Le prix du baril de pétrole dégringole, au plus bas depuis 15 mois

La panique des marchés financiers après la faillite de la banque californienne SVB se propage au marché pétrolier, où les prix du baril sont tombés à leur plus bas niveau depuis décembre 2021, perdant quelque 7% en séance. Malgré les incertitudes sur la croissance mondiale et la demande d'or noir, le ministre de l’Énergie saoudien met en garde sur le sous-investissement dans le développement de nouvelles capacités de production.
Robert Jules
(Crédits : Reuters)

La forte baisse des marchés financiers mondiaux, qui s'inquiètent d'un risque systémique après la faillite de la banque californienne SVB, se propage au marché pétrolier. Déjà plombé par les incertitudes macroéconomiques, les pressions inflationnistes, la hausse des taux sur la croissance économique mondiale, la poursuite de la guerre en Ukraine, et le peu d'efficacité des sanctions occidentales sur les exportations de pétrole russe, les prix du baril de brut ont enregistré ce mercredi leurs plus bas niveaux depuis décembre 2021.

Sur les marchés à terme, le prix du baril de Brent chutait dans l'après-midi de quelque 6,8% à 72,2 dollars, soit une baisse de 12,7% sur un mois et de 22,6% sur un an. Quant à la référence américaine, le baril de WTI, elle dégringolait de 7,5%, à 65,8 dollars, soit une baisse de 13,5% sur un mois et de 25,6% sur un an.

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Une demande mondiale en hausse, tirée par la Chine

Une tendance baissière qui pourrait toutefois atteindre ses limites. Dans son dernier rapport mensuel, l'Opep estime toujours à 101,9 millions de barils par jour (mb/j) la demande mondiale en 2023, en hausse de 2,33% par rapport à 2022. Une croissance menée notamment par la Chine qui devrait consommer 15,6 mb/j cette année, soit 4,73% de plus qu'en 2022, en raison de la reprise de l'activité consécutive à la fin de la politique « zéro Covid ».

Malgré cette hausse des besoins, l'Opep+ (le partenariat qui réunit les pays membres de l'Opep et 10 autres pays exportateurs dont la Russie) ne devrait pas changer sa politique actuelle de production. Son quota est fixé à 38,74 mb/j, depuis l'accord de réduction de 2 mb/j décidé en octobre (en réalité 1 mb/j car certains pays n'atteignent pas leurs quotas). « À ceux qui continuent de penser que nous allons ajuster l'accord avant la fin de l'année, je leur dis qu'ils devront attendre jusqu'au vendredi 29 décembre 2023 pour leur démontrer notre engagement à tenir notre accord actuel », a averti cette semaine le ministre saoudien de l'Énergie, le prince Abdelaziz ben Salman, dans un entretien accordé au cabinet d'intelligence économique spécialisé dans l'énergie, Energy Intelligence.

L'Arabie saoudite sur la même ligne que la Russie

De fait, le niveau actuel des prix n'est pas de nature à pousser l'Opep+ à augmenter  son offre. Le panier de l'Opep (moyenne des prix des 13 bruts de l'organisation) s'affichait mardi à 78,92 dollars, se rapprochant de son dernier point bas, à 78,25 dollars, atteint fin février. Or, pour l'Arabie saoudite, le prix plancher est de 80 dollars le baril, notamment pour établir son budget public, dans lequel les revenus du pétrole pèsent pour plus de 65%.

En attendant la reprise de la demande de la Chine, le marché pétrolier reste sous l'influence des sanctions occidentales, critiquées par le prince Abdelaziz ben Salman.

« Si un plafonnement du prix avait été imposé aux exportations du pétrole saoudien, nous n'aurions plus vendu de pétrole aux pays qui imposent un tel plafond, et nous aurions réduit notre production de pétrole, et je n'aurai pas été surpris que les autres fassent de même », a-t-il indiqué.

C'est d'ailleurs exactement ce qu'a fait la Russie, en annonçant le 10 février une réduction de 500.000 b/j, soit environ 5%, de sa production quotidienne, en réponse à l'embargo européen et le plafonnement des prix du G7 sur les ventes internationales des produits pétroliers russes depuis 5 février, et celles de brut le 5 décembre 2022.

Le message est donc clair, l'Arabie saoudite soutient la Russie sur ce point, les deux leaders du partenariat Opep+ étant sur la même longueur d'onde.

Vers une loi américaine anti-trust contre l'Opep+?

Par ailleurs, la semaine dernière, certains élus du Sénat des Etats-Unis sont revenus à la charge pour faire voter la loi Nopec (National Oil Production and Export Cartels Against Oil Cartels Act), une initiative trans-partisane, qui permettrait de poursuivre l'Opep+ au nom de l'anti-trust, qui cible les acteurs qui s'entendent pour contrôler la production d'un produit et influencer les prix à leur avantage.

Ces élus avaient lancé ce projet de loi après la décision en octobre de l'Opep+ de réduire leur offre de 2 mb/j.

« Le projet de loi Nopec ignore l'importance de disposer de capacités de production inutilisées et les conséquences que cela peut avoir sur la stabilité du marché pétrolier. En sapant les investissements dans les capacités de production, un tel projet de loi aboutirait à une offre mondiale très inférieure à la demande future. Les conséquences se feraient sentir partout dans le monde, autant sur les producteurs que sur les consommateurs, ainsi que sur l'industrie pétrolière », explique le prince Abdelaziz ben Salman.

C'est en effet la possession de stocks et de capacités disponibles qui permet d'absorber des chocs de demande pétrolière et d'atténuer une envolée des prix.

Dans son rapport mensuel, l'Opep estime qu'en janvier les stocks commerciaux pétroliers (brut et produits raffinés) des pays de l'OCDE s'élevaient à 2,8 milliards de barils, soit 147 millions de plus qu'en janvier 2022.

Néanmoins, c'est un niveau inférieur de 75 millions de barils à celui de la moyenne des cinq dernières années, et de 124 millions sur la moyenne de la période 2015-2019. Ce niveau actuel des stocks de l'OCDE couvre 60,8 jours de consommation, c'est 2,9 jours de plus qu'en janvier 2022, mais 3,1 jours de moins que la moyenne des cinq dernières années.

Nécessité d'avoir un niveau de stocks confortable

C'est un problème au yeux du ministre saoudien. « Il est crucial que des politiques soient mises en place pour soutenir les investissements nécessaires pour augmenter la capacité inutilisée en temps opportun, et que les stocks d'urgence mondiaux soient maintenus à un niveau adéquat et confortable », recommande Abdelaziz ben Salman, précisant que le royaume va porter sa capacité de production à 13,3 mb/j d'ici à 2027, contre 12,23 mb/j, estimée aujourd'hui par l'AIE.

Une tendance de moins en moins suivie en Occident, où la pression monte pour cesser le financement dans l'industrie des hydrocarbures. Ainsi, la banque néerlandaise ING a annoncé mardi qu'après avoir cessé tout financement dans la recherche et la production de nouveaux champs de pétrole et de gaz, elle allait progressivement se retirer du financement des infrastructures et du négoce du secteur du pétrole et du gaz, pour se tourner vers l'investissement dans les énergies renouvelables.

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Robert Jules
Commentaires 5
à écrit le 16/03/2023 à 17:11
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C'est drôle, quand le prix baisse on ne le voit pas à la pompe tout de suite et peu significatif, par contre dès qu'il monte....oui nous sommes des dindons, des dindons de la farce. A quel prix il devrait être à 70dollars le baril???? l'arnaque des p...

à écrit le 16/03/2023 à 16:12
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Le litre d'essence est toujours à 1,90 EUR. Les hausses sont répercutées immédiatement. Mais quand ça baisse, il faut attendre des semaines avant de le voir à la pompe.

à écrit le 16/03/2023 à 12:35
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Heureusement les pétroliers ont mis en place une mesure contre la baisse des prix à la pompe... moins de 2 euros y disent !

à écrit le 15/03/2023 à 20:10
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le covid saoudien donc! sinon faut arreter de prendre les gens pour des cons, le baril a 80 c'est ok pour tout le monde

à écrit le 15/03/2023 à 19:31
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Les cours pétroliers mondiaux sont au plus bas tandis que les distributeurs français sont à sec... un hasard?

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