9:41
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le voila, le reve ""pas liberal pour deux sous"" des geignards neo keynesiens et ultra marxistes qui viennent en permanence gemir sur latribune ils peuvent etre fiers de leur ideologie qui amene les gens a la pauvrete, comme le souhaitait deja lenin...

le 28/05/2016 à 15:23
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Beaucoup de gens se disent marxistes pour mieux torpiller le marxisme.Alors, si vous voulez connaître le marxisme apprenez-le de l'auteur lui-même(https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/ ; http://classiques.uqac.ca/classiques/Mar...

le 29/05/2016 à 8:03
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"La pauvrete pour tous, ca n'a rien de ultra neo liberal, " a oui ? Et pourtant c'est ce qui se passe en Europe! Vous avez du louper une étape ou alors vous êtes du bon coté!

le 29/05/2016 à 10:06
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@Fredplomb : même en Grèce, subissant selon certains un véritable enfer, les conditions d'existence sont 1000 fois meilleures qu'au Venezuela (notamment parce que l'UE a empêché Tsipras d'appliquer son programme qui aurait fait de la Grèce un second ...

à écrit le 28/05/2016 à 9:30
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Regardez M.Martinez, Mailly, Besancenot et autres consorts, ce pays est le résultat de vos idées et de votre dogme !

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