Métaux stratégiques : la souveraineté de l’Europe passe par l'économie circulaire

Aujourd'hui, l'Europe importe pratiquement tous ses besoins en métaux stratégiques (lithium, cobalt, cuivre, terres rares...) pour produire notamment les batteries de ses véhicules électriques. Si, pour réduire sa dépendance dans les prochaines années et assurer son développement industriel, l'Europe doit relocaliser la production minière, elle doit également accélérer le développement de l'économie circulaire des métaux, préconise un rapport publié par le think tank Systemiq.
Robert Jules
L'Europe importe aujourd'hui 98% de ses besoins en lithium.
L'Europe importe aujourd'hui 98% de ses besoins en lithium. (Crédits : Reuters)

Pour assurer sa transition énergétique, l'Europe dépend aujourd'hui largement de ses importations de métaux (jusqu'à 98% pour certaines d'entre eux comme les terres rares) : lithium, cobalt, nickel, cuivre, graphite, silicone, platinoïdes. Ces métaux sont vitaux pour développer les infrastructures des réseaux électriques, produire les batteries des véhicules électriques ou encore les panneaux solaires photovoltaïques. Ils ne sont pas rares puisque la production et les réserves mondiales devraient couvrir les besoins au moins jusqu'en 2030, en revanche, ils sont stratégiques pour le développement de filières industrielles européennes dans une économie décarbonée.

Or, « l'accent mis actuellement par l'Union européenne sur la diversification de l'approvisionnement, le renforcement de la production nationale et la promotion du recyclage est vital mais insuffisant aujourd'hui pour assurer la résilience », constatent les auteurs d'un rapport publié par le think tank Systemiq et financé par la Fondation européenne pour le climat.

Retrouvez notre hors-série : Les métaux stratégiques, nerf de la guerre de la transition énergétique

Diversifier les fournisseurs et constituer des stocks

Les perturbations voire les pénuries (par exemple celle des semi-conducteurs) des chaînes d'approvisionnement entraînées par la pandémie du Covid-19, le blocage accidentel du Canal de Suez, les tensions géopolitiques, notamment entre la Chine et les Etats-Unis, et l'invasion de l'Ukraine ont fragilisé l'Europe depuis 2020 en raison de son étroite dépendance à d'autres pays comme la Chine et la Russie. Et si une meilleure organisation de ces chaînes, qui passe par la diversification des fournisseurs et la constitution de stocks, permet d'amortir les chocs d'offres, dans certains cas, elle atteint ses limites, notamment dans les métaux.

Le cobalt en est un cas emblématique. Son principal débouché, à 57%, est la batterie pour véhicule électrique. Avec la transition énergétique, sa demande va passer de 135.000 tonnes en 2020... à 800.000 tonnes en 2050, soit une hausse de 490%, indique le rapport de Systemiq! Or, l'offre mondiale de minerai est extraite aujourd'hui à 74% en République démocratique du Congo (RDC), qui compte parmi les pays les plus pauvres et instables de la planète, et l'offre mondiale de métal est raffinée à 68% en Chine.

Pour réduire la dépendance, la relocalisation de la production minière en Europe est une partie de la réponse. Mais mettre en exploitation des gisements prend du temps, exige des investissements conséquents, et ce type de projet rencontre l'hostilité d'une partie de la population qui craint la pollution et les dégâts environnementaux, à l'exemple de la suspension du projet d'exploitation d'une mine de lithium en Serbie par l'entreprise Rio Tinto, le plus important du continent. Pour calmer les inquiétudes, l'Union européenne, en particulier la France, souhaite définir un cahier des charges permettant de délivrer un label de « mine durable » qui réduisent les nuisances de l'activité.

Lire aussiTransition énergétique et souveraineté : Imerys projette d'extraire du lithium dans l'Allier

Appliquer les 4R

En attendant, le développement de l'économie circulaire offre également des pistes pour moins dépendre du secteur minier hors Europe. Ainsi, le rapport de Systemiq « appelle les décideurs politiques et l'industrie à envisager d'introduire et de soutenir plus rigoureusement les principes de l'économie circulaire dans le cadre de l'économie circulaire 4-R qui est aligné sur les Principes du Groupe international des ressources des Nations unies ». Une telle approche consiste à repenser, réduire, réutiliser et recycler. Les trois premières actions impliquent non seulement de faire évoluer les technologies mais aussi de favoriser le changement des comportements des consommateurs.

Ces experts incitent ainsi à repenser notre rapport au transport en promouvant davantage l'accès que la propriété, comme le montre le recours à l'autopartage, qu'a développé la plateforme WeShare pour optimiser l'usage des véhicules ou encore en recourant au péage urbain, qui, selon des études, réduit en moyenne le trafic urbain de 10%, en poussant les usagers à utiliser les transports en commun. Autre exemple, l'installation de structures de panneaux solaires au-dessus de l'eau qui a l'avantage d'augmenter le rendement grâce à la réverbération et de limiter l'évaporation.

Le rapport milite aussi pour la réduction ce qui peut passer par la substitution de certains métaux dans les nouveaux modèles de batteries. Aujourd'hui, la batterie LFP (Lithium-Fer-Phosphate) n'utilise ni cobalt, ni nickel. Elle est déployée par Tesla, Toyota, BYD, BMW... Demain, elle pourrait même se passer de lithium, selon certains experts. Autre exemple, déjà en production, la substitution dans les cellules photovoltaïques du silicium par la pérovskite, un minéral plus abondant, moins cher et ayant un rendement plus élevé.

Autre piste, qui touche davantage au comportement des consommateurs : baisser la demande de véhicules neufs. Une étude a calculé qu'une baisse moyenne de 1,4% par an entraînerait une réduction de moitié de la consommation totale de métaux primaires (issus de la mine) du secteur automobile d'ici 2050.

Quand à la réutilisation, les auteurs citent l'exemple de l'énergéticien allemand RWE qui a mis en service un système de stockage d'énergie à Herdecke, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, dans lequel sont utilisées des batteries lithium-ion usagées des voitures électriques Audi, qui trouvent là un nouvel emploi. Un tel usage à grande échelle pourrait être une importante source d'économie de métaux.

Une demande tendue jusqu'en 2030

Enfin, le recyclage est nécessaire. La priorité est d'investir pour améliorer et rendre économiquement plus compétitifs les processus de recyclage de métaux stratégiques. Ainsi, l'entreprise américaine Redwood Materials affirme pouvoir recycler 95% des métaux utilisés dans les batteries lithium-ion, avec un coût de production inférieur à celui de métaux issus de la production primaire (minière). VW USA, Toyota, Ford et Volvo sont ses principales sources d'approvisionnement.

Les mesures préconisées dans le rapport tiennent compte de l'évolution de la demande de métaux, qui va être tendue en Europe jusqu'en 2030 en raison du boom de la demande liée à l'accélération du basculement du parc automobile thermique vers un parc automobile électrifié et le développement des énergies renouvelables comme le solaire et l'éolien. En effet, à partir de 2030, on verra se manifester les premiers effets de l'économie circulaire, qui augmenteront progressivement jusqu'à être en forte hausse en 2045, en raison du recyclage massif des batteries des véhicules électriques installées en 2030 - la durée de vie moyenne d'une batterie est de 15 ans -, qui permettra de récupérer 95% des métaux contenues dans la batteries. La demande européenne de métal primaire passera ainsi de 90% en 2030 à environ 20% en 2050.

Si ces projections apparaissent plutôt optimistes, le rapport souligne que ce sont les décisions prises aujourd'hui qui auront un effet sur notre approvisionnement à long terme des matériaux critiques. « Sans un changement profond du système économique actuel conduisant à une réduction importante de la consommation globale des ressources, en particulier dans les pays à revenu élevé, les objectifs climatiques de Paris sont hors de portée », avertit Janez Potočnik, associé chez Systemiq Partner et co-président du Groupe international d'experts sur les ressources.

Robert Jules
Commentaires 9
à écrit le 15/11/2022 à 16:06
Signaler
Bonjour, Je suis un petit récupérateur par habitude, cuivre laiton zinc plomb inox. Mais malgré des poids-lourds du recyclage, personne n'est capable de détecter rémunérer contrôler ces métaux critiques. Néodyme, tantale, carbure de tungstène, et...

à écrit le 15/11/2022 à 15:37
Signaler
Relocaliser quoi et où ???? Certainement pas en France sinon pourquoi les boîtes ce sont barrées en Pologne, Roumanie, Slovaquie etc.. par ailleurs avec un coup énergétique de folie partout en UE justement, vous n'allez miner que de l'utopie.. ça bra...

à écrit le 15/11/2022 à 12:56
Signaler
Bonjour, Certe pour le recyclage.. Mais pour l' alimentation, vous repasserai... Payer trops chère pour des produits cultiver a 10 km , vous repasserai... Bien sûr, si nous étions riche , mais nos salaire ne suivent même pas l'inflation.... Donc...

le 15/11/2022 à 17:48
Signaler
Lancez-vous dans la récupération cela vous procurera un revenu d'appoint non négligeable .

à écrit le 15/11/2022 à 11:50
Signaler
L'économie circulaire, c'est une bonne idée. Encore faudrait-il que l'Europe tourne rond... ;)

le 15/11/2022 à 12:59
Signaler
Bien sûr, Mais faut ils que nos agriculteurs ne nous prends pas pour des fruits....

à écrit le 15/11/2022 à 11:36
Signaler
Il faut lire "Terres rares" de Jean Tuan chez C.L.C. Éditions. L'auteur sous forme de fiction dévoile la réalité des coups tordus de la Chine qui en échange des minéraux rares dont elle dispose en quantité s'accapare les ressources essentielles d'un...

à écrit le 15/11/2022 à 9:50
Signaler
Les déchets y compris les liquides chargés qui passent par l'assainissement sont les matières premières de demain, quand aux puces électroniques combien sont récupérables dans nos déchets.. Les déchets sont de l'or.. Qu'en pense notre ministre de l'I...

à écrit le 15/11/2022 à 8:42
Signaler
Vous parlez sans cesse de la souveraineté de l'UE de Bruxelles alors que le but de sa construction est d'en faire un immense reservoir de consommateur bien uniforme ! ;-)

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.