L'Onu a décrété que le 7 octobre serait désormais la journée mondiale du coton. Hasard du calendrier, la célébration va se faire alors que les cours se son hissés à leur plus haut niveau depuis 10 ans. Sur le marché à terme américain (ICE), le contrat de référence sur le coton a terminé mardi en hausse de 3,8%, à 1,09 dollar la livre. Et mercredi, il passait les 1,1 dollar. Il faut remonter à septembre 2011 pour retrouver un prix plus élevé. Si depuis un an, les cours ont bondi de quelque 72%, c'est surtout depuis le 20 septembre qu'ils ont commencé à flamber, de plus de 22%.
Fortes pluies aux Etats-Unis
"Aux États-Unis, le plus grand exportateur de coton au monde, de fortes pluies menacent les récoltes dans les principales régions productrices comme le Texas et le delta du Mississippi, tandis que certaines régions productrices en Inde sont infestées par les chenilles. Les averses aux États-Unis ont donc retardé la maturation et la récolte du coton, faisant grimper les prix", explique Michael Haigh, responsable de la recherche sur les matières premières chez Société Générale.
Outre cette tension, le coton bénéficie comme d'autres matières premières d'une forte demande mondiale avec la reprise économique. Selon l'ICAC (International Cotton Advisory Committee), la consommation mondiale devrait s'établir à 25,9 millions de tonnes sur la saison 2021/2022, après avoir bondi de 12,4% sur la saison 2020/2021, à 25,5 millions de tonnes.
"La demande des principaux consommateurs que sont la Chine, le Vietnam et le Pakistan augmente et doit être satisfaite rapidement. Le retard de la récolte américaine dû aux pluies met les pays importateurs en difficulté pour sécuriser l'approvisionnement, renforçant la tendance haussière sur le marché du coton", souligne Michael Haigh.
Or l'offre peine à suivre. "Même si la production mondiale de coton est prévue d'augmenter de 6% sur la saison 2021/22 pour atteindre 25,7 millions de tonnes, elle reste encore à un niveau plus bas que le niveau d'avant-pandémie", souligne l'ICAC, même si "l'Australie, le Brésil et les Etats-Unis devraient voir leur production augmenter, compensant les baisses prévues chez les deux plus grands producteurs mondiaux, la Chine et l'Inde", précise le comité international.
Ajustement par les stocks
Conséquence, l'ajustement se fera à nouveau cette année par les stocks, après deux saisons déficitaires. Ainsi, l'ICAC a révisé à la baisse le niveau des stocks de fin de saison pour 2021/2022, de 5%, à 20 millions de tonnes.
La Chine et l'Inde, qui sont les premiers pays consommateurs mondiaux - mais aussi les deux premiers producteurs mondiaux -, doivent donc importer davantage de fibres pour faire tourner leurs filatures et leurs productions de vêtements, augmentant les volumes de coton échangés sur le marché international. Ces derniers devraient s'établir à 10,29 millions de tonnes sur la saison 2020/2021, le volume le plus élevé jamais atteint. "Le sentiment de la filière est positif, compte tenu des niveaux élevés de ventes au détail de textiles observées dans de nombreux pays développés", assure l'Icac.
Cette tendance est confirmée par le département de l'Agriculture américain qui précise que "les exportations de coton des Etats-Unis sur la saison 2020/2021 ont atteint leur plus haut niveau depuis 15 ans".
L'Oncle Sam profite toujours de mesures de rétorsion prises par Donald Trump que Joe Biden n'a pas remises en cause au grand dam de Pékin. En 2020, l'ancien président conservateur avait banni l'importation de vêtements en provenance de la région du Xinjiang, qui se trouve être aussi la première région productrice de coton de la Chine, au motif qu'ils étaient produits par le travail forcé de prisonniers ouïghours.
Ce qui a conduit au paradoxe suivant : les Chinois augmentent leurs importations de coton en provenance des Etats-Unis pour les transformer en vêtements exportés vers les... Etats-Unis. Au mois d'août, ces importations ont bondi de 83%, selon le département de l'Agriculture américain.
Des cours qui vont alimenter l'inflation
Si les cours restent aux niveaux actuels - d'autant qu'ils bénéficient aussi d'achats de substitution aux fibres synthétiques devenues chères en raison de l'envolée des prix du pétrole -, ils devraient alimenter l'inflation, le renchérissement des cours de la fibre se répercutant tôt ou tard sur le prix des vêtements.
Mais c'est une bonne nouvelle pour les producteurs. Comme le rappelle l'Onu, à l'occasion de sa Journée mondiale du coton, la fibre blanche est cultivée dans 70 pays (dont certains comptent parmi les plus pauvres), la production d'une tonne fournit un emploi à 5 personnes tout le long de l'année, et elle a une empreinte carbone négative, un bon point dans la lutte contre le réchauffement climatique.