La baisse des prix des métaux s'accélère mais gare à la flambée lors de la reprise économique

Le risque de récession économique mondiale entraîne une moindre demande de métaux, qui se reflète dans la baisse des prix. Elle devrait se poursuivre à court terme. Mais à moyen et long terme, une flambée des cours est probable. Nombre de métaux ont des marchés en déficit, et la réduction des capacités de production, en particulier avec la fermeture de fonderies plombées par la cherté des prix de l'énergie, sont des facteurs potentiellement haussiers.
Robert Jules
Stocks d'aluminium.
Stocks d'aluminium. (Crédits : Reuters)

Entre risque de récession mondiale, prix élevés de l'énergie, les prix de métaux connaissent de fortes baisses, qui s'accélèrent ces dernières semaines. Ainsi, en un an, l'acier s'est déprécié de 26%, l'un de ses composants de base, le minerai de fer, encore plus fortement 35% (et -15% sur un mois). C'est surtout la baisse de la demande en Chine, premier producteur et consommateur mondial, qui pèse ces dernières semaines sur le métal le plus consommé au monde, en raison des rationnements de la fourniture d'électricité dans le pays qui réduit l'activité chez le géant asiatique.

Du côté des métaux non ferreux, sur un an, la baisse est de 16% pour le cuivre, de 12% pour l'aluminium, de 27% pour l'étain, de 16% pour le zinc et de 17% pour le plomb. Et si le nickel est encore en hausse de plus de 8%, il a baissé de 10% sur un mois (voir graphique ci-dessous).

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non ferreux

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Les métaux précieux qui ont des débouchés industriels sont aussi dans une tendance baissière. Le platine est en recul de 15% sur un an, le palladium de 13%, le molybdène de 12% (-14% sur le dernier mois) et l'argent de 24% (-12% sur le dernier mois).

L'exception du lithium

Seul le lithium, très demandé pour les modèles de batteries spécifiques aux véhicules électriques, affiche une hausse de 320%, l'offre n'étant pas encore à la hauteur des besoins projetés pour réaliser la transition énergétique.

« La tendance à la baisse constatée s'explique en partie par le réalignement sur l'économie réelle des acteurs des marchés financiers, après une période de panique et de forte incertitude, notamment après l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février dernier », explique Simon Lacoume, expert à la Coface. Ainsi, la poussée fébrile des cours consécutive à la crainte d'une restriction de l'offre russe est déjà effacée.

Mais c'est surtout la perspective d'un ralentissement de l'activité mondiale qui pèse sur le marché mondial des métaux. Fin juillet, le Fonds monétaire international (FMI) a révisé à la baisse ses estimations de croissance du PIB mondial pour 2022 à 3,2% contre 3,6% en avril dernier (-0,4 point). Pour 2023, l'activité devrait accélérer à 2,9% contre 3,6% auparavant (-0,7 point). « Il se peut que nous soyons à la veille d'une récession mondiale deux ans seulement après la dernière », avait même averti, alors, l'économiste en chef de l'institution Pierre-Olivier Gourinchas.

Une prédiction qui devient de plus en plus tangible, avec la persistance d'une inflation élevée. En zone euro, elle a encore accéléré en août, à 9,1% sur un an, après 8,9% en juillet. Redoutant que les ménages et les entreprises basent leurs comportements sur des anticipations inflationnistes, les banques centrales ont décidé de choisir de juguler impérativement la hausse des prix quitte à affaiblir l'activité économique. « Le changement de politique monétaire et la volonté affichée de la Réserve fédérale américaine de contenir l'inflation en poursuivant sa remontée des taux fait craindre une récession mondiale », souligne Benjamin Louvet, gérant matières premières chez OFI AM.

Le rôle primordial de la Chine

D'autant que ce ralentissement touche la Chine, un acteur majeur sur le marché des métaux, en tant que producteur et consommateur. La république populaire produit plus de 50% de l'acier mondial et en reste le premier importateur. « Les mauvais chiffres des ventes automobiles en Chine publiés en août ont ainsi entraîné une correction immédiate et violente sur le prix du platine et du palladium, très utilisés dans cette industrie », souligne Benjamin Louvet. A la différence des Etats-Unis et de l'Europe, le géant asiatique subit les conséquences des stricts confinements générés par son approche « zéro Covid » pour lutter contre la pandémie qui entraîne d'importantes perturbations de production. Les experts de Coface estiment que la croissance du PIB devrait être inférieure à 4% en 2022 contre 8,1% en 2021. Une perspective qui devrait continuer dans les six prochains mois « à peser sur l'activité et les prix du secteur des métaux, suggérant une tendance à la baisse continue », anticipe Simon Lacoume.

Les prix élevés de l'électricité et du gaz perturbent également la production de métaux en augmentant les coûts de production. Dernier exemple en date, le producteur allemand d'aluminium Speira étudie une réduction de 50% de sa production locale, soit environ 140.000 tonnes par an. Il prendra sa décision en septembre. « Glencore en fin d'année dernière et Nyrstar tout récemment, ont décidé de fermer des capacités de raffinage de zinc en raison de coûts trop élevés. Alcoa et Norsk Hydro ont fait de même dans le secteur de l'aluminium et ces fermetures pourraient se multiplier, tant les marges des producteurs sont négatives », souligne Benjamin Louvet.

Néanmoins, à moyen et long terme, de telles fermetures pourraient allumer une flambée des prix. Car une telle réduction de la production s'inscrit dans des marchés déjà tendus. Selon le World Bureau of Metal Statistics, les marchés mondiaux de l'aluminium, du cuivre, du plomb, du nickel et de l'étain sont en déficit sur le premier semestre 2022, après l'avoir déjà été en 2021, principalement en raison de la baisse de la production, notamment en Chine. Et si celui du zinc est en excédent sur ce premier semestre, alors qu'il était en déficit en 2021, c'est en raison d'une baisse de la demande japonaise et chinoise. En conséquence, les niveaux de stocks sont tombés à de faibles niveaux.

Usines fermées

Les prix vont rester déprimés tant que « les principaux secteurs clients des métaux, qui sont également procycliques, tels que la construction et l'automobile, connaissent des difficultés et sont considérés comme présentant un risque élevé dans toutes les régions, selon l'évaluation du risque sectoriel de Coface », souligne Simon Lacoume.

Mais la réduction des capacités de production aujourd'hui avec la hausse des coûts de l'énergie et le sous-investissement ne sont pas sans risque. « Les usines fermées le resteront pour au moins plusieurs mois quoi qu'il arrive. Certains évoquent même le risque de fermeture définitive. Ainsi, lorsque l'activité repartira ou que le développement de la transition énergétique s'accélérera, le manque de ressources constaté lors de la reprise en 2021 et qui a fait s'envoler le prix de certains métaux, pourrait s'en retrouver exacerbé ! », avertit Benjamin Louvet.

Pour rappel, l'indice LME des métaux non ferreux avait progressé de plus de 140% entre mars 2020 (début de la pandémie en Europe) et mars 2022 (début de la guerre en Ukraine).

Robert Jules
Commentaires 3
à écrit le 01/09/2022 à 13:52
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Il faudra bien prendre conscience que l'on change de logiciel et qu'il n'est plus question de reprise économique! Les extractions n'ont plus lieu d'être et la spéculation idem!

à écrit le 01/09/2022 à 13:38
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Bonjour, une bonne nouvelle, la France vas pouvoir acheter ses 100 000 tonnes d'acier a un bon prix pour la construction de sont nouveau porte avion... Après tous se n'est pas comme si , nous avons un besoin de réarmement...

à écrit le 01/09/2022 à 8:58
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"risque de récession", mon oeil ! On est déjà en récession. Quand l'Insee dira qu'on est en récession, et que toute l'intelligentsia parisienne se tordra les mains et se couvrira la tête de cendres avec ça, et versera des larmes de crocodile sur l...

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